Association Nationale des Communistes

Forum Communiste pour favoriser le débat...

Accueil |  Qui sommes-nous ? |  Rubriques |  Thèmes |  Cercle Manouchian : Université populaire |  Films |  Adhésion

Accueil > ANC en direct > Actualité Politique et Sociale > 2020 : des élections municipales pas comme les autres

2020 : des élections municipales pas comme les autres

lundi 6 juillet 2020 par Francis Arzalier (ANC)

Le scrutin municipal est passé, comme il a pu, et comme Macron et son équipe l’ont voulu. Envers et contre toute logique sanitaire, le 15 mars : leur objectif se limitait à ce qu’il ne soit pas pour eux une défaite majeure. Et ils ont en partie réussi.
Grâce à la peur du virus diffusée à longueur d’antennes, l’abstention a été massive (55/100), inusitée dans un scrutin municipal auquel les Français ont toujours été très attachés.

Quelques caractéristiques toutefois de ce vote fort peu représentatif :
Aucun succès notable des Macroniens, qui, la plupart du temps, ne sont pas candidats sous leurs couleurs.
Un contexte général de discrédit des partis historiques français, perceptible avant même 2017 (Effondrement de la Droite UMP avec Fillon, du Parti Socialiste avec Hollande, du Parti communiste qui n’a plus de députés européens, et ne parvient plus à apparaître derrière une France Insoumise pourtant en stagnation).

Seules exceptions à cette débandade, le RN, qui résiste dans ses fiefs de Beaumont ou Béziers, et les Verts, qui faisaient déjà 13/100 aux Européennes : dans ce contexte délétère, voter Vert est devenu pour certains citoyens, un désaveu des politiciens juges "tous pourris " ou traitres à leurs engagements. Pire, d’autres croient faire acte "d’apolitisme " en le faisant ! Même si, à l’évidence, les politiciens " écologistes " sont un agglomérat idéologique dans lequel cohabitent réformistes beats et libéraux bon teint...

Le résultat ne pouvait être autre : les trois quarts, des candidats ont été élus dès le premier tour malgré une majorité d’abstentions, essentiellement les sortants, leurs opposants étant d’autant moins nombreux que la peur du virus s’ajoutait au manque de motivation pour des listes au programme confus, alliant souvent sous le sigle "Citoyen " ( ! ) ou " Libre " ( ! ) des convictions contradictoires.

Comment se faire élire ou dans quel but ?

Le 15 février, l’ANC avait organisé, à Paris, une rencontre nationale sous le titre "Défendre les Communes avant qu’il ne soit trop tard !". L’objectif était de proclamer l’avancée démocratique qu’avait été en France l’élection au suffrage universel des 35 000 responsables communaux, par l’entremise de la Révolution Française et de la IIIeme République. Une conquête menacée par le Pouvoir libéral actuel, adossé à l’Union Européenne. Mais nous avions aussi un message à lancer, bien au dela de tout électoralisme : Le but des candidats communistes face au scrutin municipal ne peut se réduire à obtenir des élus, au prix parfois de compromissions contre-nature. Ils doivent ambitionner de faire de la Commune un outil au service de ceux qui vivent de leur travail, en matière immobilière, de services publics, de santé, de sécurité, d’aide sociale. Toute décision municipale implique un choix de classe, en faveur de la majorité salariée et non de la minorité bourgeoise privilégiée.

Cette analyse, à contre-courant, ne pouvait avoir un impact énorme. Elle reste 4 mois plus tard parfaitement juste, et toujours à contre-courant d’un second tour dans lequel les clivages de classe disparaissent souvent dans un désir borné d’élection ou de réélection.

Un second tour préparé sans passion et sans analyse de classe

Le 29 juin, il reste à choisir quelques milliers d’édiles : sur 35 000 communes, 6 000 n’étaient pas élus au premier tour, essentiellement dans des villes.
Le délitement des partis historiques, PS, UMP, PCF, voire En Marche et Fi, est encore plus évident, cela donne naissance à des attelages parfois improbables.
Ainsi à Montpellier, longtemps fief socialiste, ou de Droite, l’outsider le plus "sérieux " du maire sortant réunit des Verts, un milliardaire du BTP ( ! ), et un humoriste qui se réfère aux " 5 Étoiles" d’Italie ! Et en faisant le tour de l’hexagone, on ne peut que remarquer à quel point les enjeux de classe sont absents de la plupart des listes en compétition, qui souvent réunissent des partenaires disparates.

