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La guerre de vingt ans ?

jeudi 30 juillet 2020 par Serge Halimi

Des soldats américains de 18 ans qui partent aujourd’hui faire la guerre en Afghanistan n’étaient pas encore nés quand elle fut déclenchée. En 2012, M. Donald Trump avait déjà tranché : « Il est temps de quitter l’Afghanistan [1]. »

Il n’est pas acquis qu’il parvienne à ses fins mieux que son prédécesseur Barack Obama. Car chacune des tentatives de désengager les États-Unis militairement d’un pays quelconque — la Syrie, la Libye, la Corée, l’Allemagne — provoque une levée de sabres à Washington.

Aussitôt le lobby de la guerre se récrie : les Russes sont là ! les Russes arrivent ! Le budget militaire des États-Unis (738 milliards de dollars en 2020) a beau représenter plus de dix fois celui de la Russie, agiter le grelot de Moscou suffit pour que républicains et démocrates hurlent ensemble leur effroi. Et ils savent pouvoir compter sur le soutien éditorial du New York Times.

Le 27 juin, le quotidien américain a donc repris une fuite de la Central Intelligence Agency (CIA), selon laquelle la Russie aurait versé des primes à des insurgés afghans pour qu’ils tuent des soldats américains [2]. Or chacun se souvient que, dans les mois précédant la guerre d’Irak, le New York Times avait déjà joué un rôle décisif dans la dissémination de bobards relatifs aux « armes de destruction massive » de Saddam Hussein [3].

La psychose antirusse de ce grand quotidien libéral crève par ailleurs les yeux de quiconque inscrit les termes « Russia » ou « Putin » dans son moteur de recherche.

Le scoop afghan — dont le New York Times semblait déjà douter huit jours après l’avoir claironné — soulève d’autres questions. À qui profite cette « information » au moment où le retrait des dernières troupes américaines paraissait à peu près réglé ?

Les États-Unis ont-ils motif à s’indigner qu’un de leurs adversaires déclarés aide des insurgés afghans alors que leur allié, le Pakistan, en fait autant depuis longtemps, et qu’eux-mêmes, entre 1980 et 1988, livrèrent aux moudjahidins en guerre contre Moscou des armes sophistiquées grâce auxquelles ceux-ci tuèrent des milliers de soldats soviétiques ?

Enfin, comment expliquer que le quotidien new-yorkais, qui n’a pas manqué de nous offrir les longs portraits émouvants des trois marines prétendument victimes des « primes russes » — l’un portait une moustache et faisait de la musculation, un autre aimait revoir le film Star Wars, le dernier adorait ses trois filles... —, ait d’abord « oublié » de nous informer qu’un autre organisme de renseignement américain, l’Agence nationale de la sécurité (NSA), n’accordait aucun crédit au scoop de la CIA [4] ?

Le 1er juillet dernier, une large coalition de parlementaires, démocrates et républicains, s’est néanmoins prévalue des « révélations » du New York Times pour rendre plus difficile un retrait américain d’Afghanistan.

Le meilleur moyen d’empêcher que des soldats étrangers continuent d’y mourir serait pourtant qu’ils ne s’y trouvent plus.


Voir en ligne : https://www.monde-diplomatique.fr/2...


[1Twitter, 27 février 2012.

[2« Russia offered Afghans bounty to kill US troops, officials say », The New York Times, 27 juin 2020.

[3Cf. « Fake news, une fausse épidémie ? », Manière de voir, n° 172, août-septembre 2020, en vente en kiosques.

[4« NSA differed from CIA, others on Russia bounty intelligence », The Wall Street Journal, New York, 1er juillet 2020.

   

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