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Retour sur antisémitisme, racisme, sionisme, antisionisme

dimanche 24 mars 2019 par Une autre Voix Juive

Une Autre Voix Juive s’est déjà maintes fois exprimée sur ces questions. Les nouveautés de la situation politique – notamment la déclaration du Président de la République au dîner du CRIF imposent d’y revenir .

A) Les nouveautés de la situation politique :

Dans un contexte radicalement nouveau où non seulement on a pu voir des attentats et des assassinats de compatriotes juifs, parce qu’ils sont juifs, mais le retour en masse des profanations de cimetières juifs, de tags de boutiques juives avec des croix gammées, comme celui d’autres tags de même nature visant cette fois des devantures de locaux appartenant au PCF, la multiplication d’incidents antisémites, il est impossible de céder à la banalisation qui se manifeste dans certaines prises de position .

Il est devenu courant de chercher à confondre en un tout indissociable des drames de masse ayant eu cours dans le développement de la civilisation et de caractériser cet ensemble du seul mot de « racisme ».

Tous les racismes humilient, mutilent, tuent et s’en prennent à la démocratie, nient la Charte de l’ONU et la Déclaration des Droits de l’Homme. En témoigne encore, s’il le fallait, le massacre antisémite de la synagogue de Pittsburgh et celui de musulmans dans deux mosquées de Christchurch, dans chaque cas par un néo-nazi.

On entend parmi les forces qui combattent les racismes affirmer que l’antisémitisme est un racisme comme un autre. Il en partage évidemment, certaines caractéristiques essentielles.

Les circonstances de l’éruption antisémite actuelle, imposent de souligner les aspects qui font de l’antisémitisme un objet singulier. L’antisémitisme, les racismes, tous propagés par l’extrême droite, s’appuient éventuellement sur des ressorts culturels et psychologiques différents. Les racismes flattent un sentiment de supériorité. Supériorité envers l’immigré, le pauvre, le barbare dont les coutumes nous menacent, dont la couleur de peau éventuelle marque qu’il provient de pays anciennement colonisés, etc.. L’antisémitisme, lui, excite à la fois les sentiments d’infériorité et de supériorité. D’infériorité : « les juifs » seraient riches, intelligents, ils s’entraident, ils sont proches du pouvoir quel qu’il soit, et toujours le pervertissent. Mais aussi de supériorité : « le juif » serait lâche, servile, peu viril ; « les juifs se sont laissé massacrer comme des moutons ». A cela s’ajoute le fait qu’il n’existe ni race juive - ni race tout court - ni peuple juif . Laisser penser l’inverse est faire bon marché des expériences monstrueuses des « médecins » d’Auschwitz. Pour cette raison aussi, l’antisémitisme est singulier .

S’ajoutent à ces traits des aspects religieux : d’un côté un questionnement des croyants sur le "peuple élu" : à quel titre , les juifs ? Par ailleurs, chez les chrétiens, l’accusation de « peuple déicide » a servi de couverture à maints massacres.

Dans le même temps, on voit bourgeonner des thèses, qui sans nier complètement le rôle de l’extrême droite néonazie en France et dans l’Union Européenne, insistent sur un « nouvel antisémitisme » prétendu « de gauche », et souvent sur un antisémitisme propagé par l’« islamisme radical ». Dans ce dernier cas, repris très souvent dans les médias, il s’agit de faire écho, par un vocabulaire trompeur, à une « menace islamiste » visant la « civilisation judéo-chrétienne », et du même coup de contribuer à sanctuariser la politique gouvernementale israélienne, supposée avant-poste de ladite « civilisation ».

Cet arsenal idéologique varié, dont chaque composante est activée à mesure des besoins, séparément ou ensemble, pollue profondément le débat politique indispensable dans notre pays. Que nombre de nos compatriotes juifs puissent, au-delà des perceptions diverses rappelées plus haut, se sentir menacés dans leur existence, alors que l’opinion puissamment majoritaire en France rejette l’antisémitisme, est une inacceptable et tragique réalité.

C’est, à sa manière, le sens de la déclaration du Président de la République au dîner du CRIF. Elle débute par une dénonciation nette de l’antisémitisme pour immédiatement passer à autre chose dans un amalgame et un conglomérat redoutables. Ce sont toutes ces raisons qui amènent Une Autre Voix Juive à cette Déclaration.

