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Le Grand débat national pour solde de tout compte

samedi 6 avril 2019 par ingirumimus

Comme je l’ai signalé plusieurs fois, le Grand Débat a été un échec complet. Macron par son agitation permanente et en organisant des grandes messes avec des élus amis a pu un moment donner l’illusion d’autre chose. Mais cette illusion s’est dissipée assez rapidement. La plupart des réunions – des milliers de réunions en effet – se sont tenues devant des chaises vides, en présence de retraités qui n’ont pas grand-chose d’autre à faire. Dès le mois de décembre, quand cette idée coûteuse a été avancée par Macron, 70% des Français pensaient que cela ne servirait à rien.

A Plescop, ils étaient 12 !

C’est confirmé par Macron lui-même qui, bien forcé de clôturer le Grand Débat qui n’en finit pas, a déclaré qu’il ne sortirait pas le carnet de chèques – sous-entendu pour les gueux puisque pour ses copains, il trouve des milliards – et donc toutes ces heures de baratin n’auront servi à rien, sauf à démontrer la cuistrerie de l’exécutif [1]. Il se pourrait même que l’image de Macron qui n’était déjà pas très bonne, se soit encore un peu plus dégradé dans l’opinion avec l’organisation du Grand débat que beaucoup ont compris comme une façon détournée de faire campagne pour les élections européennes aux frais du contribuable.

Sondage Elabe pour BFM TV, les 12 et 13 mars 2019

Macron malgré les apparences et son agitation permanente – à côté Sarkozy donne l’image d’un vieux sage – a atteint l’immobilité la plus totale. Pour dire les choses autrement, il a fatigué tout le monde, jusque dans son propre parti.

Les 2 et 3 avril 2019, les députés devaient conclure sur la restitution des résultats du Grand débat. Les députés étaient très peu nombreux et concluaient à mots couverts que l’exercice n’avait servi à rien [2]. Mais étant donné le manque de transparence des remontées, comme l’absence de participation des Français au Grand débat, ils auront de la peine à faire des propositions cohérentes.

La quasi impossibilité de sortir quelque chose de significatif de ce Grand débat qui aurait coûté entre 10 et 15 millions d’euros [3], va aggraver la position de Macron, car tout le monde comprend maintenant que le Grand débat était juste une manière de gagner du temps pour arriver jusqu’aux élections européennes sans trop d’encombre.

Grand débat à Belforêt-en-Perche

Un nouveau sondage Elabe publié le 3 avril permet de mettre les choses en perspective [4]. Retenons quelques chiffres qui montrent que la situation ne s’améliore pas pour Macron.

Seuls 6% des Français croient que le Grand débat a été un succès. Et seulement 19% des électeurs de Macron pensent que c’est un succès, même ses soutiens n’y croient pas. Dans ce sondage on apprend encore que 61% des Français sont ou soutiennent les gilets jaunes ! Ce qui n’annonce évidemment pas une fin du mouvement.

Mais il y a quelque chose de plus important : c’est ce qu’on appelle la restitution du Grand débat, autrement dit ce que le Grand débat dégage comme ligne de force. C’est sur ce point qu’il va y avoir une bataille politique. En effet, les réponses apportées par le Grand débat sont biaisées par le fait que la population française qui y a participé n’est pas représentative. C’est ce que nous voyons dans la figure suivante.

C’est la bourgeoisie retraitée qui a participé à ce Grand débat, les plus jeunes et les travailleurs ne s’y sont pas déplacés. Et donc évidemment les résultats ne reflèteront pas les desiderata des Français dans leur ensemble. On sait que le questionnaire Macron avait orienté les questions vers une baisse des dépenses publiques. C’est donc tout naturellement ce thème qui va ressortir. Mais seulement un peu plus d’un tiers des Français pensent que c’est là une priorité.

Cette volonté vient en contradiction avec le fait qu’ils sont tout autant à vouloir maintenir le service public, notamment en ce qui concerne l’hôpital de proximité. Il est en effet impossible de faire baisser les dépenses publiques et en même temps d’améliorer le fonctionnement des services publics. Cela fait trente ans qu’on s’y essaye sans succès.

Le seul thème qui ressort clairement est celui du pouvoir d’achat qui est plébiscité par 70% de la population. Il est en effet central depuis les débuts de Macron à l’Elysée. Les mesures d’urgence annoncées le 10 décembre, notamment la hausse de la prime d’activité pour les plus démunis, n’ont pas calmé les attentes. Et cela d’autant plus évidemment que les fortunes des milliardaires ont encore augmenté fortement.

