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"distanciation sociale" et "cluster" : kézako ?

mardi 12 mai 2020 par Philippe Arnaud

Les remarques ci-après portent sur deux mots largement employés depuis le début de la pandémie. Or ces mots, pour reprendre le propos de Gracq, m’ont "[donné] quelque peu sur les nerfs" et il m’en est resté "une envie de volée de bois vert dans les poignets". Ce sont : "distanciation sociale" et "cluster".

A. La distanciation sociale.

Remarque 1. Qu’est-ce que la "distanciation sociale" ? C’est, tout bêtement, le fait de se tenir à une distance d’au moins 1,50 m, hors de son domicile, de tout être humain, celui-ci serait-il son enfant ou l’un de ses parents. Pourquoi cela ? Pour ne pas être atteint par ses postillons ou par ce qui émane de ses voies respiratoires. [Et, a fortiori, pour ne pas être touché].

Remarque 2. En somme, il s’agit de s’écarter de quelqu’un à une distance telle que ce quelqu’un ne puisse nous toucher. C’est donc une distanciation "physique" ou "inter-personnelle" ou "inter-individuelle" puisque ce qui est censé représenter un danger est un autre individu qui, quel qu’il soit, peut être porteur du virus. La preuve : le prince Charles, héritier de la couronne britannique et futur roi d’Angleterre, et Boris Johnson, premier ministre de Sa Majesté, ont tous les deux été malades du Covid-19. Car les titres, la richesse, les honneurs, la position sociale ne prémunissent pas contre la maladie. Heureusement.

Remarque 3. Dans ce cas, pourquoi dire "social" puisque le virus ne change pas de statut lorsqu’il passe d’un individu à l’autre ? Le Covid-19 ne devient pas milliardaire lorsqu’il migre de l’organisme d’un clochard (ne me demandez pas comment...) à celui de Bernard Arnault, première fortune de France. [Lequel Bernard Arnault n’en devient que plus nuisible qu’à l’ordinaire].
Mais pourquoi dire "social" ?

Remarque 4. Parce qu’on n’est pas social tout seul : on est "social" parce qu’on vit en société et, surtout, parce qu’on appartient à un groupe social (par exemple les retraités) ou à une classe sociale (par exemple les ouvriers d’usine ou les PDG du CAC 40). Lorsqu’on parle de distanciation sociale, on suggère, aussi implicitement qu’insidieusement, qu’il vaut mieux se tenir à distance de groupes sociaux réputés dangereux : les personnes âgées, surtout lorsqu’elles sont en EHPAD, les salariés qui s’entassent dans le métro [les PDG se font conduire par leur chauffeur], les ouvriers qui, en usine ou dans le bâtiment, doivent travailler en coordination, les uns à côté des autres, pour répondre aux exigences du travail industriel, les éboueurs et agents d’entretien qui, par définition, sont en contact avec tout ce qui est sale.
En somme la plupart des classes populaires...

Remarque 5. Ce sens est redoublé par celui de distanciation, dont la connotation avec les termes de même racine ("prendre ses distances", "être distant"), n’a pas un sens physique mais figuré et moral. "Prendre ses distances", c’est s’éloigner de quelqu’un ou d’un groupe, le fréquenter moins souvent ou plus du tout. Être distant, c’est être réservé, froid, hautain, retenu. Ce qui, il faut le noter n’est possible que dans des relations qui s’exercent de haut en bas. Un directeur, un chef de service, peuvent être réservés, froids, hautains, retenus avec leurs salariés ou collaborateurs directs, mais s’imagine-t-on l’inverse ?
Bref, cette distanciation sociale révèle un beau mépris... social !

B. Le cluster.

Remarque 6. Qu’est-ce qu’un "cluster" ? En anglais, c’est un groupe, une grappe, un bouquet, un rassemblement de personnes. Il s’agit tout simplement d’un foyer d’infection à partir duquel la pandémie se répand. On a ainsi parlé, en France, du "cluster" de l’Oise ou du "cluster" de Mulhouse, puisque c’est ici que se sont manifestés les premiers foyers.

Remarque 7. Mais pourquoi alors dire "cluster" et non pas foyer d’infection ? D’abord pour euphémiser une réalité désagréable. Au bout d’un moment, tout le monde sait de quoi il s’agit mais on a évité ainsi de prononcer le terme maudit. Mais pourquoi le dire en anglais ? Peut-être parce que l’anglais étant la langue de la science et de la technologie, on a l’impression, en usant d’un terme de ce registre, que le mal en question (le Covid-19) est bien circonscrit, bien délimité, et qu’il sera éliminé par un moyen de même nature.

Remarque finale. En attendant la fin de la pandémie, cet anglicisme agace. Osons un calembour calamiteux : et si les journalistes qui nous tympanisent avec leur "cluster" en usaient à leur égard comme clystère ?

Je vous saurais gré de vos remarques, précisions, compléments et critiques.

   

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