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Les humains sont lents, mais la terre est patiente

vendredi 4 décembre 2020 par Edith Bélanger

Pour bien comprendre les conflits contemporains avec les Premières Nations, il faut remonter le cours de l’histoire et s’intéresser aux ententes et traités.
Plus tôt cette semaine, on apprenait qu’une entente de principe venait d’être signée entre une communauté micmaque en Nouvelle-Écosse et le gouvernement du Canada sur la pêche à des fins de subsistance.
Est-ce que cette entente pourra calmer le jeu et apaiser les tensions entourant les activités de pêche au homard ?
Impossible de le prédire pour l’instant.

On entend souvent dire que c’est en 1999, avec la décision Marshall de la Cour suprême, que tout a commencé, mais ce n’est pas tout à fait vrai, car pour bien comprendre les origines de ce conflit, il faut remonter le temps, à l’époque des traités de paix et d’amitié, soit plus de 300 ans en arrière.

Pendant ce temps, en Ontario, l’exaspération est palpable autour de la communauté Six Nations of the Grand River, où le mouvement de protestation "1492 Land Back Lane" est toujours sur les dents face au projet de développement immobilier qui se dessine dans la municipalité de Caledonia.

On a beaucoup entendu parler des barricades démantelées à grand renfort d’injonctions cet été et même des événements tragiques qui ont eu lieu dans des circonstances similaires en 2006 alors que la violence avait éclaté au même endroit.

Un regard historique s’impose

Ici encore, on aurait tort de se limiter à une analyse contemporaine de ce conflit, puisque ses fondements se trouvent à même les ententes qui sont intervenues à la fin de la guerre d’indépendance américaine, alors que le général Haldimand avait réservé des terres à ses alliés de la confédération Haudenausonee… en 1784.

D’autres batailles, elles, suivent la route des papiers et des tribunaux. Or, cette alternative demande autant de patience, sinon plus.

Par exemple, cette semaine, un reportage d’APTN nous apprenait que la Première Nation Caldwell, une communauté de la nation anichinabée, venait de sécuriser une terre qui lui permettra de rassembler certains de ses membres dans un espace commun.

Si on analyse la situation sous l’angle du processus d’ajout aux terres de réserve, on conviendra que 10 ans, c’est plutôt long pour compléter une procédure administrative.

Malgré cela, ces dix ans sont un saut de puce comparativement aux siècles d’oppression et de déracinement vécus par cette communauté, qui s’était pourtant fait promettre un titre de propriété… en 1812.

Je pourrais continuer cette liste de promesses rompues, de conventions brisées et d’ententes trahies sur quelques pages encore, tant l’histoire du Canada en est truffée.

Et pourtant, le terme réconciliation flotte dans l’air comme un parfum bas de gamme qu’on ne saurait ignorer. Les fruits mûrs de l’activisme

Pour quiconque s’intéresse à la résistance et aux revendications des Premières Nations, l’année 2020 apparaîtra certainement comme exceptionnelle alors que plusieurs crises majeures ont fait leur chemin jusque dans les manchettes des grands médias.

Dans les moments forts de ces conflits, j’ai entendu des commentaires sur la "réactivité" des Autochtones.

Certains soutenaient que les activistes des Premières Nations étaient trop vites sur la gâchette quand il s’agissait d’ériger des barricades en guise de protestation.

Or, en analysant plusieurs dossiers de revendications autochtones, j’en arrive à la conclusion opposée : nous sommes vertueusement patients !

Les démonstrations de force, les routes bloquées et les poursuites déposées contre les gouvernements provinciaux et fédéral ne sont que la pointe de l’iceberg.

Pour chaque dossier qui fait la une des journaux, il y a des dizaines de situations d’injustice qui fermentent depuis des centaines d’années dans des coins sombres du Canada. Il ne faut donc pas voir l’intransigeance actuelle des leaders autochtones comme une forme d’impatience, bien au contraire, il s’agit plutôt d’une exaspération, d’un ras-le-bol.

La mémoire en héritage

Je trouve remarquable que nos peuples aient conservé la mémoire des promesses faites à une tout autre époque surtout lorsque l’on considère tous les efforts faits pour acculturer et infantiliser les Premières Nations par le biais de politiques coloniales.

De plus, souvenons-nous que ce n’est qu’à partir des années 1970, au terme de longues batailles juridico-politiques, que les communautés autochtones ont pu s’adresser aux tribunaux pour faire valoir leurs revendications concernant leurs droits ancestraux et territoriaux.

Dans ces conditions, il est particulièrement étonnant de voir des gens des jeunes générations s’approprier ces enjeux et continuer le combat avec une énergie nouvelle.

Tout comme nos aînés ont su maintenir en vie, par le biais de la tradition orale, nos lois, protocoles et coutumes, c’est maintenant à nous de porter le flambeau avec tous les outils qui sont à notre disposition.

Cette démarche inclut notamment la prise de parole dans les médias, l’expression artistique engagée, l’activisme politique et les recours judiciaires, des moyens auxquels nos grands-parents n’avaient que peu accès.

Pendant des siècles, les peuples autochtones ont su conserver, envers et contre tous, la mémoire des pactes, alliances et ententes conclues par leurs ancêtres.

Dans les dernières décennies, l’aide des historiens, anthropologues et archéologues également s’est avérée précieuse pour faire passer les souvenirs de l’ombre à la lumière.

On le sait, noir sur blanc, que quelqu’un n’a pas respecté sa part du contrat.

Aujourd’hui, rien ne sert d’ignorer l’histoire et les faits, car la patience les Premières Nations a suffisamment été mise à l’épreuve.

On a tous nos limites, d’ailleurs, le proverbe dit que la terre est patiente, et pourtant…

Photo  : Les revendications territoriales à Caledonia en Ontario.

Photo : offerte par Ontario Federation of Labour/Twitter


Voir en ligne : https://ici.radio-canada.ca/espaces...

   

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