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Après les élections, Netanyahu à la recherche d’une majorité

lundi 29 mars 2021 par Michel Muller

Le résultat final - selon des sondages habituellement fiables effectués par plusieurs chaînes de télévision à partir de la totalité des votes - du scrutin législatif en Israël donne 30 sièges au Likud de Benyamin Netanyahu, soit 6 de moins que lors de l’élection précédente en mars 2020. Procédant à de savants calculs de différentes combinaisons, le quotidien Haaretz - ainsi que plusieurs autres journaux, avec des proportions légèrement différentes - estime que le bloc "pro-Netanyahu" ne rassemblerait (jeudi 25 mars au soir) que 52 sièges tandis que les "anti" affirmés ce même jour (cela peut changer) sont au nombre de 57 avec à leur tête le "grand nouveau champion" le parti Yesh Atid avec 17 sièges. 11 autres sièges demeuraient encore flottants.

Dans ce contexte, et pour parer à toute éventualité, le fils aîné de Netanyahu, Yair a commencé à "twitter" sur l’air de Trump de "l’élection volée". Toutefois, s’il est un fait que le premier ministre sortant n’a pas, pour le moment, de majorité gouvernementale, il est autant vrai que l’"opposition" qui brille par son caractère hétéroclite est loin de pouvoir s’unir autour d’un projet quelconque si ce n’est de se débarrasser de Netanyahu.

L’apparence de ce scrutin, telle qu’elle est présentée généralement, est qu’il s’agissait donc d’un vote pour ou contre Netanyahu d’où, dit-on, avec une « absence de clivage gauche-droite », puisque l’on retrouve dans l’ « opposition » des partis de centre gauche comme Yesh Atid (ce qui reste de vague héritage du mouvement dit des tentes de 2011), de centre comme Kahol Lavan (Bleu-Blanc de Benny Ganz), des travaillistes, la Liste jointe - à laquelle participe le Parti communiste israélien-, la Liste arabe unie - islamiste -, l’extrême droite nationaliste Ysrael Beiteinu et la droite religieuse comme le Shas.

Cette apparence couvre, en fait, d’une chape de silence et d’occultation la question fondamentale de l’occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est et celle de l’emprisonnement de la Bande de Gaza.

C’est sur la négation de cette question existentielle, tant pour les Palestiniens que pour les Israéliens, que le courant politique dominant a en quelque sorte fabriqué une « réalité alternative », virtuelle, sur laquelle Netanyahu vogue avec la désagrégation de la conscience politique de la grande masse des Israéliens. Et c’est dans ce contexte de cécité collective que le chef du Likud et ses acolytes d’autres formations (dont plusieurs sont les produits empoisonnés du processus de dévoiement de la pensée collective) se partagent le pouvoir qu’ils considèrent comme étant leur propriété de droit divin.

De ce fait, Netanyahu peut se targuer de plusieurs « succès ».

Il est ainsi parvenu à briser l’un des plus sérieux espoirs de retrouver des projets d’avenir viables qu’incarne la Liste jointe, en ce sens qu’elle est l’expression progressiste d’une aspiration à la citoyenneté, à égalité de droit, arabe et juive de l’État d’Israël.

Dès sa proclamation en 1948, les dirigeants de cet État ont systématiquement fait en sorte que cette exigence reconnue dans le document fondateur, ne soit pas mise en pratique. Les communautés israéliennes-arabes ont été systématiquement victimes de sous-investissements de toutes sortes tant dans les domaines économiques, sociaux, politiques et notamment de sécurité publique.

La révolte des communautés arabes (20 % de la population d’Israël) contre la multiplication des agressions et des assassinats, mais aussi, dans le même temps, leur aspiration à la citoyenneté au même titre que leurs compatriotes juifs ont permis à la Liste jointe d’obtenir 15 sièges lors du scrutin du 2 mars 2020, le plaçant ainsi en troisième position à la Knesset et en capacité d’influer sur le processus législatif ; ce qui était totalement insupportable pour la droite hégémonique.

Jouant à fond la démagogie selon laquelle il comprenait les colères des Israéliens arabes, qu’il leur viendrait en aide, Netanyahu - qui l’année précédente avait hurlé au « coup de force arabe dans les bureaux de vote » - a courtisé les fractions les plus traditionalistes de la communauté. Il a conforté Mansour Abbas et sa Liste arabe unie dans son choix de quitter la Liste unie pour se lancer, seul, dans la compétition électorale. Son numéro 2, l’ex-maire de Sakhim, Mazen Ghanayim a affirmé que sa formation était prête à agir pour tout ce qui va dans le sens de l’amélioration des conditions de vie de son « public » et ceci non seulement au parlement mais aussi au niveau gouvernemental ; l’illusion de se croire « faiseur de roi »...

Un autre succès de Netanyahu, en sa qualité de parrain du fondamentalisme juif, est d’avoir fait entrer l’extrême droite raciste juive dans la Knesset en lui faisant obtenir 6 sièges.

