L’irrationnel en géopolitique

Avec encore de beaux restes de ces puanteurs, qui embaument de temps à autre les discours de nos bons bourgeois les plus policés : qu’on pense à " l’Islamo-gauchisme ", récemment promu par d’aussi " beaux esprits" que nos ministres de l’Éducation ( ! ), notre Philosophe de salon Luc Ferry, et son compère Mohamed Sifaoui, " l’Arabe de service", comme on le disait en 1961 des quelques Algériens affichés comme leurs partisans par les ultra-colonialistes de l’OAS.

Un concept aussi pertinent que le " judéo-bolchevisme " en usage chez les Nazis autrefois.
La seule nouveauté est l’amplification jusqu’à l’absurdité du phénomène irrationnel par les médias actuels, télés d’infos continues ou "réseaux sociaux."

De l’anti-soviétisme à la haine anti-russe

L’URSS a implosé il y a 30 ans, l’idéal communiste est en lambeaux épars, mais la presse française en est encore à ressasser sa haine, confondant Poutine et Lénine, la Russie capitaliste d’aujourd’hui agenouillée devant ses popes et les révoltés prométhéens de 1917. À preuve cette diatribe de Marianne, un hebdo réputé pourtant pour son intelligence et son non-conformisme " de gauche".

Dans un article récent commémorant "le massacre par les Bolcheviks" des révoltes anticommunistes de Cronstadt en mars 1921, l’auteur réduit la Révolution Soviétique de 1917 et ses dirigeants Lénine et Trotski, a "une entreprise criminelle qui pourrait bien nous menacer encore".
Une curieuse " démonstration" historique, digne des amis de Goebbels 75 ans après le Tribunal de Nuremberg ! Il est vrai que ces délires sortis d’un passé fantasmé se doublent aujourd’hui dans les médias français de la haine anti-russe, la Russie de Poutine étant un concurrent sérieux de nos "parrains" de Washington !

Le nouveau péril jaune

La même allégeance obséquieuse à l’impérialisme majeur des USA nourrit le discours aussi irrationnel de la plupart de nos communicants à l’égard de la Chine, dans une version à peine retouchée du " péril jaune " d’autrefois.

Elle n’est quotidiennement évoquée qu’en termes de menace, par son milliard et demi d’habitants, d’autant plus inquiétants que l’économie du pays est croissante, et qu’ils ont bientôt les moyens de nous imposer leur modèle, une dictature cruelle, qui fait des Chinois des sortes de robots enchaînés à leurs tâches, et des minorités, Ouïgours et Thibétains, des esclaves peuplant Goulags et cimetières.

Il n’est pas besoin d’être un béat admirateur du modèle particulier de socialisme en vigueur à Beijing, pour rejeter cette vision maladive et haineuse, digne des descriptions de Hergé dans Tintin, en rappelant quelques faits qui relèvent du simple bon sens et de l’observation.

Restaurer une image rationnelle de la Chine

1/ La Chine est effectivement devenue la deuxième puissance économique du globe, grâce à un taux de croissance énorme comparé à celui de notre Occident, industrialisé et colonial depuis des siècles, mais aujourd’hui en déclin : ce n’est qu’un juste retour de ce pays à une place que lui vaut son énorme population et son apport millénaire à la civilisation mondiale, après des siècles de sous-développement, de misère, et de mépris colonial des puissances occidentales et du japon impérial.

Cela grâce à la révolution communiste, qui lui a finalement, a l’issue de décennies de tâtonnements et d’efforts, permis de retrouver le rang qui lui revient dans le monde.

C’est d’ailleurs la raison essentielle de la haine à son égard de nos idéologues libéraux, qui ne lui pardonnent pas cette rupture avec l’ancien monde des féodaux et de leurs maîtres étrangers depuis 1948 et Mao.

2/ Leur hargne s’est encore accrue depuis "l’année Covid" de 2020, qui laisse exsangue pour longtemps l’économie des grandes puissances capitalistes, USA et France y compris, alors que les concurrents chinois, lourdement impactés au départ, s’en remettent indéniablement beaucoup plus vite.

Après avoir tenté sans la moindre preuve de faire de l’épidémie un complot né d’un laboratoire chinois, malgré tous les démentis scientifiques, nos communicants en sont réduits à occulter que l’État chinois à jugulé en quelques mois la contagion en appliquant d’emblée massivement les prescriptions de l’OMS :

• -dépister les malades et porteurs du virus contagieux,
• - les isoler pour éviter de laisser s’élargir l’infection,
• - et vacciner la population saine pour lui procurer l’immunité sanitaire.

Ce que la France n’a pas fait, ses dirigeants se limitant à des mesures contradictoires de restriction des libertés pour l’ensemble des citoyens, sans dépistage ni isolement des contagieux, laissant la fabrication et la distribution des vaccins sous la gouverne sans contrôle des sociétés multinationales pharmaceutiques, dont le seul souci est de multiplier leurs bénéfices, au détriment des concurrents.

Et les dogmes libéraux qui imposent aux gouvernants de France et de l’Union Européenne la croyance absolue en la liberté totale des possesseurs du capital, leur garantit qu’à l’exception de quelques proclamations électorales, ils ne seront jamais privés de leur usage exclusif des brevets, au seul profit des actionnaires.

