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Tout seul, on pleure. À deux, on parle. À cinq, on chante

mercredi 4 novembre 2020 par Evelyne Pieiller

Il n’y a pas que les médecins dans l’existence, il y a aussi Bashung. Prescriptions excellentes. « Je sens comme un vide, Remets-moi Johnny Kidd ».
Voilà. Simple, efficace, peu coûteux. En bref : élégant.
Ce n’est pas forcément que ça console, le rock’n’roll, mais ça revitalise. Je sens comme un vide, oui : c’est sûr, on commence à en avoir vraiment besoin. Parce que, tous comptes faits et quoi qu’il en coûte, ce n’est pas juste une drôle de vie qu’on nous inflige sur ordonnance. C’est une transformation de nos valeurs, une réorientation de nos désirs, qui est en train d’avancer, comme naturellement.

Il importe peu que M. Macron ait oublié la culture dans sa dernière adresse aux Français. C’est même rafraîchissant. Ce n’est sans doute pas tous les jours que le chef de l’État est d’une aussi belle franchise.
Il n’importe pas davantage que M. Castex, dans la foulée, au moment de détailler les ordres, oublie d’inviter Mme Bachelot aux côtés des « vrais » ministres qui s’occupent des affaires sérieuses, J.-M. Blanquer, G. Darmanin, etc. C’est la logique même du serviteur.

Il semble qu’il y ait eu un conseiller quelconque pour signaler qu’après l’allègre silence de M. Macron, un friselis de mécontentement avait fait onduler la sphère culturo-artistique, poliment certes, mais quand même, un friselis. Mme Bachelot fut donc conviée in extremis. Sur ses trois minutes d’allocution peinée, elle rappela, avec une originalité rare, que « La culture, c’est de l’émotion, c’est de l’amour », et, dans la même phrase, que « c’est aussi un secteur économique puissant ». Tiens donc, l’argument massue.

Confinement oblige, les salles ferment, d’où annonce de soutien financier et hommage à l’État, qui a su prendre des « mesures sans précédent et sans équivalent dans le monde ». Tout seul, bien sûr. Trop gentil. L’histoire des combats pour y arriver, bah, là aussi, on oublie.

On ne parlera pas ici des trous, des insuffisances, et pas davantage pour le moment de l’avenir, qui s’annonce noir clair, comme disait Beckett — pour les artistes, comme pour beaucoup d’autres. Non, ce qui retient l’attention, c’est qu’on entende aujourd’hui aussi peu de représentants politiques ou syndicaux interroger le bien-fondé de cette fermeture.

Ils doivent être « sidérés », c’est l’époque. Ou ne serait-ce peut-être plus aussi « essentiel » que ce que naguère, on nous répétait ?
Qu’on entende des directeurs de théâtre affirmer avec une étrange ardeur « nous nous retrouverons avec encore plus de désir » (La Scala), ne surprend plus, on est habitués maintenant à cette vaillance de scout-toujours-prêt. Que le Prodiss ( syndicat des producteurs, festivals etc.) déplore « un nouveau coup d’arrêt pour la billetterie », c’est dans son rôle.

Mais que le SFA-CGT affiche laconiquement « Confinés... Mais toujours aux côtés des artistes-interprètes ! », là, on reste perplexe.

Contre le couvre-feu, le syndicat s’était mobilisé. Bien. Mais en des termes qui méritent réflexion : « Notre secteur ne demande pas l’aumône, il contribue grandement au PIB de notre pays et à son rayonnement national. Tous les droits doivent être sauvegardés » C’est parfaitement exact, tous les droits doivent être sauvegardés.

Mais au nom du PIB ?
Au nom de la rentabilité du secteur ?
L’artiste est justifié par ce qu’il rapporte ?

Accepter le lexique et la pensée capitalistes, c’est lui donner raison ; et c’est en l’occurrence, accepter la fin de l’idée même de l’art. Qui ne sert à rien, sinon à rendre sensible à ce qu’on possède, empêchées, coincées, de forces de transformation des mondes, intérieur et extérieur, à faire se lever le désir de libérer et peupler tout autrement ces mondes.

L’artiste, absolument, ne « sert » à rien : sinon à remuer, même fugacement, l’étonnement de ce désir. Et le « message » n’a rien à voir là-dedans. Il s’agit d’un accroissement de nos forces pour diminuer l’emprise des puissances de mort, mentales, sociales, individuelles et collectives.
Le PIB ?

L’irremplaçable de la scène

Oui, il se passe quoi ?
Le syndicat des musiques actuelles (SMA) avait, en juillet, lancé une lettre-pétition adressée à Mme Bachelot pour demander le retour des « concerts debout ». Résultat nul.
Aujourd’hui, le SMA semble muettement accablé. Quant aux politiques, dans la foulée de la pétition de la star télévisuelle François Busnel, ils réservent leur émoi aux librairies. Combat clair, qui ne défendrait pas les commerçants de proximité, David contre Goliath, et la Littérature — peut-être bien la vraie culture…
Il va être captivant de voir si les librairies seront autorisées à ouvrir, ce qui les changerait agréablement du premier confinement, où leur syndicat avait refusé d’exercer l’autorisation qui leur avait finalement été donnée.

Seul semble-t-il M. Mélenchon semble commencer à se rappeler qu’on peut se demander « Dans quel pays allons-nous vivre ? Quoi qu’on pense les uns et les autres. Sans joie, sans gaieté, sans contacts humains, sans rires familiaux ni amicaux, sans théâtre, sans cinéma, sans concerts ». Mais c’est à peine un début de début, noyé dans la question économique, en un mixte un peu étrange « Ne laissez pas sans revenu les précaires dont la masse des étudiants et des artistes qui contribuent à la beauté de la vie ».

Ah. Les salles fermées, ce n’est pas un sujet.

Serait-on donc du côté des porte-paroles divers si peu convaincus de l’irremplaçable de la scène, si peu préoccupés par le fait que les artistes du « spectacle vivant » ont besoin de la scène pour que leur travail prenne tout son sens, de ce qui se joue entre scène et salle ? Ou considère-t-on que seule importe vraiment la survie économique, le reste, ma foi…

En Italie, les lieux de spectacle sont fermés depuis le 26 octobre jusqu’au 24 novembre. Le chef d’orchestre Ricardo Muti vient d’écrire au chef du gouvernement : «  « L’appauvrissement du savoir et de l’esprit est dangereux et nuit également à la santé du corps. Définir, comme l’ont dit certains représentants du gouvernement, l’activité théâtrale et musicale comme “superflue” est une expression de l’ignorance, du manque de culture et du manque de sensibilité ».

Nous, on ne le dit pas, puisqu’on « aide » les artistes et les structures (certains), mais… Et il « demande, certain de traduire le ressenti des artistes mais aussi d’une grande partie du public, de redonner vie aux théâtres et aux activités musicales ».

On attend, puisque l’action collective semble figée, qu’une voix aussi puissante, artiste, écrivain, politique, en fasse autant en France.


Et pour les fanas de rock and roll : Johnny Kidd

Rock and roll, que ma joie demeure... NDLR


Voir en ligne : https://blog.mondediplo.net/tout-se...

   

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