De ce naufrage des Partis organisés, surnagent deux mouvances, l’extrême-droite RN et les Verts.

La xénophobie comme dérivatif

Quelques exemples régionaux spécifiques montrent crûment que Le RN va tirer son épingle du jeu, dans un scrutin municipal qui lui fut longtemps défavorable.
Ainsi dans les villes moyennes du Languedoc-Roussillon, de Perpignan la Catalane à Sête et Béziers dans l’Hérault. Elles ont en commun un passé de luttes ouvrières aujourd’hui délabré (Béziers et Sête eurent au siècle dernier des maires communistes), mais ont conservé une certaine diversité sociale, que n’ont plus les métropoles, Paris, Lyon, où Bordeaux, souvent vidées de leur prolétariat par la spéculation immobilière au profit de la bourgeoisie.

Dans ces localités, c’est le Rassemblement National, sur des thèmes démagogiques et racistes qui a le vent en poupe, parce qu’il a réussi à racoler les suffrages de quartiers peuplés des plus déshérités : ex-salariés de la viticulture et des usines réduits au chômage par les délocalisations et l’importation de main d’œuvre dans l’Union Européenne, et même les quartiers Gitans très anciens à Perpignan, dans le cadre des conflits " communautaires " avec "les Arabes" arrivés plus récemment.

Il est vrai que la forte présence de "pieds noirs" expulsés d’Algérie par l’indépendance, et souvent nostalgiques de l’OAS, a largement cultivé ce racisme.
Perpignan, qui dépasse 120 000 habitants, avait élu député Pierre Sergent, un des chefs amnistiés de l’OAS. Elle va probablement choisir le 29 juin pour maire Louis Alliot, qui fut longtemps compagnon de Marine Le Pen, et qui se verrait bien aujourd’hui lui succéder à la tête du RN. Face à sa liste, un agglomérat " républicain " réunit en toute incohérence la totalité des partis, PS, PCF, Verts, Macroniens, derriére le maire sortant de Droite Pujol, si décrié qu’il n’a réuni que 18/100 des votes au premier tour !

Le même type de réponse " Républicaine " contre les ambitions du RN existe à Sête, ou le PCF qui dirigea longtemps la mairie n’est plus que force d’appoint électoral.
À Béziers, le maire RN Mesnard, démagogue raciste de haut vol, avait été réélu dès le premier tour. Il peut espérer d’autre compères RN élus le 28 juin dans la plaine languedocienne ou la basse vallée du Rhône, sur la base du même discours démagogique.

Ce phénomène de captage des électeurs populaires les plus en difficulté n’est pas une spécificité sudiste. Le même engrenage délétère qui a déjà emporté Hénin-Beaumont, dont le sortant RN a été brillamment réélu le 15 mars, menace d’anciens fiefs miniers en Nord-Pas de Calais, et les réponses ambiguës de type "Front Républicain" ne font que renforcer parfois la confusion politique. On peut constater le même phénomène à Marseille, une des rares grandes villes à avoir conservé une grande disparité sociale : Le RN peut espérer y conserver le quart des suffrages exprimés en se maintenant au second tour, et son leader Ravier rafler la mise dans certains quartiers populaires éprouvés par la crise économique.

La "divine surprise" escomptée par les verts

Le deuxième signe majeur est la poussée des Verts Écologistes, enflée jusqu’à la démesure par des médias plus soucieux de fabriquer des "scoops" que d’analyser les nuances du réel (16,4/100 au premier tour, au lieu de 10,2 en 2014).
Elle est surtout évidente dans les grandes métropoles françaises, Lyon, Bordeaux, Grenoble, Marseille, Strasbourg, Metz, Tours, Lille, etc. Le contexte fait espérer aux Verts d’emporter la mairie, au détriment d’En Marche dans la première, de la Droite dans les suivantes, et même de là hiérarque PS Martine Aubry dans la dernière.

