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Le monde d’après ... USAnisation, privatisation, précarisation généralisée et surveillance de masse

samedi 23 mai 2020 par Bruno Drweski (ANC)

Depuis plusieurs décennies, en fait depuis la fin de l’occupation nazie, et bien plus encore depuis la crise du gaullisme et du communisme français dans les années 1970/80, nous assistons à une offensive visant « l’exception française », une offensive de dénigrement de toutes les causes progressistes promues au cours de l’histoire de France, en même temps que la nation française est réduite à ceux qui ont soumis le pays à ses heures les plus visiblement noires. Simultanément, on assiste à une offensive culturelle de l’impérialisme US dans les domaines de la culture et de la science, visant désormais quasi-ouvertement à remettre en cause la position de la langue française comme langue unique d’enseignement, de recherche et d’administration.

Il s’agit de remplacer dans les secteurs clefs le français par l’anglais, dans les faits le plus souvent par un sabir « globish » ne permettant pas de réellement maîtriser les processus de réflexion, d’analyse et de gestion face au rouleau compresseur des élites anglo-saxonnes. Tout cela se déroule au même moment où la politique de privatisation systématique de l’économie, de la recherche et de l’enseignement imposée par la mondialisation du capitalisme a tendance à s’imposer aussi en France.

Privatisation par pans de l’enseignement public

Nous avions déjà eu le précédent de l’accord signé entre la France et le Vatican qui permettait d’accorder aux diplômes d’une institution privée catholique l’équivalence avec les diplômes nationaux, à quoi se rajoute maintenant, à la faveur de la crise du covid19, l’arrêté décidé à la va vite « relatif à la certification en langue anglaise pour les candidats inscrits aux diplômes nationaux de licence, de licence professionnelle et au diplôme universitaire de technologie » ( https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2020/4/3/ESRS1922076A/jo/texte ) qui impose à tout diplômé français du secteur public de connaître l’anglais et de faire valider cette connaissance par le biais d’une certification émanant d’un organisme ...privé.

Tout cela dans le cadre de la poursuite de la politique générale de soumission à l’impérialisme culturel dominant et de privatisation tout azimut, qui connait une accélération à la faveur du choc émotionnel provoqué par la gestion à la fois chaotique et cynique de la crise du coronavirus et les mesures de confinement et d’isolement prises dans la foulée.

L’arrêté cité plus haut doit entrer en vigueur dès septembre 2020 et il constitue désormais l’une des conditions qui seront exigées pour obtenir une licence ou un DUT. Il laisse la possibilité de recourir à des entreprises privées pour certifier les compétences et les connaissances en langues des étudiants français, via un appel d’offre dans la plus pure tradition néo-libérale et dont l’un des critères de sélection sera, tenez vous bien, le chiffre d’affaire de l’organisme certificateur.

Quelques syndicats qui ont été mis au courant presque par hasard de cet arrêté, des sociétés savantes de langues et cultures étrangères et le Conseil national de l’Enseignement et de la Recherche (CNESER) ont certes protesté, ce dernier à l’unanimité moins deux abstentions, mais cela n’a eu aucun effet sur les décisions du gouvernement. Le ministère a pris le parti de reconnaître le Test of English for International Communication (TOEIC) et le Test of English as a Foreign Language (TOEFL), développés par l’entreprise américaine ETS, ou encore Cambridge Assessment, au détriment du certificat de compétences en langues de l’enseignement supérieur (CLES) directement adossé au Cadre européen commun de Référence pour les Langues (CECRL) issu de la recherche publique.

Le ministère n’a donc pas pris le parti de défendre la reconnaissance du CLES au niveau international. Il n’a pas non plus voulu entendre la défense par les élus du CNESER du principe de diversité linguistique et il n’a donc pas retenu l’amendement proposé par la FSU (“langue anglaise” devant être remplacée par “langue vivante”) pourtant largement approuvé (53 pour sur 59 votes).

C’est au principe même de la soumission à l’impérialisme culturel dominant faiblement remis en cause par les syndicats aujourd’hui que l’on devrait s’attaquer.

C’est bien sûr aussi au fait qu’en renforçant encore une fois les revenus de l’enseignement privé au dépens d’institutions publiques, on continue à détruire les capacités de l’enseignement et de la recherche publiques. Alors que les universités se trouvent aujourd’hui devant un manque cru de moyens matériels et d’enseignants-chercheurs puisque, selon les universités, c’est environ un tiers du personnel enseignant qui travaille avec des contrats précaires, sans parler de la situation du personnel administratif et d’entretien, et que cela a une incidence directe sur le niveau de l’enseignement et de la recherche car un enseignant-chercheur qui doit passer son temps à postuler, remplir des dossiers éreintant de candidatures et à vivre dans la précarité matérielle, n’a plus ni le temps ni la force de s’engager dans des travaux pédagogiques ou scientifiques sur le long terme.