B) Antisémitisme

Ce terme possède une acception classique et compacte : elle condense la haine des juifs parce qu’ils sont juifs, et conduit à songer à légitimer leur élimination physique.

Véritable hydre de Lerne dans les représentations idéologiques et politiques, l’antisémitisme traverse les époques , les continents, en renouvelant sans cesse son accoutrement. Ses origines sont trop nombreuses et complexes pour qu’on puisse prétendre en faire le tour.

Sorte de legs testamentaire de la Première Guerre Mondiale , l’épisode nazi a érigé de façon spectaculaire une sorte de colonne vertébrale du ressort de l’antisémitisme. Le nazisme fit d’un « combat contre le judéo-bolchévisme » l’alpha et l’oméga de ses horreurs. Il s’adressa de façon diabolique à deux dimensions qu’il conjugua constamment.

D’une part, le capitalisme n’était pas dénoncé ni combattu comme tel, bien au contraire, mais le nazisme lui substituait la dénonciation de la « ploutocratie juive ». Dans le même temps, comme le décrit Eric Vuillard dans son livre "l’Ordre du Jour" (prix Goncourt 2016), les grandes entreprises capitalistes allemandes financèrent l’accès d’Hitler au pouvoir. De cette dimension qui estompe, voire escamote la responsabilité première des dirigeants de ces firmes, en premier lieu Hjalmar Schacht, banquier puissant qui écrivit le programme politique qui devait être appliqué par Hitler, on retrouve des traces bien visibles dans certains discours complotistes.

De l’autre, il visa la masse des citoyen-nes juifs et juives suspects d’importer des « théories désagrégatrices » d’un corps social, constitué selon les cas sur une base racialiste ou volkiste, globalement « sain ». Tout antisémitisme, notamment en France, ne procède pas directement de cet assemblage mais il n’est pas difficile d’en écailler le vernis quel qu’il soit .

On peut évidemment ajouter à ce qui précède le rôle de longue durée de religions dominantes, mais cet examen, utile, allongerait cet exposé démesurément. La collaboration effrayante de la hiérarchie catholique au plus haut niveau pendant la seconde guerre mondiale, ne saurait diminuer, affaiblir le fait que les institutions de la collaboration, le pétainisme, se réclamèrent avant tout du « combat » nazi, bien davantage que de quelque religion que ce soit, toute notion morale étant supposée « enjuivée » .

Ce rappel ne prétend pas à l’exhaustivité. Il indique sans aucune équivoque que l’antisémitisme d’hier et d’aujourd’hui prend ses racines dans les obsessions criminelles de l’extrême droite. Tout courant d’extrême droite ne porte pas l’antisémitisme en bannière mais tous sans exception y sont réceptifs. Il ne peut y avoir d’antisémitisme « de gauche ». On doit en France à Jean Jaurès sur ce point une clarification définitive au moment de l’Affaire Dreyfus, laquelle créa une polarisation politique sans aucune équivoque.

Cette polarisation se poursuivit au cours du temps avec une intensité variable mais on n’aura garde d’oublier que, dans la panoplie idéologique nazie, il y avait la volonté simultanée d’effacer complètement toute référence aux principes de la Révolution française et des « Lumières », Révolution française qui, au passage, fit des juifs des citoyens à part entière ( « Aux juifs comme nation , la République ne donne rien , au juif comme citoyen , la République donne tout ») .

Venons-en après ces rappels à la question du concept global censé rendre compte par un terme générique des drames d’ensemble de l’histoire humaine.

Est-il seulement pensable, comme on le rencontre, de faire de l’épisode nazi un simple point culminant de l’antisémitisme, le « passage à l’ère industrielle », une conséquence mécanique de causes socio-économiques ?

Une telle « thèse » est profondément révisionniste et, pour des motifs que nous examinerons plus loin, poursuit avec méthode des objectifs inavouables.

Le massacre programmé des juifs d’Europe est unique dans l’histoire de l’humanité. Il ne l’est pas seulement par sa programmation minutieuse au cours de la Conférence de Wannsee dont le contenu, maintenu secret absolu, ne fut révélé qu’à l’issue de la seconde guerre mondiale. Il le fut aussi par sa mise en œuvre industrielle et par le fait même qu’il se produisit au sein d’une des nations les plus avancées d’Europe.

