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Cette curieuse nation qu’on appelle la France

mardi 29 juin 2021 par Francis Arzalier (ANC)

Tous les peuples de l’Univers portent des héritages contradictoires, et la Nation française, une des plus anciennes et solides du monde, ne fait pas exception, traversée qu’elle est par les antagonismes de classes, et clivée par des identités diverses, d’origine et de langue, de croyances religieuses ou philosophiques.
On dit de la Nation France qu’elle est l’héritière de multiples révolutions, de puissants mouvements ouvriers, mais aussi de très vieux réflexes coloniaux, de racismes et de xénophobies meurtrières.

Et le fait est que tout cela est vrai, mais incarné par des camps opposés, des héros lumineux et des criminels d’État, Thiers massacreur des Communards, les fascistes Pétain et Laval et Aussaresses le tortionnaire furent français, comme le furent parallèlement Louise Michel et Blanqui, Gabriel Péri et Daniele Casanova, Maurice Audin et Henri Alleg.
Et chacun des citoyens français choisit les siens.

Héritages et patrimoine en France

Cette dichotomie est évidemment le reflet des inégalités sociales croissantes, même si elles sont séculaires. Le clivage fondamental demeure évidemment celle opposant la bourgeoisie, propriétaire des capitaux lui permettant de récolter la plus-value, et le prolétariat, "qui ne possède en or que ses nuits blanches", ses bras et son cerveau, ses capacités de travail et de production des richesses.
Mais, avec le temps, les modalités de cette opposition évoluent.

Selon des économistes reconnus, comme Thomas Piketty et Nicolas Fremeaux, c’est l’héritage qui depuis cinquante ans est devenu le premier fabricant d’inégalités sociales en France. Alors que dans la décennie 1970, le tiers des patrimoines était le fruit d’un héritage, et les 2/3 le résultat de l’épargne, la proportion est inverse aujourd’hui.

Résultat, comme le dit Piketty : " Nous vivons dans une société où 50% n’hérite de rien ou presque. La moitié la plus pauvre reçoit 5 000 ou 10 000 €, et souvent très tard dans la vie ".
Mais en 2019, 10% des ménages détenaient selon l’Insee près de 50% du patrimoine français, soit plus de 600 000 euros chacun, dont les 1% les plus favorisés 16% du total à eux seuls !

Alors que l’autre moitié des Français ne se partage que 8% du patrimoine. Pour les familles les plus riches" le mécanisme de transmission démarre du vivant des légataires, donations, assurances-vie, et l’héritage post mortem, a été très fortement exonérée de la fiscalité d’État sous les dernières présidences, depuis 2003, qui se sont ajoutées à la suppression de l’Impôt sur la Fortune. C’est notamment le cas des entreprises, léguées de père en fils et jouant de l’évasion fiscale grâce aux délocalisations.

Cette France des gros patrimoines s’est beaucoup engraissée depuis les mutations de la bourgeoisie française après 1980, une bourgeoisie qui était déjà la classe possédante-dirigeante, mais qui le sera plus encore en mondialisant ses investissements au détriment des industries nationales, ce qui se traduit par une large inflexion idéologique : toujours plus d’anticommunisme, mais passage du Gaullisme nationaliste et étatiste, au mimétisme libéral pro-étatsunien et pro-Union Européenne.

Il n’est pas interdit de remarquer que ces deux " mutations " (une société de plus en plus structurée par l’héritage, et contre-révolution libérale) ont eu lieu en même temps.
La France actuelle en découle, qui rend de plus en plus ridicule le discours officiel de nos dirigeants sur une " méritocratie " qui n’existe plus depuis longtemps.

Ces clivages-antagonismes de classe sont perçus par la majorité des Français, ce qui se traduit par le sondage publié par L’Humanité-dimanche du 12 au 19 mai 2021, sous le titre :" Oui, les Français veulent des mesures sociales" : 93% prônent un grand plan de réinvestissement des services publics notamment de santé, 92% sont pour la baisse de la TVA sur les produits d’usage quotidien, 91% sont pour contrôler les aides aux entreprises, 85% pour taxer les dividendes des actionnaires, 81% pour 250 euros d’augmentation du SMIG, et 78% pour le rétablissement de l’ISF.

