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Soudan : les Janjawids au pouvoir

lundi 10 juin 2019

Pour écraser la révolte le conseil militaire de transition envoie des milices sur Khartoum.
Après plusieurs mois de contestation, le dictateur Omar Al-Bachir a été remplacé par un Conseil Militaire, présidé par Burhan et Hemetti. Les massacres qui ont commencé il y a une semaine dans la capitale sont perpétrés par les Janjawids, qui sont coupables de génocide au Darfour et dans d’autres régions depuis vingt ans.

Qui sont les Janjawids ?

Les Janjawids, ce sont littéralement les « diables à cheval ». Ce mot est apparu dans les années 2000 au début de la guerre au Darfour, lorsque les forces de l’Armée Populaire du Soudan (SLA) ont progressé dans plusieurs villes comme la ville d’Al-Fashir. Le gouvernement d’Omar Al-Bachir a appelé les tribus arabes à défendre et arrêter la progression des forces rebelles. Il a donc armé des groupes d’hommes de ces tribus pour contrôler la région et lutter contre les forces rebelles.

Les Janjawids viennent donc des tribus arabes, et une partie d’entre eux sont étrangers, majoritairement originaires du Tchad, du Niger et du Mali. Par exemple, une vidéo montrant un homme tchadien décrivant son implication avec les RSF au Yémen puis à Khartoum, et divers témoignages de civils qui ont survécu ont prouvé cette origine géographique d’une partie des RSF, alors que leur chef et le gouvernement soudanais nie cela depuis toujours.

Le peuple soudanais continue de les appeler « janjawids », bien que cette appellation ne soit pas reconnue par le gouvernement. Leur autre nom, c’est les « Forces de Soutien Rapide » (RSF, en arabe qowat al-dam al-sari).

Après sa création, le gouvernement ne voulait pas reconnaître qu’il était à l’initiative des Forces de Soutien Rapide. Après 2008, il reconnaît finalement l’utilisation de ces forces dans la « pacification » de la région du Darfour, pour « arrêter le chaos, protéger le peuple et protéger les institutions ». En 2014, dans un effort de régularisation de ces forces par le gouvernement, elles sont rattachées au puissant NISS (Service National de Sécurité et de Renseignement). Ils sont donc officiellement une milice paramilitaire mobile, associée au Service de Sécurité national, sous leur nom officiel « RSF ».

Cette milice, majoritairement issue des milieux ruraux de l’Ouest du Soudan, a des liens forts avec le gouvernement tchadien et avec le gouvernement soudanais. Le président tchadien Idriss Déby a par exemple épousé la fille de Moussa Hilal, le chef des Janjawids à l’époque du génocide au Darfour dans les années 2000.

Moussa Hilal dirigeait la Brigade du Renseignement aux Frontières au Nord du Darfour, qui est une force janjawid spéciale mobilisée dans cette zone. Il a aussi été ministre des Affaires Fédérales soudanaises en 2008. Il est le symbole des atrocités commises au Darfour et il est recherché pour ses crimes devant le Cour Pénale Internationale. Ces forces étaient connues pour être « prêtes, rapides, brutales ».

Ali Osman Taha était Vice-Président du Soudan de 2005 à 2013. Il a nommé Moussa Hilal à la tête des forces janjawids pour recruter et commander ces forces.

Les Janjawids sont issus des tribus arabes du Soudan, par exemple Moussa Hilal est originaire de la tribu des Baggara (tribu arabe qui s’occupe des vaches, d’où leur nom) ; Hemetti est originaire Al-Abala de la ville d’Ad Dein, une autre tribu arabe qui s’occupe des chameaux. A l’origine, les forces janjawids ont été crées à Al-Misteriha, une ville qui se situe au Nord du Darfour.

Burhan et Hemetti, « généraux du sang » - sous-titre : le Massacre de la Place d’Al-Qyada. / Réseaux sociaux.

Les Janjawids tuent, volent et pillent depuis 2003. Il n’y a pas de chiffre exact, Omar Al-Bachir a dit un jour que le nombre de morts s’élevait à 500 000 personnes dans une interview sur la chaîne d’Al-Jazeera, mais le chiffre réel est sûrement beaucoup plus élevé. D’autres sources parlent de 3 millions de mort et des milliers de blessés, et plusieurs millions de déplacés.

Les Janjawids ont utilisé le viol comme arme de guerre, en violant systématiquement les femmes lors des attaques des villages. Ils brûlaient toutes les maisons et les fermes, tuaient les hommes et les enfants. Leur mode opératoire est connu de tous : ils arrivent à cheval ou en pick-up, rasent le village en quelques heures, avec des avions militaires, des hélicoptères, qui surveillent l’opération. Lors de ces attaques, quelques personnes rescapées arrivent à fuir le village en suivant par exemple les Wadi (cours d’eau) et se cacher ou rejoindre des camps. Ils sont souvent rattrapés par des groupes qui attendent plus loin. Les déplacés se retrouvent massivement dans des camps dans tout le pays, et dans d’immenses bidonvilles autour des villes, où les Services de Sécurité et les Janjawids continuent de leur faire vivre un enfer.