Il le fut par le fait même que cette nation possédait un des plus riches patrimoines intellectuels de l’époque couvrant la plupart des domaines de la pensée. Il le fut au travers d’une brutalisation sans exemple de tout le corps social empêchant par les moyens de la violence la plus extrême l’expression de la moindre opposition punissable de la peine de mort, par le degré absolu de l’horreur qui fut telle qu’elle se heurta à l’incrédulité, y compris celle des troupes de diverse origine nationale qui libérèrent les camps d’extermination.

Reconnaître l’unicité de la monstruosité nazie, son caractère indicible et inépuisable, en rappeler constamment ses ressorts – ce qui est loin d’être le cas dans les débats actuels — n’équivaut pas à prétendre que le génocide des juifs d’Europe est le seul dont il faille garder la mémoire. Les autres crimes contre l’humanité (massacre des tribus amérindiennes, colonialisme, traite et esclavage des Noirs, les exactions antichinoises, le martyre du peuple coréen sous occupation japonaise, le génocide des Arméniens, des Tsiganes, des Khmers, des Tutsis, des Rohingyas, le massacre des homosexuels et des malades mentaux , etc.), ne sont pas en quelque sorte seconds et placés sur une échelle de l’abomination qui est elle-même insupportable. Unicité n’est pas exclusivisme .

Le refus de reconnaître l’unicité historique de la tentative presque réussie par le nazisme de l’extermination systématique des juifs d’Europe conduit à en banaliser les possibles retours. Des exemples frappants de négationnisme ont été produits en France. Ils ont été condamnés. Mais l’hydre se reconstitue à la faveur des « oublis » historiques et des effacements coupables des causes de l’inimaginable .

Il arrive que des courants situés à gauche de l’échiquier politique pratiquent l’amalgame et voudraient que le caractère unique de l’antisémitisme soit abandonné au profit du racisme. Bien que leurs intentions soient louables et universalistes, Une Autre Voix Juive ne les rejoindra pas. Ni l’antisémitisme, ni les différentes formes de racisme n’ont vocation à demeurer partie intégrante de la condition humaine, mais c’est nier l’Histoire que de refuser de voir ce qui donne à l’antisémitisme son caractère unique. Toutes les manifestations récentes d’antisémitisme, sans aucune exception, sont marquées du sceau du nazisme et de ses symboles.

Des crimes antisémites se sont produits sans cette référence unificatrice, mais leurs auteurs, s’ils ne s’en réclament pas explicitement, font appel dans leurs actes à une idéologie appelée de façon trompeuse « islamisme radical », alors qu’il est notoire que l’Islam est étranger à pareilles conceptions, le judaïsme étant religion reconnue comme l’une de celles appelées « religions du Livre » et respectée ou seulement tolérée comme telle (ce point faisant l’objet de controverses académiques légitimes ) - et d’autre part que ces actes constituent l’ombre portée d’un système dont l’apparentement fasciste ne fait aucun doute.

On ne trouve rien dans l’histoire tourmentée du monde musulman, dans les périodes de faste comme dans celles du déclin, qui ressemble de près ou de loin à ce qui se donne pour « un retour à l’Islam ». Par contre, les exactions monstrueuses, la volonté d’exercer le droit de vie et de mort sur toute une population, le recours systématique aux crimes de masse ont une seule et unique parenté ; ce n’est pas dans l’Islam qu’on la trouve .

Ici encore on reconnaît la volonté de ne pas considérer les racines de corpus idéologiques communs à tout fascisme.

Autre chose est de reconnaître que les représentations dans notre pays de la situation au Proche Orient n’ont pas le même impact sur les différents secteurs de l’opinion. Il s’y manifeste des sentiments « naturels » de solidarité tant chez une partie de nos compatriotes juifs vis-à-vis d’Israël que chez ceux de culture musulmane avec le peuple palestinien soumise au déni de ses droits fondamentaux par une occupation colonialiste se disant « juive » avant d’être israélienne .

Il y a là, de par la brutalité et l’illégitimité de cette occupation coloniale, un terreau fertile à des tentations de faire des « juifs » les responsables de cette situation intolérable. Les flambées de colère et d’indignation légitimes qui en résultent sont évidemment propices à la dissémination de l’antisémitisme ; elles coïncidaient jusque là avec les paroxysmes de violence israélienne.