Des scores dignes de ceux que nos communicants reprochent à la Corée du Nord ! Qui cependant ne justifient guère le titre alléchant qui barre la page-titre : " Et si les Français avaient le cœur à gauche ! "

La colère n’est pas une analyse politique

D’abord parce que depuis 1981, " la Gauche ", " plurielle et unie ", quand elle a été aux commandes, n’a guère incarné ces mesures de progrès !
Ensuite et surtout parce que les interrogés n’affirment en rien une allégeance politique en approuvant ces mesures.
Combien parmi eux sont-ils d’irréductibles abstentionnistes, ou des électeurs du RN ?
Tout au plus, cela révèle leur mécontentement, débouchant sur des mouvements nés certes des antagonismes de classe, mais dépourvus d’objectifs politiques clairs. Les Gilets Jaunes d’il y a deux ans ont cédé à l’usure du temps, mais leur colère est intacte, et tout aussi confuse qu’auparavant.

Comment pourrait-on occulter que l’agression contre la CGT du Premier Mai, et la gifle infligée à grand renfort d’images au Président Macron en juin pour " le punir de complicité dans le déclin de la France " ont été revendiquées par une partie des Gilets Jaunes ?

Là encore, existe une dichotomie totale entre le niveau de mécontentement social, né des antagonismes de classe, et la lucidité politique de classe au sein d’une opinion française dépolitisée et chloroformée.

Comment pourrait-il en être autrement dans ce champ de ruines idéologique et politique qu’est aujourd’hui notre pays. Les organisations politiques et syndicales n’y sont plus parfois que des ectoplasmes électoralistes discrédités, alors que les partis et syndicats ouvriers ont été durant plus d’un siècle l’ossature des Républiques successives.

Le scrutin départemental et régional du 20 juin le confirme amplement. D’abord, par cette ahurissante désaffection de l’électorat, dont plus des deux tiers n’a pas voté ! Et cela, notamment dans les milieux populaires, et les quartiers populaires (72% dans le Val d’Oise !).
Encore faut-il réfuter la condamnation moralisante de nos " élites "politiciennes et médiatiques, selon lesquelles les Français auraient, de ce fait, rejeté la "démocratie". Alors que c’est justement parce que le système politique actuel est tout sauf démocratique que la masse des citoyens s’en détourne, même s’ils ont tort de le faire de cette façon !

Un déni de démocratie représentative

Qu’a de démocratique un vote caractérisé par la délégation de pouvoir, qui fait que tout élu n’a pas l’obligation de respecter son programme électoral, un mode de scrutin majoritaire qui élimine les opinions minoritaires au profit d’alliances électorales sans autre logique qu’obtenir des sièges, et cela sur un fonds de matraquage médiatique de l’opinion, par des " communicants" inféodés à l’idéologie libérale, aux pouvoirs d’État et du Capital financier.

Qu’avaient de démocratique des élections alignant des candidats coalisés en regroupements contradictoires, " Gauche unie " regroupant des PCF ou FI prétendument anticapitalistes et Socialistes ou Verts convertis au Libéralisme économique, et d’autres opposant "En Marche" Et LR, tous deux prêts à gonfler l’extrême droite pour accéder à nouveau au pouvoir en étant minoritaires, uniquement pour les postes, puisqu’ils sont tous de farouches partisans du Capitalisme et de l’Impérialisme ?

Tout cela sur un contexte de destruction par les sectateurs de Macron et ses amis des organisations politiques, partis et mouvements démocratiques organisés, qui ont structuré la vie politique française durant cinq Républiques successives.