Selon une étude d’OXFAM, chaque jour qui passe voit la fortune de nos milliardaires s’accroitre de 2,2 milliards d’euros [5] ! Et évidemment si face à cette augmentation indécente le pouvoir d’achat des plus pauvres stagne, voire diminue, alors on peut en conclure que la théorie du ruissellement chère à Macron – une théorie qui s’est révélée fausse depuis au moins le début du XIXème siècle – ne marche pas et qu’elle n’est qu’un slogan destiné à faire patienter les plus pauvres tandis que les plus riches et les plus cupides continuent d’accumuler.

Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, avance, lui, qu’il croit – mais il n’en est pas sûr – que le pouvoir d’achat des Français a été dopé grâce à l’euro !! Le monde en fait une tartine et discute à l’infini des statistiques et du « ressenti » [6]. Il y aurait ainsi un décalage entre la réalité et le « ressenti », autrement dit, ceux qui se plaignent n’ont pas de raison de le faire, ce sont des jaloux.

Je ferais deux remarques sur ce point. La première est qu’évidemment Villeroy de Galhau, un nom rond en bouche et délicatement fruité, dont le sort dépend de Macron, un européiste convaincu, ne va pas cracher dans la soupe, d’autant qu’il touche plus de 30 000 € par mois de salaire, sans compter les avantages en nature, logement de fonction, chauffeur, etc.

La seconde est que ce que croit Villeroy de Galhau est infirmé directement par une étude allemande, menée par des économistes libéraux, qui concluait que le passage à l’euro avait fait perdre en 20 ans 56 000 € à chacun des Français [7] ! Et donc comme dans le même temps les très riches amis de Macron ont vu leur fortune augmenter continuellement, il vient que les plus pauvres ont bien perdu en pouvoir d’achat.

Une autre étude de l’OFCE confirmait que les réformes de Sarkozy et Hollande avaient bien amputé le pouvoir d’achat des Français [8]. Cette étude ne tenait pas compte encore de l’effet des réformes Macron, c’est-à-dire depuis que ce dernier a été malencontreusement élu président.

À part Macron et les européistes enragés comme Villeroy de Galhau, tout converge pour montrer une baisse du pouvoir d’achat depuis au moins 2008. Comme on le comprend, Macron se trouve au pied du mur : que peut-il faire pour compenser cette baisse du pouvoir d’achat ? François Bourguignon, un autre économiste, analysait que le ressentiment des Français était la conséquence justement d’une longue stagnation des salaires [9].

Mais pour compenser cette baisse du pouvoir d’achat, en dehors des mesurettes à la Macron d’une prime d’activité, il faut d’abord en comprendre les causes. En vérité elles tiennent à l’Union européenne. On l’a vu ci-dessus en citant l’étude allemande comme la conséquence de l’introduction de l’euro. Mais il ne faut pas oublier que si les réformes de Sarkozy, Hollande et Macron – sans doute le pire des trois – ont eu des effets délétères sur le pouvoir d’achat des Français, c’est parce que ces réformes étaient voulues et dirigées par Bruxelles et la Commission européenne.

Toutes ces réformes de structure qui appauvrissent les Français sont d’abord dirigées contre « le modèle français », c’est-à-dire un modèle social où la solidarité tient une place importante dans une logique redistributive. C’est bien contre cette logique redistributive que les réformes voulues par la Commission européenne sont engagées.

Pour toutes ces raisons, il n’y a rien à attendre ni de Macron, ni de l’Europe. Celle-ci a mis en son cœur la concurrence libre et non faussée, et c’est bien cela qui est le moteur de l’accroissement des inégalités sociale. Or l’Union européenne n’est pas réformable : il ne peut pas y avoir d’Europe sociale, les traités l’interdisent [10].

On ne changera pas la configuration des rapports sociaux en restant dans l’Europe, sous la férule de ses traités. Quelles que soient les difficultés que cela représente, comme on le voit avec le Brexit, il faudra bien en sortir.


Voir en ligne : http://in-girum-imus.blogg.org/le-g...


Nous vous proposons cet article afin d’élargir notre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s’arrête aux propos que nous reportons ici.


[10François Denord & Antoine Schwartz, L’Europe sociale n’aura pas lieu, Raisons d’agir, 2009.

   

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