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Annexion de la Cisjordanie : le défi diplomatique de Mahmoud Abbas

jeudi 21 mai 2020 par René Backmann

En réponse à Netanyahou qui vient d’annoncer la prochaine annexion d’une partie de la Cisjordanie, le président palestinien déclare la fin des accords conclus avec Israël et les États-Unis. Bluff ou coup de poker ?

Le président palestinien, Mahmoud Abbas, a annoncé dans la nuit de mardi à mercredi 20 mai la fin des accords et des arrangements, y compris sur les questions de sécurité, conclus avec Israël et les États-Unis. Rendue publique au terme d’une réunion des instances dirigeantes de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et de l’Autorité palestinienne, cette décision constitue la réponse de la direction palestinienne aux déclarations de Benjamin Netanyahou, dimanche devant la Knessset.

« Voici la vérité, avait affirmé le premier ministre israélien, dans le discours-programme qui lui a permis d’obtenir la confiance du Parlement. Ces territoires [La Cisjordanie occupée – ndlr] sont là où le peuple juif est né et s’est développé. Il est temps d’appliquer la loi israélienne et d’écrire un nouveau chapitre glorieux dans l’histoire du sionisme. » En clair, le moment est venu de mettre en œuvre le volet territorial de « l’accord du siècle », présenté par Donald Trump en janvier dernier, qui prévoit l’annexion par Israël d’une partie importante (30 à 45 %) du territoire de la Cisjordanie, à partir du premier juillet.

Ce n’est pas la première fois que Mahmoud Abbas brandit cette menace qui aura pour effet, si elle est réellement appliquée de transférer à l’autorité d’occupation israélienne les responsabilités et les obligations qui lui incombent en vertu du droit international. En particulier de la quatrième Convention de Genève qui tient la puissance occupante pour responsable de la population civile occupée, interdit les punitions collectives, le vol des ressources et l’annexion des terres.

En février, déjà, au lendemain de la présentation à Washington du plan Trump, le président palestinien avait annoncé la fin des accords avec Israël. Mais la « coordination sécuritaire », qui constitue un élément central de ces arrangements s’était poursuivie et les autres aspects des accords n’avaient pas non plus été abolis. La déclaration de la nuit dernière est manifestement d’une autre nature. Parce qu’elle intervient à la suite d’une réunion des instances dirigeantes palestiniennes, attendue depuis plusieurs jours et finalement organisée en urgence à Ramallah. Mais aussi parce qu’elle a lieu dans un contexte politique et diplomatique particulier.

Le retour au pouvoir de Netanyahou, à la tête d’un gouvernement auquel participe finalement celui – Benny Gantz – qui avait fait vœu de le chasser de son poste et de ne jamais siéger avec lui, donne au premier ministre les moyens mais aussi l’obligation de répondre à l’attente de la majorité de son électorat, qui entend étendre la colonisation et annexer la majeure partie de la Cisjordanie. Pour cet électorat de colons, ou de partisans résolus de la colonisation, l’annexion d’une partie au moins de la Cisjordanie est un objectif idéologique majeur. Qui, en outre, scellera officiellement les confiscations et appropriations sauvages de terres palestiniennes auxquelles ils se sont livrés depuis de longues années.

Au moment où va s’ouvrir le procès pour corruption et abus de confiance qu’il a cherché, depuis plus d’un an, à éviter, Netanyahou doit impérativement donner à ses partisans ce qu’ils réclament pour s’assurer de leur soutien, jusque dans la rue, si les décisions des juges lui sont défavorables. Et son ami et protecteur Donald Trump est dans une posture voisine. Mis en difficulté par sa gestion effarante et désastreuse de la pandémie de Covid-19, il lui faut impérativement rassembler les suffrages de son électorat évangélique sioniste, partisan fanatique de l’annexion des territoires palestiniens pour espérer l’emporter sur Joe Biden en novembre.

Cette conjugaison de facteurs a convaincu certaines capitales que le risque de voir Netanyahou prendre dès juillet le risque d’annexer des territoires palestiniens était réel. Et que le moment était venu d’une mise en garde ferme. Dès le début du mois de mai, douze ambassadeurs représentant le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, l’Irlande, les Pays-Bas, l’Italie, l’Espagne, la Belgique, le Danemark, la Finlande et l’Union européenne ont indiqué au ministère israélien des affaires étrangères que si les plans d’annexion de la Cisjordanie définis dans l’accord de coalition en voie de conclusion étaient mis en œuvre, cette décision aurait de « graves conséquences ».

Deux semaines plus tard, 25 des 27 États membres de l’Union européenne – moins l’Autriche et la Hongrie – demandaient à Israël, par une déclaration commune de renoncer à ses « projets d’annexion » et de respecter le droit international. Au même moment le conseil européen des affaires étrangères débattait de possibles sanctions dans les domaines des sciences et de l’éducation qui n’exigeraient pas le consensus pour être adoptées.

Ces derniers jours encore, Paris, par la voix du ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a demandé à Israël de s’abstenir de « toute mesure unilatérale qui conduirait à l’annexion de tout ou partie des territoires palestiniens ». Josep Borrell, haut représentant européen pour les affaires étrangères, a rappelé que l’Europe « ne reconnaîtrait pas des modifications aux frontières de 1967 qui ne seraient pas agréées par les Israéliens et les Palestiniens ». Le ministre allemand des affaires étrangères, Heiko Maas, et le premier ministre palestinien, Mohammed Shtayyeh, ont publié une déclaration commune exprimant leur « grave préoccupation ».

Même le gouvernement Canadien, soutien habituel d’Israël a manifesté lundi son opposition au projet d’annexion. « Ce qui a été très surprenant, confie un diplomate, a été de voir qu’à Bruxelles, même les Pays-Bas, historiquement favorables à Israël, ont participé avec la France, l’Irlande, le Luxembourg et l’Espagne à des échanges où l’hypothèse de sanctions contre Israël était évoquée. »

Manifestement mobilisé par la préparation de son procès, silencieux face aux réserves des militaires, en activité ou à la retraite, qui soulignent les risques d’explosion d’une troisième intifada ou d’une rupture du traité de paix avec la Jordanie si les projets d’annexion se concrétisent, Netanyahou a laissé son ministère des affaires étrangères dénoncer la « diplomatie du mégaphone » des Européens.

Il est difficile de dire pour l’instant si cette opposition résolue des Européens, rejoints par le Canadien Justin Trudeau et par l’adversaire démocrate de Trump, Joe Biden, qui déclare « ne pas soutenir l’annexion », a joué un rôle dans la décision des Palestiniens d’annoncer la fin des accords. Elle les a apparemment rassurés sur la poursuite de l’aide internationale qui permet à leurs institutions de fonctionner.

Même si Israël, conformément à son habitude, décide de confisquer les montants des taxes qui leur sont dues, et qui constituent une part notable de leurs ressources, ils semblent assurés de ne pas être abandonnés. Ce qui aurait compté au moment de lancer ce défi historique à Israël, aux États-Unis et à la communauté internationale. Mais rendus prudents par l’expérience, ils se préparent, cependant à des jours difficiles. La semaine dernière, les chefs de mission diplomatique palestiniennes ont reçu de Ramallah des notes leur demandant d’évaluer avec quel effectif minimal leurs services pourraient continuer à fonctionner.

   

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