Dans ma localité, j’ai eu un bel exemple de cette ambiance délétère : les candidats " de gauche unie" incluaient un conseiller municipal s’affirmant PCF, alors qu’il est depuis deux mandats élu dans l’équipe d’un maire hésitant entre l’Écologisme, La Droite et Le Macronisme.
Sa candidature n’a d’ailleurs jamais été soumise à l’approbation des adhérents résiduels du dit Parti...

Et, nationalement, que peut signifier de démocratique le vote épisodique pour les décideurs d’une région immense, sans aucune cohérence géographique ou historique, siégeant à Toulouse pour les citoyens de Lozère, à Grenoble pour ceux de Clermont ou du Puy en Velay ?
Un découpage absurde, bureaucratique, imposé par les objectifs anti-démocratiques et fédéralistes de l’union européenne, dont le seul objectif est d’éloigner au maximum les centres de décision des citoyens.

Des résultats navrants des élections de juin 2021

Certes, ils ne pouvaient être bons, compte tenu du contexte ci-dessus. Et ils sont moins mauvais qu’on ne pouvait le craindre, tous les sondages annonçaient une poussée du RN, seul parti vraiment organisé (et d’autant plus dangereux !) à l’issue du dynamitage des années Macron et Covid. Elle n’a pas eu lieu.

Par ailleurs, les ministres de Macron ont pris une déculottée partout où ils ont montré leur nez, dans le Nord par exemple, et c’est une excellente nouvelle.
Mais ne tombons pas dans l’euphorie naïve. Cette stagnation du RN et ce recul des Macroniens se fait au profit de la Droite LR, volontiers sécuritaire et xénophobe, pas des Gauches, au nombre de voix historiquement bas.

Surtout si l’on s’en tient aux forces s’affirmant anticapitalistes, PCF, FI, ou NPA, réduites au rôle de forces d’appoint au service des Verts et du PS.

L’ancienne " banlieue rouge" de l’est parisien, étrillée déjà en Seine Saint Denis sous l’effet de la spéculation immobilière, achève de s’effacer en 2021 : le Conseil départemental du Val de Marne tombe aux mains de la Droite, les anciennes " forteresses ouvrières " du Val d’Oise ou des Hauts de Seine peinent à conserver leur ancrage " à gauche". Et cet effondrement de positions électorales acquises autrefois par les luttes populaires est perceptible dans tout le pays.

Le PCF de l’Allier a perdu à nouveau le Conseil général, hérité du " Communisme rural ", d’anciens fiefs ouvriers " rouges" comme Alès dans le Gard, ou Firminy en Haute-Loire sont aussi passés à Droite, et le PCF qui était influent en Corse depuis la Résistance antifasciste dégringole à 3/100 des suffrages !
Ce qui n’est nullement contrebalancé par quelques cantons conservés en Pas de Calais, ou l’élection à La Réunion de la représentante du PCRéunionnais, dans des conditions très spécifiques.

Lucidité et espoir

Les élections, locales ou nationales, ne sont certes pas LE moyen de basculer le vieux monde. Mais elles sont un miroir révélateur de la société, qu’il serait absurde de mépriser. En sachant que l’avenir est imprévisible, peut accoucher du pire mais aussi du meilleur, si les Communistes se donnent la peine de le construire.

Encore faut-il ne pas inverser les facteurs, et faire les choses dans l’ordre.

Aucun progrès important de la société ne pourra voir le jour en France (et ailleurs) sans reconstruction de partis et syndicats rénovés sur une base claire de lutte de classe, sans concessions électorales, structurés par une analyse marxiste ouverte aux débats, et organisés autour de dirigeants démocratiquement désignés et contrôlés par leurs adhérents.

S’il fallait encore le prouver, le désastre actuel démontre bien que l’absence d’organisations influentes et cohérentes n’est en rien synonyme de Démocratie. Elle génère à la fois l’impuissance politique des citoyens, le goût du pouvoir opportuniste, et les dérives bureaucratiques et autoritaires que l’on dénonce.

L’objectif immédiat de tous ceux qui rêvent d’avenir heureux doit être de reconstruire la force Communiste.

29 Juin 2021

   

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