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Centrale de Gardanne : où en est-on ?

jeudi 18 novembre 2021 par Charles Hoareau

Le 12 octobre, face à l’incompétence de la direction de Gazel Energie, les travailleurs de la centrale de Gardanne ont décidé de la mise sous protection de leur outil de production. Depuis, l’ensemble des salariés du département, à l’appel du syndicat CGT de la centrale de Gardanne et de l’UD CGT 13, se relaient jour et nuit pour garder l’usine. Un mois plus tard où en est-on de la mobilisation et des avancées sur ce dossier ?

Tout d’abord un petit rappel historique

La centrale thermique de Gardanne, a été, dès sa création en 1953 une grande source d’énergie pour les particuliers et les entreprises. Elle a ainsi couvert jusqu’à 30% des besoins en énergie de la région, la mine trouvant avec la centrale un débouché naturel et formant un ensemble cohérent de production énergétique basé sur le charbon.

En vertu d’un pacte charbonnier signé en 1994 par les syndicats mais pas par la CGT, la mine de Gardanne ferma en 2003 sous le double argument que cela revenait cher et que ça polluait. Arguments que la CGT contestait y compris avec des propositions alternatives et de progrès que les gouvernements refusèrent de prendre en compte alors que ce syndicat, ultra majoritaire dans la profession, était le plus à même de prendre en compte tous les éléments de la poursuite de l’exploitation.

La centrale fut alors contrainte de s’approvisionner en charbon importé ce qui ne répondait en rien aux arguments avancés pour la fermeture de la mine mais les déplaçait d’une industrie à une autre. Ni surtout ne répondait à deux autres questions soulevées par la CGT depuis les années 80 et bien avant ce fameux pacte tueur d’emplois et d’activité :

  • - Où est la logique d’importer du charbon à l’autre bout de la terre alors qu’il y a sous nos pieds un gisement pour encore plusieurs décennies ?
  • - Qui a décidé que l’on ne peut pas (et qu’on ne pourra jamais) produire sans pollution, l’énergie dont on a de toute façon besoin pour vivre ?

Ces deux questions en soulèvent de fait une autre, celle d’une logique autre que la course au profit : celle d’un vrai service public de l’énergie et donc de la propriété collective de la production et de la distribution par la population, producteurs et usagers réunis, seule mesure à même d’assurer la maitrise des choix et de la réponse aux besoins. Non seulement la CGT n’est pas entendue, mais l’État, au nom de la sacro-sainte libéralisation, va enclencher un grand jeu de Monopoly dont les seuls gagnants seront les actionnaires.

Il y eut d’abord la privatisation de Charbonnage de France avec la création de la SNET (1994), concurrente d’EDF, dont la gestion va être reprise en 2004 par ENDESA (société espagnole) et puis être achetée en 2008 par E. ON société allemande.
Après E. ON, en 2016 c’est UNIPER, sa filiale qui reprend la Centrale. En 2018 UNIPER revend la centrale au groupe tchèque EPH et en 2019, celui-ci la revend à sa filiale GAZEL Energie !

Ainsi de 1994 à aujourd’hui, le jeu de « je t’achète et je te revends » va se faire sous l’œil attendri du pouvoir, alors que les plans de licenciements et les attaques contre le service public vont se succéder et sans que la lutte contre la pollution y soit pour quelque chose.

Pour n’avoir pas voulu répondre à cette problématique dans le sens du progrès économique et social, les gouvernements successifs vont bientôt poser aussi la question de la survie de la centrale.

La reconversion d’une partie de l’entreprise sur des critères capitalistes va être envisagée à partir de 2011 avec la biomasse. Critères capitalistes car basés sur l’exigence de rentabilité des actionnaires.

Ainsi le propriétaire d’alors E. ON, déclara vouloir faire de la centrale de Gardanne la plus grosse centrale biomasse d’Europe (il n’y arrivera pas) : pour quelle réponse aux besoins ?

Grace à un contrat juteux signé avec l’état garantissant un tarif de rachat supérieur au prix du marché, Gazel Energie empoche de l’argent public sur la production d’électricité de cette unité. Il n’est ni question de maintien des capacités de production, ni de sauvegarde de l’emploi, ni de respect des normes environnementales ou de préservation de la filière bois ce qui serait pourtant possible mais nécessite que le domaine forestier soit soustrait des intérêts privés et donc que son exploitation se fasse sous le contrôle de la population dans le cadre d’une vraie nationalisation [1].

Non pour le groupe ce dont il est question c’est de la captation des richesses produites par les travailleurs. Son seul objectif est d’engranger toujours plus de profits et de dividendes.
Le point de vue des premiers concernés passé à la trappe…

Comme nous l’avons écrit dans nos articles précédents le point de vue de la CGT n’a jamais été pris en compte par le pouvoir ni dans les choix de production, ni dans ses propositions alternatives aux visées mégalomaniaques de la direction.

Bien au contraire le dossier de l’énergie en général, de l’avenir du bassin minier et de la centrale en particulier font l’objet d’une intense bataille des idées depuis des décennies, depuis le pacte charbonnier en fait. Et depuis cette date il y a refus de négocier de la part du pouvoir.

Pourtant ce sont bien les hommes et femmes qui travaillent sur le site et habitent à côté qui sont les premières victimes de toute éventuelle dégradation de leur environnement et qui ont le plus besoin d’une activité économique pérenne car ils n’ont pas de solution de rechange autre que le chômage si l’entreprise ferme. Ils font confiance à la CGT de leur entreprise à plus de 80% : leur point de vue ne doit-il pas être entendu ?