Une " divine surprise " qui se nourrit du discrédit des sortants, des divers partis historiques, contraints parfois à n’être que des forces d’appoint, et d’une aspiration réelle des électeurs des métropoles aux solutions écologistes les plus simples : espaces verts urbains, voies piétonnières et expulsion des automobiles au profit de trottinettes et vélos, etc.

Mais cette aspiration doit être analysée en termes de classes, elle est essentiellement portée par la bourgeoisie des métropoles qui a en quelques décennies remplacé les populations chassées des quartiers populaires par la flambée de l’immobilier vers des banlieues toujours plus excentrées. Le phénomène est plus qu’ailleurs visible à Paris, même si cette chasse aux automobilistes salariés banlieuesards des rues de la capitale a été prise en main par la municipalité sortante PS, ce qui explique l’échec relatif des candidats Verts. Il est réel aussi dans les autres grandes villes, Toulouse, Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Marseille, Lille, qui peuvent élire le 28 juin un maire vert, à la tête de coalitions fourre-tout, incluant en forces d’appoint PCF et PS, voire FI,, nouvelle mouture de la défunte " Union des Gauches " du XXeme siècle, qui enfanta le désaveu massif ("tous pourris") actuel des partis organisés.

Des résultats décevants pour certains et désastreux pour l’avenir

Il restait à élire seulement 4200 municipalités au second tour le 28 juin, mais cette consultation concernait néanmoins la majorité des électeurs urbains.

  • 1)-Premier constat, les grands vainqueurs sont les abstentionnistes : près de 60 pour cent des électeurs inscrits, surtout dans les quartiers populaires et parmi les jeunes ! A comparer pour jauger cette désaffection avec les 20 pour cent d’abstentions aux municipales de 1983 ! Une réelle débâcle démocratique, sur les causes desquelles il est inutile de revenir : suicide des PCF et autres gauches" opportunistes, ralliées peu ou prou au libéralisme, coupées des luttes sociales et des volontés populaires...
  • 2)-La " marée Verte " annoncée est bien là, tout au moins sur le plan des fauteuils d’élus. Du Nord au Sud, d’Est en Ouest, des dizaines de villes auront un maire Écologiste, dont une majorité des métropoles régionales, Strasbourg, Besançon, Tours, Poitiers, Lyon, Bordeaux, Toulouse, et un maire Vert sortant réélu à Grenoble. Les deux plus grandes ne font pas exception : Marseille a donné une majorité de voix à la candidate écologiste, et Hidalgo, maire sortante de Paris n’a été réélue que sur un bilan et un programme essentiellement écologiste. Seules exceptions à cette conversion verte des métropoles, la PS Martine Aubry reconduite tant bien que mal à Lille, grâce à la complaisance de la Droite locale.

Mais à y regarder de plus près, le tsunami vert annoncé n’est qu’une vaguelette ; dans le contexte d’implosion des partis historiques, les Verts se sont retrouvés leaders d’une "gauche plurielle" nouvelle mouture, avec toutes les ambiguïtés de " l’union de la Gauche" défunte, ressuscitée sous un verbiage verdi.

  • 3)- Autre " gagnant" annonce du scrutin, le RN peut effectivement afficher sa conquête de la mairie de Perpignan, ville de plus de 120 000 habitants, dans des conditions un peu spécifiques. Mais, pour le reste, la marée haute a fait défaut : la conquête de la petite ville de Moissac, compense à peine la perte en Ile de France de la seule mairie détenue de Mantes la Ville, et le nombre total en baisse d’élus RR, montre une implantation locale toujours faible.
  • 4)- Ce qui est par ailleurs évident même si c’est peu souligné par les médias aux ordres, c’est la quasi- absence des Macroniens pur-jus dans ce scrutin. Aucune mairie conquise par la République en Marche, malgré une alliance-sujétion dans les deux tiers des cas avec la Droite traditionnelle. Et même, humiliation suprême, défaite de la REM au Touquet, qui est au Président ce que fut Lourdes à Bernadette Soubirous.

