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Dag Hammarskjöld ou Quand le secrétaire général de l’ONU a voulu jouer son rôle

Par son indépendance, Hammarskjöld avait réussi à mettre en colère les deux camps de la Guerre froide, écrit Joe Lauria.

mardi 26 octobre 2021 par Joe Lauria

C’est la période des indépendances africaines et l’une d’entre elles, celle du Congo, est problématique car ce pays dispose, entre autre, de réserves d’uranium qui furent utilisées pour la fabrication des premières bombes atomiques américaines. Il n’est donc pas question de remettre en cause cet approvisionnement. Alors, l’impérialisme international commence par assassiner Patrice Lumumba, premier Ministre de la toute nouvelle République Démocratique du Congo anti-colonialiste convaincu, le 17 janvier 1961 et comme le secrétaire général de l’ONU, Dag Hammarskjöld, persévère à vouloir régler le problème au mieux des intérêts du Congo, il est, lui aussi, assassiné le 18 septembre 1961. Ce sera le début de la longue série d’assassinats de chefs d’États africain (25 entre 1963 et 2011). Il semble qu’aujourd’hui, les choses ne soient plus aussi facile qu’autrefois, et le Mali en est actuellement le meilleur exemple. (JP-ANC)

Qui était Dag Hammarskjöld ?

Dag Hammarskjöld a établi la norme d’intégrité et d’indépendance à laquelle tous les secrétaires généraux des Nations Unies sont jugés. Il a été le pionnier de la diplomatie directe grace au secrétariat général pour désamorcer les crises, et a créé le maintien de la paix de l’ONU. Hammarskjöld a forgé une indépendance entre les puissances de la Guerre froide qui les a contrariées et qui a peut-être conduit à sa mort il y a 60 ans, ce samedi.

Fils d’un Premier ministre suédois, Hammarskjöld était issu d’un milieu privilégié, contrairement au socialiste Trygve Lie, le premier secrétaire général. Hammarskjöld est devenu avocat, économiste, ministre des Finances de la Suède et a été délégué à la conférence du plan Marshall à Paris.

Hammarskjöld fut surpris d’être choisi comme remplaçant de Lie. Il était acceptable pour les deux blocs, car il était considéré comme un technocrate apolitique. Il s’est avéré être tout sauf cela. Homme profondément introspectif, Hammarskjöld a renversé les rôles et surpris les puissances de la Guerre froide. Loin d’être l’homme malléable qu’elles pensaient avoir, Hammarskjöld a pris les principes de la Charte des Nations Unies un peu trop au sérieux à leur goût.

« Le droit du Secrétariat à la pleine indépendance, tel qu’il est énoncé dans la Charte, est un droit inaliénable », a-t-il déclaré peu après son élection. Le but de l’ONU, disait-il, n’est pas de se soumettre aux grandes puissances, mais de chercher « des solutions qui se rapprochent de l’intérêt commun et de l’application des principes de la Charte. »

Malgré son appartenance à l’élite, sa défense de « l’intérêt commun » distingue Hammarskjöld et alarme les élites qui dirigent le monde. C’est surtout sa défense de l’intérêt général des Africains et des autres peuples colonisés qui a probablement causé sa perte.

Alors que la décolonisation était en cours, Hammarskjöld a déclaré que les nations nouvellement indépendantes « peuvent trouver de l’aide » auprès des Nations Unies, […] dans des forums où elles peuvent s’engager sur un pied d’égalité avec les nations plus avancées dans la recherche des valeurs qui sont l’affaire commune de tous les hommes civilisés. » Hammarskjöld a tenté de joindre le geste à la parole malgré les risques. Il a ouvert la voie au rôle de médiateur du secrétaire général dans les conflits entre nations.
La diplomatie directe


Hammarskjöld arrive à l’aéroport de Lydda lors de son voyage de Beyrouth au Caire, le 10 avril 1956. (Collection nationale de photos d’Israël, département de la photographie, bureau de presse du gouvernement).