Les principales victimes des Janjawids sont la population Fur, ainsi que les populations Massalit, Zaghawa et d’autres tribus dites « africaines » ou « non-arabes », dont la population a été décimée et déplacée en grande partie. Les Janjawids sont accusés de génocide contre ces populations.

Pendant son séjour au Darfour en tant que dirigeant de l’Armée au niveau de Jebel Marra, Burhan a dit « je suis le Dieu des Fur, j’ai le droit de vie ou de mort sur eux ». Il est actuellement à la tête du Conseil Militaire qui dirige le pays.

Comment sont financés les Janjawids ?

Au début, leurs revenus étaient surtout sous la forme de salaires directs du gouvernement.

Ali Osman Taha, Ahmed Haroun et Khalifa Kushayb (région de Jebel Al-Nuba et Nil Bleu) sont les trois personnes clés, avec d’autres personnes du gouvernement très puissantes, qui ont organisé le financement de ces forces. Les RSF dépendaient financièrement du gouvernement.

On en a la preuve parce que Ali Osman Taha a expliqué réserver une partie du budget du gouvernement pour les Forces de Soutien Rapide. On sait aussi qu’Ahmed Haroun, qui était Ministre de l’Intérieur, a participé au financement des Janjawids. Il menace les manifestants depuis décembre 2018 en leur disant que les RSF sont plus forts et promet une répression féroce pour mettre fin au « chaos ». Il est accusé d’avoir donné l’ordre aux milices de tuer, violer et torturer les civils, et d’avoir commandité plusieurs attaques sur des villages et villes à l’Ouest du Darfour, et notamment les massacres de population Massalit. Il est aussi accusé d’avoir forcé le déplacement de 20 000 personnes à l’été 2003, et d’avoir dit que « tous les enfants des Fur étaient des rebelles ». Il est actuellement maire de la ville d’Al-Obeid.

Un des slogans des manifestations récentes disait « Ali Osman, espèce de lâche ! Nafi Ali Nafi, t’es inutile (ma nafi) ». Pour les manifestants, ceux qui dirigent et financent les Janjawids sont des criminels qu’il faut faire chuter comme Al-Bashir.

Après 2010, après l’affaiblissement économique du gouvernement, les Janjawids ont trouvé d’autres sources de revenus, comme les mines d’or dans la région du Darfour, autour de Jebel Amir. Ils récupèrent aussi de l’argent dans la guerre du Darfour, par exemple en attaquant Tawila, Korma et Kutum, ils ont volé l’argent et les biens, ainsi que le bétail et les récoltes des habitants, parce qu’il y avait beaucoup de richesses. Ils attaquaient ces lieux à la fois à des fins de nettoyage ethnique et à des fins économiques : certaines populations Fur avaient des terres, du bétail, et c’était des cibles faciles et rentables pour les Janjawids.

Après les attaques de village, les Janjawids récupèrent des terres et des maisons, s’installent et occupent les zones qu’ils vident. Des dirigeants des mouvements rebelles (comme le mouvement SLA) appellent aujourd’hui à chasser ces personnes, dont beaucoup de membres des Janjawids, qui ont été implantés dans les villages d’origine des tribus massacrées et déplacées. Ils dénoncent un remplacement ethnique (tribus arabes qui remplacent les tribus Fur et Massalit), qui empêche un retour des populations à leurs terres et installe durablement des forces pro-gouvernementales pour contrôler la région.

Les Janjawids, déguisés sous le nom RSF et reconnus comme force paramilitaire, ont aussi tiré profit de la guerre au Yémen. L’Arabie Saoudite a fait pression sur le gouvernement soudanais pour envoyer des troupes au Yémen et participer à la guerre. Des troupes de Janjawids ont ainsi été déployées au Yémen et ont reçu pour cela de l’argent et des armes de la part des Émirats Arabes Unis et de l’Arabie Saoudite. Grâce à cette implication militaire dans le conflit à partir de 2015, leur influence et leur pouvoir a beaucoup grandi au Soudan. Ils sont devenus mieux organisés et grâce à ces changements, de nombreux jeunes les ont rejoint, en particulier des jeunes de tribu arabe.

La milice recrute grâce à deux facteurs : les salaires des membres de la milice sont relativement élevés et peuvent offrir une source de revenus pour la famille, alors les jeunes les rejoignent ; et ils recrutent énormément d’enfants soldats en convaincant les familles.

La suite de l’article Ici.


Voir en ligne : https://lundi.am/Soudan-les-Janjawi...

   

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