L’alliance des héritiers du fondateur de Kach, le défunt rabbin raciste Meir Kanane, se nomme désormais « les sionistes religieux ». Prônant le suprémacisme juif et la déportation des Palestiniens, non seulement des territoires occupés mais aussi d’Israël, ses chefs ont fêté leur succès d’une manière tonitruante.
Dès avant l’annonce des premiers résultats, Ben Gvir, l’un des fondateurs de Kach - une organisation interdite et classée terroriste en son temps aux États-Unis - a affirmé que Netanyahu avait besoin de sa présence au gouvernement et qu’il souhaitait être le ministre de la Défense « de la Galilée et du Negev » - c’est-à-dire des régions essentiellement habitées par des Israéliens-Palestiniens.

Une fois élu, il a affirmé qu’il expulserait « uniquement » les Arabes « déloyaux » - autrement dit ceux qui ne feraient pas allégeance à « l’État-juif » - tout en laissant entendre que l’on pourrait transformer ces zones en bantoustans puisque son objectif était de « protéger les résidents des zones périphériques qui souffrent d’une recrudescence non traitée de la criminalité arabe ». Il a été entendu : mercredi soir ses nervis ont vandalisé des dizaines de voitures d’Israéliens arabes à Kfar Qassem et "tagué" le slogan "l’expulsion ou la mort".

« Il n’y a plus de question palestinienne » est devenu un mot d’ordre largement popularisé. Et c’est là le troisième succès de Netanyahu.

Il projette ainsi de faire légaliser les « avant-postes » coloniaux en Cisjordanie. Il s’agit d’embryons, souvent construits en dur, de colonies que des sionistes religieux fanatiques installent sur des terres appartenant à des Palestiniens qu’ils terrorisent sous le regard indulgent et complice des troupes d’occupation. Cette manière de reprendre de plus belle le processus d’annexion rampante est l’un des objectifs que Netanyahu va vendre aux partis de droite en échange d’une majorité à la Knesset.

Ce qui, malheureusement, semble aller de soi désormais pour l’opinion israélienne majoritaire, d’autant que les grands partis du « centre-gauche », trop couards de perdre des voix, sont restés totalement muets quant à la recherche d’une solution de paix et, éventuellement, de coexistence de deux États. Un thème uniquement déployé par la Liste jointe qui s’est battue sur ces deux fronts intrinsèquement liés : la défense et la promotion des droits des Israéliens arabes et celle de la fin de l’occupation des terres palestiniennes.

Pour les commentateurs reconnus médiatiquement, Netanyahu, par sa stratégie tous azimuts a participé à une sorte d’érosion (et de multiplication du nombre) des partis à la Knesset - y compris le sien, en dégât collatéral - afin de ne pas avoir d’adversaire sérieux et, de ce fait, de pouvoir demeurer premier ministre. Pour lui, il s’agit d’une obligation incontournable pour ne pas tomber dans la déchéance judiciaire du fait de multiples accusations de corruption ; ce qui serait aussi son échec.

Une coalition autour de Netanyahu serait-elle impensable ?
Comme croit pouvoir l’affirmer le Times of Israel en remarquant cependant : « Ajoutez à ce cauchemar ingouvernable le fait que cette nouvelle coalition comprend l’extrémiste kahaniste Itamar Ben Gvir et le militant anti-LGBT Avi Maoz, (du parti ultra-religeux Noam - ndr), deux représentants de la frange la plus radicale de la droite de la vie politique israélienne que Netanyahu a contribué à faire entrer au Parlement, et la « victoire » commence à ressembler à une déroute. »

Ceci étant, la décomposition de la démocratie israélienne en État illibéral - précurseur d’un État fasciste selon Haaretz - est bien en marche.

Les semaines qui viennent vont montrer un spectacle d’âpres et souvent sordides marchandages pour rassembler une majorité autour de Netanyahu, le premier qui sera sollicité par le Président Rivlin pour constituer un gouvernement.

Le cas échéant, le premier acte du « roi d’Israël" sera de mettre fin à l’indépendance des juges suprêmes - à l’instar de son collègue hongrois Orban - afin de pouvoir se couvrir de l’immunité pour éviter toute condamnation en justice.

Si Netanyahu échoue, ce sera le tour de Yair Lapid, le chef du deuxième parti de la Knesset, Yesh Atid. Il est déjà quasiment certain qu’il ne pourra pas rassembler une majorité face à l’arrogance de la droite. Ira-t-on alors vers un cinquième scrutin législatif ?

Dans le même temps, les Palestiniens de Cisjordanie et de Jérusalem-Est occupés et de Gaza sont appelés à élire un nouveau Parlement le 25 mai prochain. Une étape qui pourrait être de poids pour retrouver la voie d’une solution à deux États vivant côte-à-côte en paix, et pourquoi pas, en harmonie.

La France, et plus largement l’Union européenne ont dans ce domaine une responsabilité considérable qu’elles devraient assumer dignement en aidant par tous les moyens à l’expression de la parole palestinienne afin de lui redonner l’ampleur à laquelle elle a droit.

Il y va de la paix au Moyen-Orient et de la coexistence de deux États, palestinien et israélien.

Michel Muller
membre du collectif Palestine du PCF

source : https://www.pcf.fr/apres_les_elections_netanyahu_a_la_recherche_d_une_majorite


Voir en ligne : http://mouvementcommuniste.over-blo...

   

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