Sa première tentative, visant à instaurer la paix entre la Jordanie et Israël, échoue. Mais à la fin de 1954, il écrit à Chou En-lai pour lui demander de le rencontrer afin d’obtenir la libération de 11 prisonniers de guerre américains de la guerre de Corée. Hammarskjöld fait appel à ses « responsabilités indépendantes en tant que secrétaire général » qui, selon lui, découlent de la Charte et non d’une quelconque résolution de l’ONU.

Pékin n’avait pas été retenu comme membre de l’ONU en faveur de Taïwan, qui avait perdu la guerre civile chinoise. Néanmoins, Chou accepte de voir Hammarskjöld dans ce qui est la première mission diplomatique d’un secrétaire général de ce type. Au final, Hammarskjöld obtient la libération des 15 aviateurs américains.


Hammarskjöld rencontre le Premier ministre chinois Chou En-Lai à Pékin, le 10 janvier 1955. (Photo ONU)

Il a utilisé ses bureaux indépendants à plusieurs reprises pour « se distancer des résolutions [de l’ONU] formulées de manière non diplomatique », une déclaration d’indépendance sans équivoque. Il a ouvertement critiqué le renversement par les États-Unis du gouvernement démocratiquement élu du Guatemala en 1954. Pendant la crise de Suez, Hammarskjöld menace de démissionner si son indépendance n’est pas respectée.

« La discrétion et l’impartialité exigées du secrétaire général ne peuvent dégénérer en une politique d’expédients, a-t-il déclaré. Il doit également être un serviteur des principes de la Charte, et ses objectifs doivent en fin de compte déterminer ce qui, pour lui, est bien et mal. Il doit s’en tenir à cela. »

Hammarskjöld a désamorcé la crise libanaise de 1958 lorsqu’au Caire il a obtenu du président égyptien Gamal Abdel Nasser qu’il interrompe les livraisons d’armes au Liban à partir du territoire syrien de la République arabe unie.

Décolonisation de l’Afrique

L’initiative la plus controversée de Hammarskjöld s’est déroulée au Congo de juillet 1960 jusqu’à sa mort le 18 septembre 1961. Il avait visité 21 pays africains en deux mois (en décembre 1959 et janvier 1960) et encourageait de plus en plus le nationalisme africain, agaçant les dernières puissances coloniales du continent. Lorsque la Belgique accorde l’indépendance au Congo, la province du Katanga, riche en minerais, refuse de suivre le mouvement. Hammarskjöld s’engage en faveur d’un pays unifié et indépendant et pratique une diplomatie directe.


Arrivée à Léopoldville, cinq jours avant sa mort, le 13 septembre 1961. (Photo ONU)

À sa demande, le Conseil de sécurité a exigé que les troupes belges quittent le Congo et, plus tard, l’ONU a déployé une force de 20 000 hommes. Après que le premier Premier ministre congolais, Patrice Lumumba, ait menacé de demander l’intervention d’une force soviétique si les Belges n’étaient pas expulsés dans les 48 heures, les Nations Unies ont finalement réussi à obtenir le départ de tous les militaires belges du Congo, y compris du Katanga.

Mais Lumumba était mécontent que les troupes de l’ONU ne se battent pas pour mettre fin au séparatisme du Katanga. Les Soviétiques exigent alors la démission de Hammarskjöld, car ils estiment qu’il a fait preuve de « partialité à l’égard des pays socialistes » et l’accusent de soutenir les forces coloniales pour fixer « un nouveau joug sur le Congo ». Les troupes de l’ONU ont finalement commencé des opérations de combat contre les séparatistes.

Pendant ce temps, les Américains, la Grande-Bretagne, la Rhodésie et l’Afrique du Sud de l’apartheid sont alertés par le soutien de Hammarskjöld à un Congo unifié et au nationalisme africain en général. La CIA craint particulièrement que l’uranium du Katanga, qui a été utilisé dans les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki, ne tombe entre les mains des Soviétiques.

Par son indépendance, Hammarskjöld avait réussi à mettre en colère les deux camps de la Guerre froide.

