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Pêche : pirateries chinoises...

lundi 7 décembre 2020 par Richard Labévière

En août 2020, plus de 340 navires de pêche chinois ont été repérés aux abords de la réserve marine des îles Galápagos, au large de l’Équateur, dont la faune exceptionnelle figure au patrimoine mondial de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco).(NDLR)

Dans le monde, les flottes de pêche chinoises surpassent toutes les autres, en nombre d’unité, en capacité et en rayon d’action. Dans son rapport de juin 2020, l’observatoire britannique Overseas Development Institute a évalué la flotte hauturière chinoise à quelques 16 966 bateaux contre 13 au milieu des années 1980.

Une telle puissance s’explique principalement par l’importance des subventions étatiques attribuées aux flottilles privées. En 2014, Pékin pouvait se targuer de réaliser plus de 35% des prises déclarées en haute mer. En comparaison, Taïwan, avec 593 bateaux, représentait environ 12% de ces prises et le Japon moins de 5% avec 478 vaisseaux…

Milices civiles

Le problème majeur, c’est que ces flottes ne respectent absolument pas le droit de la mer, les conventions internationales et les accords en matière de pêche.

En 2019, la découverte de 800 chalutiers chinois présents illégalement dans les eaux nord-coréennes expliquent certainement la disparition de plus de 70% des calamars qui y vivaient auparavant en grand nombre. Avec cette armada industrielle Pékin n’a pas seulement épuisé les réserves halieutiques, mais a aussi chassé sans ménagement les petits bateaux de pêche nord-coréens qui y naviguaient traditionnellement.

Régulièrement mis en cause dans différentes réunions des Nations unies, les responsables chinois se contentent de répondre qu’ils respectent scrupuleusement les résolutions de l’ONU qui interdisent la pêche étrangère dans les eaux nord-coréennes.

Mais les violations chinoises ne concernent pas seulement la pêche, mais aussi la défense et la sécurité de nombreuses zones maritimes, conduisant à des tensions diplomatiques, voire à des confrontations violentes. En 2016, la garde côtière de Corée du Sud a dû ouvrir le feu sur deux bateaux chinois qui menaçaient d’éperonner ses patrouilleurs en mer Jaune – là même où, un mois plus tôt, un hors-bord sud-coréen avait sombré à la suite d’une attaque similaire.

Cette même année, la marine argentine a aussi coulé un navire chinois en train de pêcher illégalement dans ses eaux territoriales. D’autres pays comme l’Indonésie, l’Afrique du Sud ou encore les Philippines ont connu ce type d’accrochages, la plupart du temps avec des unités pratiquant la pêche au calamar ; cette espèce représentant plus de la moitié des prises chinoises en haute mer.

Non content d’éperonner les bateaux concurrents, les chalutiers chinois disposent, à leur bord, de gardes armés qui n’hésitent pas à tirer si besoin est…

Une milice de plus de deux cents bateaux stationne en permanence autour des îles Spratley (vietnamiennes), une zone riche en poisson, mais aussi potentiellement en pétrole et gaz naturel que se disputent pas moins de six pays : Chine, Philippines, Vietnam, Taïwan, Malaisie et Bruneï. Selon les images satellites de plusieurs pays, la flotte chinoise y passe la majeure partie de son temps à l’ancrage, en formation serrée.

Cherchant ainsi à « militariser » ces zones, Pékin veut imposer la modification – à son profit – des ZEE (Zones économiques exclusives). L’un des objectifs est d’interdire aux marines militaires étrangères d’emprunter les voies de passage internationales. Ainsi, sur plusieurs îlots et archipels, Pékin a installé des stations « météorologiques » et des « laboratoires scientifiques » pour « étudier » la « faune et les courants marins »…

Pour ce faire, Pékin dispose désormais d’un programme spécifique d’incitations financières visant à encourage les pêcheurs à œuvrer en mer de Chine méridionale, hors des eaux chinoises. « En plus des avantages dont bénéficient leurs collègues pêchant au large, ces derniers touchent un supplément en liquide pour compenser le fait que la zone soit relativement peu lucrative » [1].

Au large du Sénégal

Dans un récent rapport, l’ONG Greenpeace met en cause l’opacité de l’attribution des licences de pêches à des compagnies industrielles étrangères s’adonnant à la surpêche au large des côtes sénégalaises. Le président de la commission de gestion des ressources du conseil local de la pêche artisanale de Kayar dénonce les méfaits de la pêche industrielle : « depuis 2012, les licences de pêche sont gelées par le gouvernement pour faire face à la raréfaction des ressources halieutiques. Pourtant, des bateaux industriels, souvent chinois, continuent d’en obtenir et nous les voyons amasser des tonnes de poissons dans les eaux sénégalaises ».

Pour sa part, le Groupement des armateurs et industriels de la pêche au (GAIPES) déplore « l’introduction illégale de dizaines de navires dans la flotte sénégalaise ». Rassemblés au sein de la coalition nationale contre l’octroi des licences illégales, les pêcheurs ont tous adressé en mai dernier une lettre ouverte au président de la République, pour dénoncer les demandes de licence de cinquante-deux navires étrangers, qui « ciblent des ressources pleinement exploitées et surexploitées comme les espèces pélagiques côtières ou les espèces de fonds comme le merlu ».