D’autant que les arguments ne manquent pas du côté de la CGT et ils ont été maintes fois énoncés :

Et pourtant les faits leur donnent raison

Tous ces arguments des partisans de la fermeture sont tombés un à un et même ses plus ardents défenseurs sont aujourd’hui obligés d’admettre qu’il y a une seule alternative : soit on revient 200 ans en arrière soit on tient compte du fait que dans un monde où la population croît, la technologie progresse, il faut de plus en plus d’énergie et que les seules énergies « dites » renouvelables ne suffiront pas.

Les adeptes de la décroissance ont perdu la bataille des idées dans le débat public.

Coincé dans ses contradictions, Macron l’a d’ailleurs reconnu à sa manière et sans faire son mea culpa, en annonçant la reprise de la construction de centrales nucléaires. À ce propos il a même montré une fois de plus que l’argent ne manque pas dans ce pays pour qui veut relancer la production d’énergie.
Dans ce contexte ils ont l’air plus que louches ceux qui, du repreneur au député Lambert (élu dégradé de vert au gré des choix tactiques), proposent une activité circonscrite sur 3 hectares sur les plus de 80 qu’occupe aujourd’hui la centrale. Un site idéalement placé aux portes de Marseille et d’Aix et si bien desservi par la route ouvre des appétits…

Ni dupes ni fatalistes malgré les attaques et les plans de licenciements successifs, les salariés résistent avec la conviction de la victoire chevillée au ventre. Une victoire pour eux, pour les chômeuses et chômeurs des villes alentour, pour les enfants, pour l’avenir du bassin minier tout entier qui ne s’est jamais remis de la fermeture de la mine.

Ils ont arraché une nouvelle table ronde qui réunira dans les prochaines semaines pouvoirs publics et industriels actuels ou potentiels pour parler des projets de manière concrète.

A la mesure de ses moyens l’ANC soutient la lutte pour toutes les raisons qui précèdent et parce qu’elle a conscience que se joue ici une part importante de l’avenir de toute une région.

Pour l’ANC il n’y a pas d’alternative :

Nous refusons que notre région soit vouée à être « La Californie de l’Europe » [2] où les hôtels de luxe et les stations balnéaires remplaceraient le port minéralier de Fos, les usines métallurgiques et les raffineries.

Nous avons besoin de production locale d’énergie capable de répondre aux besoins des populations et des entreprises. Nos productions industrielles doivent rester ici et pouvoir se développer et dans ce cadre la centrale de Gardanne est une pièce maitresse de ce développement.

A voir la réaction des commerçants à l’appel lancé par l’ANC et celle des chômeuses et chômeurs lors de la distribution du tract ANC à la ZAC, le message est passé.

Nul doute que nous serons nombreuses et nombreux à suivre de près cette nouvelle étape du combat et dans l’attente, les tours de garde se continuent 24h sur 24, 7 jours sur 7 : cette centrale c’est la nôtre.

Marseille le 16 11 2021

Autres références de cet article :
Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Centrale_thermique_de_Provence
Rapport du sénateur Jacques Valade : Contribution au débat européen sur la stratégie énergétique http://www.senat.fr/rap/r02-079/r02-0797.html 7 février 2001
Gardanne : quel avenir pour la centrale à charbon ? 21 novembre 2017 : https://lenergeek.com/2017/11/21/gardanne-centrale-a-charbon/
Réponse du ministère au sénat 24 09 2009 : https://www.senat.fr/questions/base/2009/qSEQ090508794.html
Plan local d’urbanisme 2021 de la ville de Meyreuil : https://www.ville-meyreuil.fr/upload/PLU/OAP-2021-reduit-compresse-------.pdf
Rapport d’enquête publique de la préfecture des Bouches du Rhône de 2012 : https://www.bouches-du-rhone.gouv.fr/content/download/10363/62460/file/Rapport.pdf
Les procédures de captage du CO² - Rapport de RECORD 2013 : https://www.record-net.org/storage/etudes/11-0236-1A/rapport/Rapport_record11-0236_1A.pdf
Techniques de l’ingénieur : Transformation du CO² vers un recyclage à grande échelle 2019 : https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/transformation-du-co2-vers-un-recyclage-a-grande-echelle-69088/
Rapport de la cour des comptes sur la fin de l’exploitation charbonnière 2008 : https://dpsm.brgm.fr/sites/default/files/documents/rapport-fin-exploitation-charbonniere.pdf
La plus grande unité de captation du CO² inaugurée au Danemark 2006 : https://www.actu-environnement.com/ae/news/1608.php4
Il va falloir enfouir le CO²-Ouest-France-2020 : https://www.ouest-france.fr/environnement/rechauffement-climatique/rechauffement-climatique-il-va-falloir-enfouir-notre-co2-sous-terre-7021298
Pacte pour la transition énergétique de Gardanne-Meyreuil 2020 : http://www.accac.eu/ACCAC/news-36790-Pacte-transition-territoire-gardanne(1).pdf


[1Nous reviendrons dans un prochain article sur la question spécifique de la biomasse et de son utilisation au service de l’environnement

[2Expression employée pour la 1re fois en 1976 par Valéry Giscard D’Estaing alors président de la république et illustrant la politique d’aménagement du territoire décidée par l’Union Européenne qui depuis 50 ans n’a pas lâché son projet de faire de Barcelone à Gênes la « banane du tourisme ».

   

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