Moscou voulait qu’il démissionne pour être remplacé par trois hommes à la tête de l’ONU : l’un représentant l’Est, l’autre l’Ouest, et le dernier les nations en développement. Hammarskjöld répond aux accusations de la Russie le 3 octobre 1960. Il a déclaré à l’Assemblée générale : « Il est très facile de démissionner. Il n’est pas si facile de rester. Il est très facile de se plier aux souhaits d’une grande puissance. C’est une autre affaire de résister. »


Dag Hammarskjöld (à droite) sur la Place Rouge avec Ilya S. Tchernychev, sous-secrétaire général des Nations Unies, 5 juillet 1956. (Photo ONU)

Alors qu’il se rendait en avion chez le chef katangais un an plus tard pour négocier un cessez-le-feu avec les troupes de l’ONU, le secrétaire général a été tué lorsque son avion s’est écrasé peu avant d’atterrir à l’aéroport de Ndola, dans ce qui était alors la Rhodésie du Nord. Un livre publié en 2011 par la chercheuse britannique Susan Williams a donné lieu à une commission indépendante et à une enquête de l’ONU, qui ont montré que de nombreux témoins oculaires ont vu un deuxième avion tirer sur l’avion de ligne de Hammarskjöld.

La Commission a émis l’hypothèse que la CIA et les services secrets britanniques pourraient avoir joué un rôle dans cet assassinat. Le mandat d’Hammarskjöld a coïncidé avec l’apogée de l’action secrète des États-Unis, y compris les coups d’État et les assassinats, sous la direction d’Alan Dulles. Au cours de la première année du mandat d’Hammarskjöld, les États-Unis et la Grande-Bretagne renversent un gouvernement démocratiquement élu en Iran, et l’année suivante, ils font de même au Guatemala.

En condamnant ces derniers, Hammarskjöld a clairement dépassé les bornes.

Son héritage

Le mouvement dont Hammarskjöld s’est fait le champion dans les années 1950 s’est concrétisé au cours de la décennie suivante, lorsque des dizaines de pays d’Afrique et d’Asie ont obtenu une indépendance au moins nominale vis-à-vis de leurs maîtres coloniaux. Ces nouvelles nations font passer l’Assemblée générale de 54 membres en 1950 à 110 à la fin des années 1960.

Le Conseil de sécurité étant toujours paralysé par les rivalités de la Guerre froide, l’Assemblée générale devient le centre des activités de l’ONU. L’Assemblée reflète la rébellion mondiale contre les vestiges du colonialisme, l’apartheid en Afrique du Sud et dans le Sud des États-Unis, la domination des puissances de la Guerre froide, l’intervention secrète et militaire des États-Unis dans les pays en développement, l’essor des entreprises mondiales dominées par les États-Unis, les dictatures, la répression des femmes et le conflit palestinien non résolu.

La première affirmation de l’indépendance du tiers monde a été la fondation du Mouvement des non-alignés le 6 septembre 1961, douze jours avant sa mort. La neutralité naturelle d’Hammarskjöld se prêtait aux objectifs du mouvement. Il s’était appuyé sur des nations neutres pour la plupart de ses troupes de maintien de la paix et avait prouvé sa défense de la Charte en tant que protection des intérêts de tous les peuples.

Hammarskjöld a reçu le prix Nobel de la paix à titre posthume. Le président John F. Kennedy l’a qualifié de « plus grand homme d’État » de son époque.

Source : Consortium News, Joe Lauria, 18-09-2021

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises


Voir en ligne : https://www.les-crises.fr/qui-etait...


Joe Lauria est rédacteur en chef de Consortium News. Il a été correspondant à l’ONU pour le Wall Street Journal, le Boston Globe et de nombreux autres journaux. Il a été journaliste d’investigation pour le Sunday Times de Londres et a commencé sa carrière professionnelle comme pigiste pour le New York Times. On peut le joindre à l’adresse joelauria@consortiumnews.com et le suivre sur Twitter @unjoe.

   

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