L’apparition de signatures néo nazies récentes, les assassinats se réclamant du nazisme et/ou du « suprémacisme » n’ont plus rien à voir avec le conflit et constituent un signal alarmant .

En tout cas, l’action résolue de notre pays au plus haut niveau comme celle de l’Union Européenne en faveur d’une Paix Juste , Durable et Négociée au Proche- Orient aurait d’évidence un effet majeur pour combattre l’antisémitisme d’où qu’il vienne et de quelque déguisement qu’il se pare .

Bien que leur rôle politique soit malheureusement important, nous laissons de côté les chrétiens évangélistes qui, aux USA aujourd’hui , constituent de véritables boute feux pour le Proche Orient. Inspirées de visions d’Apocalypse, leurs organisations soutiennent à bout de bras la politique israélienne en projetant une sorte de « solution finale ». Au demeurant, elles sont influentes en Amérique latine et soutiennent les régimes de caractère fascisant comme récemment au Brésil. On l’a dit, le corpus commun à tout antisémitisme est limité et reconnaissable .

C) Sionisme

Les origines de cette idéologie composite sont généralement connues. Le « sionisme » en dehors du socle « Peuple juif exilé ayant le droit historique de revenir sur la Terre de ses ancêtres » n’existe pas. Sur ce socle hautement discutable, et anéanti par les travaux de l’historien israélien Shlomo Sand, se sont construites diverses variantes non identifiables.

L’une d’elle, du fasciste juif Jabotinsky, qui a cours dans les sphères gouvernementales actuelles d’Israël, n’en est une qu’avec difficulté, rejetée et condamnée par les premiers dirigeants israéliens, quelle que soit par ailleurs leur extrême complaisance à son égard, et leur instrumentalisation de ce courant à leurs propres fins. Parler aujourd’hui « du » sionisme est une aberration, et nombre de voix, en Israël même, le soulignent. Même si, comme c’est le cas d’Une Autre Voix Juive, on en rejette le socle commun, il est contraire à la vérité historique d’en confondre toutes les variantes.

La Déclaration d’Indépendance qui tint et tient encore lieu de Constitution à Israël, aux termes mêmes de l’ONU, montre que les évolutions récentes et catastrophiques de la politique israélienne n’avaient aucunement une pente fatale et obligatoire en direction d’une politique colonialiste, discriminatoire entre citoyens du même État sur une base racialiste, essentialiste et religieuse. Dans et hors d’Israël, des courants d’opinion nombreux se manifestent pour rejeter cette évolution désastreuse. Au demeurant, la discussion sur les origines et le sens très flou « du » sionisme ne présente qu’un intérêt mineur hors d’Israël, le problème primordial s’organisant autour d’une unique question : ou bien on considère l’ONU comme seule institution fixant le droit international, indépendamment de ses limites, ou bien au contraire on choisit, dans une sorte de géométrie variable, les décisions qui conviennent à son point de vue et en contester d’autres.

L’ONU n’a pas créé en 1948 un État « sioniste » sur le territoire de la Palestine historique mais deux États, l’un à majorité juive, l’autre à majorité arabe.

Ce qui importe est que le peuple israélien et le peuple palestinien, tous deux de formation récente, ont chacun droit, selon les résolutions de l’ONU, à des frontières sûres et reconnues, à la sécurité, la souveraineté et la Paix. Le « droit historique » à un Territoire n’existe pas .

Une Autre Voix Juive prend le parti de se fonder sur les décisions de l’ONU. Toute autre attitude conduit à des contradictions insupportables et dangereuses .

D) Antisionisme

Les raisons invoquées pour ne pas se référer « au » sionisme, comme si ce courant idéologique était monolithique, font que de façon symétrique l’ « antisionisme » ne saurait avoir de définition univoque. Une Autre Voix Juive le sait : cette expression peut témoigner, comme c’est le cas pour elle-même, du refus d’accepter le socle de toutes les variétés de sionisme. Mais elle ne saurait faire l’impasse sur d’autres significations moins avouables.