Selon Greenpeace, le nombre de requêtes atteint des plafonds jamais atteints jusqu’à maintenant. Intitulé « Mal de mer : pendant que l’Afrique de l’Ouest est verrouillée par le Covid-19, ses eaux restent ouvertes au pillage », son rapport confirme que des licences de pêches ont bien été attribuées le 17 avril à quatre bateaux nommés Fu Yuan Yu, « en dépit des affirmations du ministère de la pêche selon lesquelles aucune nouvelle licence n’avait été octroyée ».

Le 6 juin dernier, les autorités avaient pourtant annoncé avoir refusé la demande de licence à cinquante-deux navires et accepté uniquement le renouvellement des papiers des navires sénégalais. Pourtant, l’un des quatre bateaux qui a reçu sa licence – le chinois Fu Yuan Yu 9889 – fait partie de cette même liste des cinquante-deux. Il a « obtenu sa licence deux semaines après avoir reçu son acte de nationalité le 3 avril, acte indispensable faute d’accord de pêche entre la Chine et le Sénégal. Il ne peut donc pas s’agir d’un renouvellement », ajoute un autre membre du GAIPES.

Mais quel que soient les modes d’attribution des licences, le problème demeure entier : des bateaux industriels étrangers continuent de ratisser les fonds marins sénégalais sans que l’on sache s’ils détiennent une licence valide. Selon Aliou Ba, conseiller politique de Greenpeace-Africa, les quatre navires dernièrement épinglés par l’ONG ne sont pas tous passés devant la Commission consultative d’attribution des licences de pêche (CCAL), une étape pourtant obligatoire.

Les ONGS dénoncent également les navires étrangers qui utilisent des « sociétés-écrans sénégalaises » ou des « prête-noms » à faible capital pour « sénégaliser » leurs navires, en les enregistrant sous pavillon local afin d’obtenir la licence de pêche. « Ce processus est anormal, manque de transparence. Donc cette pêche est illégale », commentent les militants du GAIPES.

Des navires clandestins

L’exploitant des navires incriminés affirme mordicus que les quatre unités « remplissaient toutes les conditions d’attribution des licences après étude et approbation par les services techniques du ministère de la pêche ». Quant aux autorités sénégalaises, elles ont refusé de répondre à l’ONG qui réclamait la liste officielle des navires étant autorisés à pêcher dans les eaux sénégalaises de 2011 à 2020, ainsi que le type de licence attribué.

Tous les navires du monde sont astreints d’utiliser le système d’identification AIS [2]. C’est grâce à celui-ci que l’ONG a pu détecter – fin juillet dernier – quatre bateaux de pêche industrielle, portant tous l’appellation – Fu Yuan Yu – prétendant qu’ils étaient en règle, alors qu’il était parfaitement impossible d’établir si leurs licences avaient été obtenues dans le respect des règles et procédure…

Plus grave : l’ONG assure être en mesure de pouvoir prouver que ces mêmes bateaux « semblent faire usage d’une astuce courante destinée à dissimuler leur position réelle en modifiant leurs données AIS ». « En novembre et décembre 2019, les signaux du Fu Yuan Yu 9889 ont été captés, et ce de manière physiquement impossible, à travers l’Antarctique. Ces signaux ont disparu puis ont réapparu trois jours plus tard près du Mexique, une distance impossible à parcourir dans ce laps de temps », détaille le rapport.

Jusqu’en juillet 2020, les signaux AIS indiquaient que ces navires poursuivaient « des activités ressemblant à de la pêche au large des côtes du Mexique ». Greenpeace assure pourtant avoir rassemblé « des preuves indiquant que leur position réelle se serait plutôt située dans les eaux sénégalaises ». Trois autres navires suivaient ce même schéma. D’après l’entreprise les exploitant, « l’apparition de certains navires au Mexique pourrait résulter d’une défaillance du système AIS » !!!

Dans la pratique quotidienne, les attributions opaques de licences et la pêche industrielle clandestine constituent une inquiétude grandissante. « Depuis 2006, j’ai perdu plus de la moitié de mes revenus car les fonds marins se vident », déplore Assane Sarry, l’un des pêcheurs de Kayar. Plus largement, les conséquences impactent toute la filière, qui emploie plus de 600 000 personnes à travers le pays.

Cette situation ne se limite pas au Sénégal, mais se reproduit aussi dans plusieurs secteurs d’Asie du Sud-Est, des Antilles et de l’océan Pacifique.

En fait, à l’exception des eaux territoriales – dont une grande partie est laissée sans surveillance -, aucune instance internationale (notamment l’ONU) n’est capable de dégager les fonds nécessaires à la défense et à la sécurité de la plus grande partie des domaines maritimes de la planète, abandonnés aux pirates, qui ne sont pas seulement chinois…

Pour en savoir davantage, lire le Monde Diplomatique de Novembre 2020


[1Le Monde Diplomatique – novembre 2020.

[2Le Système d’identification automatique (SIA) ou Automatic Identification System (AIS) en anglais est un système d’échanges automatisés de messages entre navires par radio VHF qui permet aux navires et aux systèmes de surveillance de trafic (CROSS en France) de connaître l’identité, le statut, la position et la route des navires se situant dans la zone de navigation.

   

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