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Honneur à toi camarade ! C’est une page d’un livre qui ne doit pas se refermer qui se tourne.

mercredi 1er avril 2020 par Alain Salles pour Le Monde

C’est un géant qui disparaît.
L’homme qui arracha le drapeau nazi planté par l’occupant au fronton du Parthénon.
Celui qui eu le courage d’affirmer la démocratie face à la tempête brune, le Communiste Manolis Glézos est mort.(Canaille le Rouge)

Un mot résume la longue vie de Manolis Glezos : résistance.

A 18 ans, en mai 1941, il décrochait, avec son ami Apostolos Santas (mort en 2011), le drapeau nazi qui venait d’être installé sur l’Acropole. A 89 ans, il est revenu au Parlement en juin 2012, comme député de Syriza (gauche radicale), pour protester contre les mesures d’austérité dont souffrait la Grèce en crise économique. C’est au nom de cette lutte qu’il claqua la porte du Syriza au pouvoir quand le premier ministre d’alors, Alexis Tsipras, a accepté les conditions drastiques des créanciers de la Grèce en juillet 2015.

Il fallait toute l’inconscience de deux jeunes pour se lancer, une nuit de mai, seuls à l’assaut du plus célèbre monument d’Athènes, pour signifier à Hitler qu’il avait tort de crier victoire en Grèce. « On s’est dit qu’on allait lui montrer que la lutte ne faisait que commencer », expliquait-il au Monde, en 2012. Pour lui, elle ne s’est jamais arrêtée.
En 2012, il revendiquait « soixante-seize ans de luttes ». Il est mort d’une insuffisance cardiaque, lundi 30 mars, dans un hôpital d’Athènes, à l’âge de 97 ans, après 84 années de combats ininterrompus. « La nation baisse ses drapeaux devant ce grand Grec », a salué lundi le premier ministre conservateur Kyriakos Mitsotakis.

Après cet acte qui a inspiré la Résistance européenne, Manolis Glezos a été une première fois condamné à mort, par contumace, par les autorités allemandes. Son frère, lui aussi entré dans la Résistance, a été exécuté par l’occupant, à 19 ans. Il a été de nouveau condamné à mort, après la guerre, mais cette fois par les autorités de son propre pays, en tant que communiste. L’euphorie de la Libération a été brève en Grèce, où elle a été suivie par une guerre civile sanglante, qui a conduit le pays à sacrifier ses propres héros, à l’image de Manolis Glezos. [1]

Le général de Gaulle s’est indigné et est intervenu en 1949 pour demander au gouvernement « qu’il n’exécute pas le premier résistant d’Europe ». Entre la guerre civile et la fin de la dictature des colonels, Manolis Glezos aura passé seize ans dans les prisons ou les camps de son propre pays, qu’il avait contribué à libérer. Il en a profité pour terminer ses études, ce qui lui a permis d’obtenir des diplômes, en géologie et en linguistique. Dans sa cellule, avec l’un de ses compagnons, ils avaient pris l’habitude de se saluer tous les matins en français, pour lutter contre la dégradation morale.

« Le pouvoir vient du peuple »

Dans les années 1950, il est plusieurs fois élu député, même si ces mandats sont entrecoupés par des séjours en prison. En 1962, il reçoit le prix Lénine pour la paix des mains du leader soviétique, Nikita Khrouchtchev. En 1967, le coup d’État militaire des colonels marque pour lui, comme pour de nombreux autres militants, le retour en prison ou en exil. Il poursuit son activité politique après la chute de la dictature en 1974 et redevient député en 1981, avec le soutien du Mouvement socialiste panhellénique (Pasok) d’Andréas Papandréou, qui arrive au pouvoir.

Au fil des ans, Manolis Glezos milite pour une démocratie directe, qu’il applique en tant que maire de son village natal d’Apiranthos, sur l’île de Naxos. « Les Constitutions des principaux pays sont les mêmes : le pouvoir vient du peuple et il est exercé en son nom. Il faut que le pouvoir soit exercé par le peuple. » Il militait en faveur d’un régime où le gouvernement était réduit à l’essentiel, avec de fréquents recours au référendum pour que le peuple s’exprime directement.

Il va revenir à la pointe du combat contre les mesures d’austérité imposées, à partir de 2010, par la « troïka » du Fonds monétaire international, de la Banque centrale européenne et de la Commission européenne, en échange d’un plan de soutien financier pour éviter la faillite de la Grèce. Il est aux premiers rangs des manifestations, quand la police tire des grenades lacrymogènes. En février 2012, il est malmené par la police avec le musicien Mikis Theodorakis, alors âgé de 86 ans, et les deux hommes doivent se réfugier à l’infirmerie du Parlement.

« Je ne suis pas une statue ou un tableau »

Il redevient député, avec Syriza, en mai 2012, aux côtés du leader du parti, Alexis Tsipras, de plus de cinquante ans son cadet. Il y intervient régulièrement et n’hésite jamais à provoquer le gouvernement. Mais Manolis Glezos avait aussi d’autres centres d’intérêt que le militantisme. Au plus fort de son combat politique contre les mesures imposées par la « troïka » contre son propre pays, il aimait aussi disserter sur la linguistique et l’origine des mots. Il a publié des ouvrages sur l’histoire de la seconde guerre mondiale, mais aussi sur la géologie et la minéralogie.

Il ne voulait surtout pas se cantonner au rôle du héros de la Résistance et refusait de raconter son exploit de 1941. « Je ne suis pas une star. Toute ma vie, on a essayé de faire de moi un monument pour me faire taire. Je ne suis pas une statue ou un tableau, et je parle tout le temps. »

Sa parole était écoutée. Il n’était pas une statue, mais une vigie, toujours prête au combat pour la liberté.


[1Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, la Grèce devient le premier terrain de la guerre froide. Les bombes au napalm états-uniennes sont testées sur les villages grecs.

   

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