Sous ce terme générique, l’histoire contemporaine récente a montré que pouvait se cacher un antisémitisme d’État. Ce pourrait être suffisant pour refuser le recours à cette expression. Mais même en dehors de ce fait, le recours à l’ « antisionisme » couvre une très grande variété d’acceptions. On trouve celle qui, loin de toute considération concrète se positionne pour rejeter toutes les politiques menées par Israël quel que soit son gouvernement, ne faisant aucune distinction entre les périodes successives, et de ce fait assimilant tout au courant d’ extrême droite actuel, ce qui est politiquement et intellectuellement intenable.

On trouve sous cette expression le rejet pur et simple de l’ « entité sioniste ». Enfin des antisémites notoires utilisent la phraséologie antisioniste pour éviter d’avoir affaire à la justice française. Entre ces deux positions courantes existe une variété infinie de positions intermédiaires. Cela suffit à Une Autre Voix Juive pour en rejeter l’usage, mais cela ne saurait impliquer de considérer toutes celles et ceux qui expriment leur opinion sous cette terminologie hasardeuse comme antisémites avérés.

On rencontre dans tous les secteurs de l’opinion, y compris à gauche, des individus qui expriment une forme ou une autre d’antisémitisme. Quelle que soit l’affinité politique à laquelle ces individus croient se rattacher, ils ne font que manifester leur contamination par l’idéologie d’extrême droite. C’est le devoir des organisations qui se veulent de gauche de combattre ces contaminations et de jouer leur rôle d’éducation populaire politique .

E) De quelques conséquences politiques

— La déclaration du Président de la République au dîner du CRIF en février soulève une question très grave. D’une part, cette déclaration est faite devant le CRIF qui, loin d’être aujourd’hui une institution « représentative » se comporte explicitement comme un lobby pro-israélien.

S’agit-il de lier de façon organique la position politique de la France à celle du gouvernement d’Israël, quelles que soient les violations vis-à-vis de ses propres engagements internationaux et les crimes que sa politique perpétue ?

Comment peut -on qualifier à juste titre la colonisation pratiquée de longues années par la France de « crime contre l’humanité » et se taire devant celle poursuivie au mépris de tout droit par le gouvernement israélien ? Faudra-t-il attendre un nouveau demi-siècle pour que la France reconnaisse avoir fait fausse route ?

Au-delà de ces considérations, cette subordination inacceptable aux décisions et injonctions d’un gouvernement étranger porte non seulement atteinte à l’image et au rôle de la France, mais aussi à nos compatriotes juifs ou juives, qui peuvent du même coup être considéré-e-s comme complices d’une politique niant jour après jour les principes proclamés par l’ONU, l’Union Européenne, et, il va de soi, au premier chef, la France. Bien loin de soutenir la lutte contre l’antisémitisme, cette attitude lui fournit de nouveaux aliments et met en danger nos compatriotes, alors même qu’ils et elles ne se sentent aucunement lié-e-s à cette politique, qu’ils ou elles aient ou non de la sympathie pour Israël.

— L’assimilation de l’antisionisme à l’antisémitisme est inacceptable. Une Autre Voix Juive combattra cette impossible prétention. Tout autre chose est la remise en cause de la légitimité d’Israël aux termes des résolutions de l’ONU dont Une Autre Voix Juive réclame l’application.

— On rencontre, y compris à gauche, des expressions qui font de la création même d’Israël une « erreur » historique. Remonter le cours de l’Histoire est impossible. Les origines du plan de partage de la Palestine historique sont sujettes et seront sujettes à des débats sans fin, intéressants pour historiens et universitaires, mais ils n’ont aujourd’hui aucune portée pratique. L’ONU a créé sur le sol de la Palestine historique deux États. L’un existe, l’autre, soumis à occupation militaire, n’a ni souveraineté ni indépendance. Il revient à notre pays et à l’Union Européenne de déployer tous ses efforts pour que les résolutions de l’ONU soient mises en œuvre.

Israël doit son existence à une forme de colonisation. Elle n’a rien, à l’origine, en commun avec d’autres États qui se sont construits sur la quasi éradication de peuples autochtones. Personne ne songe aujourd’hui à leur demander des comptes à ce titre. Il n’est pas acceptable de le faire relativement à Israël. Cet État est né d’une forme de colonisation par achat massif de terres à leurs propriétaires en titre, mais sa reconnaissance doit tout au legs testamentaire de la deuxième guerre mondiale. Reconstituer les conditions ayant conduit à cette décision est impossible.