Il y a donc bien entre le volet financier de la chose et son volet impérialisme culturel un lien organique. Alors que le bilan financier des institutions universitaires et de la recherche n’a fait que s’aggraver avec la crise sanitaire actuelle dont le gouvernement, par sa gestion cynique d’un côté, erratique de l’autre, porte l’entière responsabilité.

Désormais, l’étudiant français qui voudra obtenir un diplôme d’État devra donc, pour valider son diplôme, posséder une connaissance de l’anglais, à l’exclusion de toute autre langue étrangère, et il devra payer un organisme privé pour être en état obtenir son diplôme d’État en principe gratuit !

La décision du gouvernement prévoit donc, depuis septembre 2019, au titre des mesures prises pour « améliorer les conditions de vie des étudiants », 3,1 M€ pour répondre aux besoins de certification de 38 000 étudiants (licences langues étrangères et appliquées, DUT communication, licence professionnelle commerce international, etc.). Ces certifications privées, qui concerneront à terme 400 000 étudiants, vont par conséquent induire une importante dépense au détriment des enseignements de langue soumis à l’austérité budgétaire depuis de nombreuses années. Les diplômes nationaux de licence ne devraient pas être soumis à l’exigence de certification obligatoire. La certification aurait du rester un plus et en aucun cas remplacer les enseignements de langue.

Dégradation des conditions de la recherche et de l’enseignement

Pour avoir par ailleurs une vision de la situation générale de l’université française à l’heure du coronavirus, on peut se reporter à l’analyse élaborée par le collectif « Sauvons l’université » ( http://www.sauvonsluniversite.fr/spip.php?article8727 ) qui nous permet de constater que l’objectif du pouvoir actuel est de généraliser l’enseignement par visioconférences pour « diminuer les coûts » et à terme sans doute aussi le nombre d’enseignants-chercheurs réduits à l’état de « speakers » et de « speakrines » pour un public potentiellement de plus en plus vaste, et sans aucun contact direct avec leurs étudiants, puisque la déconnexion entre le lieu d’enseignement et la masse des étudiants devrait permettre de diminuer le nombre d’enseignants.

A terme, il n’est plus exclu d’imaginer qu’il n’y aurait plus qu’une seule université virtuelle, un seul lycée virtuel, un seul collège virtuel, à l’échelle de la France, voire, pourquoi pas, de l’Union européenne, avec un « enseignant » pour des milliers ou des dizaines de milliers de ...spectateurs.

Il faut savoir que déjà pour l’année universitaire 2020-21, la prestigieuse université de Cambridge du pays de Lady Thatcher vient de décider, sous prétexte de Covid-19, que l’ensemble de ses cours se feraient désormais par visioconférences alors même qu’une enquête menée par le « Guardian » démontre qu’un étudiant sur cinq en Angleterre renoncera à faire des études si c’est pour devoir suivre des cours par internet sans aucun contact avec ses enseignants et ses collègues étudiants ( https://www.theguardian.com/uk-news/2020/may/19/cambridge-university-moves-all-lectures-online-until-summer-2021 ), condition essentielle de la créativité et de l’émulation scientifique et intellectuelle. Et c’est ce modèle là que l’on va imposer en France par le biais du « tout anglais » !

Société du pillage intellectuel et de la surveillance généralisée

Le passage par des cours à distance en même temps que l’imposition du tout anglais procèdent en fait de la même logique, celle de la soumission de la France et des autres pays de l’Union européenne à l’impérialisme anglo-américain fauteur de guerres et à une société marquée par la violence sans fin, et cela, par le biais de firmes privées qui vont pouvoir être les prestataires de services des visioconférences comme zoom ou skype, ce qui permettra le pillage des données, des cours et des informations transmises au profit des grosses firmes transnationales de l’enseignement et de la recherche par le biais des grosses entreprises de « communication virtuelle » du GAFAM (Google, Appel, Facebook, Amazon, Microsoft).

Au même moment où les visites médicales par le biais d’internet dans la foulée du covid19 permettent de violer le secret médical puisque les sociétés pharmaceutiques et les assurances privées peuvent accéder « en temps réel » à ces échanges virtuels.

Dans le cas de l’enseignement, on voit que c’est aussi le moyen de tester l’instauration d’une société de la surveillance systématique des étudiants, mais demain aussi de tous les travailleurs et de tous les citoyens, au profit de prestataires privés détachés à la surveillance des étudiants et des épreuves pédgogiques ( https://services.dgesip.fr/fichiers/Fiche_6_-_Evaluer_et_surveiller_a_distance.pdf ).

Voilà le fameux « monde d’après » qu’ont concocté pour nous nos dirigeants pendant que nous étions prostrés dans le confinement.

   

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