La Droite (Républicains) qui, de ce fait, et grâce à son ancrage municipal ancien, fait un petit retour en grâce. Un prélude, en quelque sorte, au nouveau premier Ministre nommé par le Monarque Macron, dès le vendredi suivant. Ce nouveau venu, chargé d’emblée de poursuivre la casse libérale des retraites, débarque des Pyrénées Orientales, avec pour seul bagage son passé de technocrate qui fut fidèle de Sarkozy. Voilà pour le "monde d’après" selon Macron !

  • 5)- Mais la caractéristique la plus grave de ces municipales 2020 à l’issue du second tour est la réduction en peau de chagrin des deux partis supposés être les forces politiques majeures de l’anticapitalisme en France, le PCF et la France Insoumise.

La FI n’avait aucune implantation municipale, elle n’en a pas davantage à l’issue du scrutin. Même si ses militants ont souvent eu à cœur de participer à la préparation commune, en soutien par exemple de la liste dirigée par le PCF au Havre, la FI n’est guère apparue en tant que telle.

A l’inverse, on a même vu une dispute dramatique entre maire sortant PCF et son adjoint FI à Saint Denis, qui a facilité le sabordage d’une municipalité communiste emblématique depuis 90 ans.

Car c’est surtout le PCF qui subit un véritable désastre en perdant des mairies qui furent d’historiques bastions des luttes ouvrières au siècle dernier : Champigny sur Marne, Choisy le Roi, Villeneuve Saint Georges, Bagnolet, Aubervilliers, en Val de Marne et Seine Saint Denis, au cœur de l’ancienne " banlieue rouge ". Bezons, après Argenteuil en Val d’Oise, qui furent des premières mairies communistes des années "d’avant-guerre" [1] ; mais aussi Gardanne et Arles en Provence, Seclin et Waziers en Nord-Pas de Calais, Et même Saint Pierre des Corps, la cité cheminote proche de Tours, qui fut la première mairie PCF en 1920...

Au Havre, déjà conquis par la Droite, Édouard Philippe, premier Ministre de Macron, n’a eu aucun mal à vaincre le candidat "d’union" PCF, beaucoup plus largement que prévu par les sondages. On retrouvait ainsi les vieux réflexes à géométrie variable de "l’Union de la Gauche", qui voyait il y quelques 30 ans les électeurs communistes voter sans défection pour le PS, et ceux socialistes s’abstenir par anticommunisme.

Cette hémorragie municipale du PCF confirme évidemment son affaissement militant, à l’issue d’une " mutation" qui l’a coupé de son électorat populaire. Il se double d’une évolution sociologique liée à la désindustrialisation, Et à la prolifération à la place d’anciens quartiers ouvriers de résidences "de standing", notamment en proche banlieue parisienne.

Les quartiers de La Plaine a Saint Denis, des bords de Seine à Argenteuil ou Bezons, ont perdu leurs usines au profit de rues peuplées de petits-bourgeois "Bobos", par le seul jeu de la spéculation foncière et des délocalisations industrielles. Évidemment, la prolifération de nouvelles municipalités libérales, PS ou Droite, va aggraver le phénomène....

Les épisodes électoraux sont toujours le reflet de l’état de l’opinion à un moment donné, Et le rapport des forces des luttes de classe à l’issue de la crise sanitaire et économique est dégradée pour ceux qui aspirent à construire une société libérée de l’inégalité capitaliste.

Les forces de reconstruction anticapitaliste existent potentiellement en France, éparses et malmenées, et qui parfois se perdent en chemins sans issue, xénophobie, apolitisme, opportunisme, électoralisme...

A nous de les aider à renaître plus fort dans les luttes et la réflexion.
Rien ne renaîtra sans les militants et leurs organisations.


[1Ce qui explique sans doute la non programmation de la Fête de l’Huma…

   

Messages

  • 1. 2020 : des élections municipales pas comme les autres
    7 juillet 2020, 08:22 - par RICHARD PALAO


    Attention FRANCIS : les résultat du RN sont en trompe l oeil car s il gagne PERPIGNAN et conserve les villes conquises sauf Mantes la ville , parc contre il perd la moitié de ses conseillers municipaux

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?