Au cours de la guerre de 1948 , près de 800 000 Palestiniens ont été chassés de leur village, parfois délibérément. Une des Résolutions de l’ONU traite du "droit au retour ou à compensation" pour les victimes, Résolution à laquelle Israël est tenu de répondre et s’y est constamment refusé, à l’exception des négociations avortées de Taba.

On rencontre, y compris à gauche, des discours qui mêlent dans une même opprobre tous les gouvernements israéliens depuis l’origine de l’État. Ces discours sont eux aussi condamnables. Cela ne signifie en rien saluer l’action des premiers et les innocenter des lourdes fautes politiques et des crimes commis à cette époque. Il demeure qu’on ne peut confondre des gouvernements plus ou moins inspirés d’idées démocratiques avec ceux qui se sont succédé depuis l’assassinat de Yitzhak Rabin.

  • - Ces discours, certes éminemment critiquables, téléologiques, n’ont rien à voir avec l’antisémitisme. Ce sont des reconstitutions mystificatrices, symétriques de celles qu’une certaine propagande sioniste voudrait imposer.
  • - Demeure la question primordiale : aucune voix française, Une Autre Voix Juive comprise, ne peut se prévaloir d’une fonction de « conseil », ne peut se substituer aux acteurs directs, à savoir les peuples israélien ( dans la diversité de ses composantes ) et palestinien.
  • - L’opinion publique française progressiste peut -elle contribuer à une solution pacifique, juste et négociée et si oui comment ?

Devant les faits accomplis des forces armées israéliennes et la politique coloniale du gouvernement actuel d’Israël, grande est la tentation du renoncement ou/et de l’indifférence. Les débats sur « sionisme – antisionisme » ne contribuent en rien à sortir de cette attitude. Oublier l’ONU, ou en diminuer le rôle, c’est nourrir exactement à la fois la politique irresponsable et criminelle d’un Trump, comme celle du gouvernement israélien qui cherche par tous les moyens à se libérer des engagement souscrits auprès de l’ONU .

La priorité absolue devrait être pour tout-e démocrate, progressiste, pacifiste, de peser pour qu’en France, et évidemment dans l’Union Européenne, se dégage un mouvement d’opinion puissant visant à une paix négociée, juste, et durable.

Par de cyniques calculs, jusque-là les gouvernements les plus divers, notamment en France depuis le quinquennat de Sarkozy, ont soutenu la politique israélienne tout en émettant de timides réserves, sans portée réelle, par rapport à la colonisation. L’invocation des Droits de l’Homme n’est jamais présente dans leur positionnement. L’Union Européenne n’a pas fait de Jérusalem la capitale d’Israël, ni la France, et il faut s’en féliciter, mais les évolutions graves actuelles ( dont la loi sur l’État-nation du peuple juif, véritable loi d’Apartheid ) n’ont fait l’objet d’aucune protestation fût-elle symbolique .

Les raisons d’un tel comportement, pour ce qui concerne la France, ne sont pas difficiles à concevoir. Puissance coloniale d’hier, avec la persistance de courants politiques qui en entretiennent la nostalgie, la France s’adosse maintenant à la politique des USA qui nourrit de vastes plans de réorganisation du Proche Orient sous sa domination, économique, idéologique, culturelle, politique. Elle fait d’Israël le fer de lance de ces plans, caractéristiques de l’ « Occidentalisme ».

C’est pourquoi seul un mouvement d’opinion inégalé peut faire changer d’orientation dans notre pays et dans l’Union Européenne. C’est pourquoi, au premier chef et indépendamment des actions visant au boycott de toute activité économique avec les implantations coloniales, il faut imposer d’une part la reconnaissance de l’État de Palestine, acte confirmant les votes de l’Assemblée Nationale, et d’autre part la suspension de l’Accord d’Association entre l’Union Européenne et Israël.

Ces exigences peuvent être portées sans qu’il soit possible de les relier de façon quelconque à un antisémitisme camouflé. C’est pourquoi elles peuvent être très largement partagées et mettre un terme à la complicité coupable des gouvernements de l’Union Européenne avec une politique qui bafoue tout principe qu’elle est censée porter. C’est vers cet engagement qu’Une Autre Voix Juive se mobilise et elle y persévèrera.

22 mars 2019

   

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