Le succès évident de la méthode chinoise contre l’épidémie tient au contrôle par l’état, au service de la collectivité et de l’économie nationale, des mesures sanitaires contre l’expansion du covid.
Même constat à propos de la croissance économique fulgurante : elle ne s’explique que parce que l’état chinois en oriente et en contrôle le développement global.
Le capitalisme est indéniablement présent en chine, il s’y est construit avec l’accord de l’état et des dirigeants du PCC, marxistes pragmatiques, qui ont jugé bon de le susciter en concurrence aux entreprises publiques.
Mais les milliardaires chinois, bien réels, ne peuvent en aucun cas s’opposer aux préceptes de l’état et du parti. Un récent exemple : les sanctions infligées au milliardaire Jack Ma, le grand patron d’alibaba, l’équivalant chinois des GAFAM étatsuniens.

Un peu comme si les pouvoirs publics de France ou de Washington pouvaient imposer leurs vues et l’intérêt public à Jeff Bezos ou Bill Gates !

3/ Admettre ce fait est impossible à nos augures libérales médiatiques, ce serait reconnaître les tares du Capitalisme libéral. Il ne leur reste donc comme issue que de clamer l’État chinois totalitaire, imposant sa volonté au milliard et demi d’habitants terrorisés par interdictions, emprisonnements, et exécutions.

Il n’y aurait selon eux " pas d’opinion publique " en Chine ?

Il existe pourtant un parti communiste et des syndicats, regroupant plus d’adhérents que la France ne compte d’habitants, participant régulièrement à des débats, et 800 millions d’internautes chinois, très actifs, qui servent parfois de support à des échanges vifs, en deçà de toute directive d’état, et parfois même de support à des contestations locales des autorités en place.

4/ L’État chinois impose la loi aux usagers des réseaux sociaux ?

Certes. Mais est-ce aux médias français de le lui reprocher, après s’être étendus longuement sur les dérives impunies, délations, harcèlement, et autres incitations au meurtre, courantes sur le net parmi la jeunesse française ??

5/ L’État chinois se sert des progrès économiques de la Chine pour tenter de conquérir le monde ?

Une autre absurdité véhiculée par la majorité de nos communicants.

On peut certes trouver discutables certains agissements de la Chine dans des pays d’Afrique ou d’Asie. La disproportion est telle entre ce grand pays conscient de son poids démographique et économique et les nations faibles et pauvres où il investit qu’une certaine attitude paternaliste peut en résulter aisément.

Mais à l’inverse des investisseurs occidentaux, la chine y finance souvent des productions destinées à la consommation locale, et pas seulement tournées vers l’exportation, voire le pillage, des matières premières indigènes. Elle investit en Afrique et ailleurs sans y imposer de conditions politiques, et sans les ingérences militaires couramment pratiquées par la France ou les USA.

6/ L’État chinois selon nos médias serait un Moloch oppresseur, régnant par la prison et les exécutions.

Et on peut certes considérer que l’abolition de la peine de mort y serait, comme ce fut le cas en France, un progrès encore à venir.

N’oublions pas toutefois que les USA pratiquent aussi la peine capitale, et, détail ignoré par nos petits écrans, qu’il y a un million six cent mille prisonniers en chine et deux millions deux cent mille aux États Unis d’Amérique, pour une population 4 fois moindre. (source ifris).

Par ailleurs, beaucoup des condamnés chinois l’ont été dans le cadre initié par le parti communiste de l’épuration sans faiblesse des corrompus au sein même de l’appareil d’état. Et ces condamnations de responsables corrompus sont une des raisons de la popularité indéniable du régime au sein de la population chinoise, l’autre, fondamentale, étant que la croissance économique se traduit en Chine par d’indéniables progrès sociaux :
80% cent des citoyens chinois sont aujourd’hui sortis de leur pauvreté millénaire.
Une popularité dont ne peuvent que rêver les dirigeants français !

7/ Une simple approche rationnelle ne peut éluder ces constats. Il suffit pour y parvenir de rejeter les caricatures propagées dans notre pays par nos médias privés et publics, qui savent entretenir l’ignorance à ce sujet de la majorité de nos concitoyens (envoyant 150 millions de touristes à l’étranger en 2018, les Chinois sont généralement mieux informée des réalités extérieures que nous de celles de la Chine, si vaste et si diverse régionalement).

Il suffit de lire les spécialistes sérieux de ce grand pays, ils sont accessibles en France a condition de s’en donner la peine, qu’ils soient fervents admirateurs ou sévères critiques, de Rémy Herrera à Franklin Frédérick, traduit récemment de l’anglais et publié sur le site "histoireetsociete".

Et pour ceux désireux d’analyses diverses par leur origine et leur angle d’approche, on peut lire le récent numéro de la revue " tiers-mondiste" Alternatives Sud, publiée par le CETRI de l’Université belge de Louvain, qui réunit une dizaine d’auteurs, universitaires ou militants, de Hong Kong, des Philippines, du Vietnam, d’Argentine, et de Chine.

Un dossier contraste, mais toujours riche, qui peut nous aider à bâtir une approche raisonnable des réalités complexes de la Chine. C’est nécessaire, car même si on n’en fait pas un modèle à imiter, cet immense pays, son grand peuple, auront une place essentielle dans notre avenir.