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" L’effet pangolin : la tempête qui vient d’Afrique "

samedi 18 avril 2020 par Francis Arzalier (ANC)

Ce titre énigmatique (le pangolin est le petit animal sauvage soupçonne d’avoir transmis le corona-virus) cache une analyse publiée le 24 mars par des spécialistes auprès du Ministère des Affaires Étrangères français (JP Bat), sur les conséquences possibles de la pandémie en Afrique.

Bien que non destinée au départ à atteindre le public, elle a "fuité", au point d’entraîner quelque émotion, dans les milieux diplomatiques et dans la presse (de Jeune Afrique a l’Humanité Dimanche), par la crudité de ses constats, en total décalage avec les claironnantes affirmations de Messieurs Macron et Le Drian, et des dirigeants d’Afrique Noire, clients du Pouvoir français. Car selon eux, depuis des mois, la situation s’améliore dans le Sahel et le Sahara : grâce aux 5000 soldats français de l’Opération Barkhane, les Djihadistes armés sont beaucoup moins actifs, et les populations africaines en ressentent l’effet bénéfique.

L’étude contredit totalement ce conte de fées macronien.

Il fait d’abord le constat de l’incapacité totale de ces pays africains à répondre avec la moindre chance de succès à l’épidémie qui viendra sûrement, tant son équipement hospitalier et sanitaire est délabré. Sait-on que le Mali, avec ses millions d’habitants, dispose d’un seul appareil d’aide respiratoire ? Ce que l’étude en question ne dit pas, c’est la cause profonde de ce désastre annoncé : " L’onde de choc à venir du COVId 19 en Afrique pourrait être le coup de trop porté aux appareils d’état....

L’État va faire massivement la preuve de son incapacité à protéger les populations. Cette crise pourrait être le dernier étage du procès populaire contre l’État, qui n’avait déjà pas su répondre aux crises économiques, politiques et sécuritaires…" L’auteur annonce un effondrement de l’économie informelle " essentielle au maintien du contrat social " en Afrique de l’Ouest, et du prix des ressources exploitées par des multinationales occidentales comme Total ou Areva. Et il prévoit que cet effondrement provoquera inéluctablement " des processus de transition politique ". Autrement dit, il redoute donc clairement que les États délabrés et corrompus qui servent de relais aux décisions de l’impérialisme occidental (Et français en particulier) depuis des décennies au Mali, Tchad, Niger, Burkina, etc… ne s’effondrent devant le mécontentement populaire.

A l’inverse des communiqués de victoire de la Cour de Macron, la " situation sécuritaire " est de plus en plus critique dans les pays du Sahel ou combattent les troupes françaises de Barkhane. Au Mali, plusieurs dizaines de militaires ont encore été tués par des " terroristes " (?) le 6 avril près de Gao, aux portes du désert, et la " Katiba " insurgée dirigée par Amadou Koufa fait la loi dans le Macina, au centre du pays, au point d’enlever un dirigeant politique. Tout cela malgré la présence depuis 7 ans des troupes françaises et des milliers de soldats de la Minusma Onusienne. Et près de la capitale Bamako, le camp de réfugiés de Faladie réunit des réfugiés chassés de leurs villages par les combats entre milices rivales !

Non seulement la présence de troupes étrangères durant 7 ans n’a pas rétabli la paix, mais la situation s’est aggravée de mois en mois.

Un constat sans concession, donc, surprenant dans une officine d’un Pouvoir d’État qui prétend le contraire officiellement. Mais cet aveu de faillite ne va pas jusqu’à en reconnaître les causes : on peut les lire ailleurs.

Une déclaration d’Intellectuels africains du 15 avril 2020 sur le COVID19 dénonce parmi les causes de cette incapacité de riposte à la pandémie en Afrique " les conséquences catastrophiques des ajustements structurels sur les équipements de santé ", imposés, il faut le rappeler, par les créanciers occidentaux ; Grâce à une dette qui n’a cessé de s’alourdir, comme le souligne l’économiste Ibrahim Séne : "elle a doublé en 10 ans, est passée de 30 pour cent à 60 pour cent du PIB ". Il n’y a donc aucune raison que le poids de ce carcan diminue, malgré les promesses lénifiantes de moratoire avancées actuellement par les créanciers occidentaux.

Le même texte dénonce aussi " la perpétuation d’un modéle (hérité de la colonisation, et maintenu par l’impérialisme occidental) fondé sur l’exportation de matières premières non transformées, en attendant des recettes extérieures volatiles…"
Et il ajoute :
" L’urgence africaine, c’est la production locale de services sanitaires de qualité (Et pour cela) la transformation sur place des matières premières, vectrice de création de valeur et d’emploi, et la diversification de la base productive.

Ce fut l’objectif des militants progressistes des Indépendances, comme le Malien Modibo Keïta. Leurs espoirs furent étouffés par les pressions de l’Impérialisme Occidental, et notamment français, ponctuées de coups d’états militaires organisés de l’extérieur, et d’interventions militaires pour maintenir en place les dirigeants africains soumis et corrompus (plus de 50 avec l’armée française depuis 1960).

Nous en sommes à le souhaiter en 2020.

Les violences explosent, et on ne peut que les condamner, mais encore faut-il pour les combattre s’en prendre à leurs causes véritables, au-delà d’un discours officiel simpliste sur la menace djihadiste venue du Moyen Orient.

Tous ceux qui ont fréquenté le Sahel le savent. Les groupes armés clandestins, quelques centaines de combattants insaisissables, qualifiés de terroristes par les gouvernements en place et leurs protecteurs étrangers, ne sont pas majoritairement animés par les motifs religieux qu’on leur prête (et qu’ils affichent parfois). Nombreux sont en leur sein les jeunes délinquants, attirés par l’argent facile, procuré par les trafics d’armes, de drogue, et d’otages.

Et surtout, il est facile à ces groupes armés de recruter des chômeurs sans ressources, de se prétendre défenseurs des exploités, face à des États corrompus, à des soldats, étrangers ou locaux, des polices et justices, trop souvent impuissantes ou brutales. D’autant que le déclin des partis progressistes africains d’autrefois rend peu crédible une issue politique.

Comment s’étonner dans ces conditions de l’influence de plus en plus grande de la religion, y compris dans ses formes moralisatrices et ses minorités fanatiques ?

Dans ce contexte, l’intervention militaire française au Sahel ne peut être qu’une " guerre perdue", comme le dit le livre récent d’un chercheur à l’IRD, Marc Antoine Perouse de Montclos (la France au Sahel, Une Guerre Perdue, ed JC Lattes, janvier 2020).

   

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