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Au-delà de la propagande, cette Russie qui est « à 100% derrière le Kremlin »

lundi 30 mai 2022 par Benjamin Quenelle

Les partisans de « l’opération militaire spéciale » en Ukraine ne viennent pas seulement des groupes de retraités et des classes populaires. Une partie de la classe moyenne soutient l’offensive. Reportage à Kazan, foyer de la high tech russe.

REPORTAGE.
Entrepreneur et globe-trotter, jeune et polyglotte, Piotr Kranpine est le portrait-type de cette Russie de la nouvelle classe moyenne qui, a priori, s’opposerait à « l’opération militaire spéciale ». Ce père de famille, 36 ans, n’utilise d’ailleurs pas la litote officielle du Kremlin pour décrire l’offensive de la Russie en Ukraine.

« Quand des soldats se battent entre eux avec des armes lourdes et qu’il y a des morts, cela s’appelle la guerre », rappelle Piotr Kranpine, regard franc et parler direct. Ingénieur en informatique, il a passé ces cinq dernières années à voyager. En Russie, entre Moscou et Kazan, la cité sur la Volga à quelque 700 km de la capitale et foyer d’innovation technologique donnant un coup de jeune à l’économie nationale.

Mais aussi entre Russie, Pologne, Estonie, Espagne et États-Unis. Il a toujours une start-up sur le feu, un projet en tête, un investissement en cours. Piotr Kranpine parle d’ailleurs parfaitement anglais et suit en partie l’actualité sur les médias occidentaux.

« C’est bien pour cela que je n’ai pas eu un seul doute en trois mois depuis le début de la guerre en Ukraine : je ne fais pas confiance à l’ouest et je suis à 100 % derrière le Kremlin », confie Piotr Kranpine dans l’un de ces bars à la mode dans le centre de Kazan.
Sa franchise surprend – mais il a préféré qu’on modifie ses nom et prénom. Il assure être indemne de la propagande du Kremlin parce qu’il ne regarde pas la télévision publique. Il se dit indépendant d’esprit parce qu’il ne fait partie d’aucun mouvement contrôlé par l’État. « Moi je ne fais pas de politique. Je suis entrepreneur », insiste-t-il.

« Ma seule obligation en tant que citoyen, c’est de voter. Notamment pour le président. Une fois qu’il est élu, je le soutiens et lui fais confiance. Surtout en cette période de tensions, c’est lui le mieux informé et le plus à même de prendre les bonnes décisions pour notre pays. » Sans surprise, Piotr Kranpine a toujours voté pour Vladimir Poutine.

Et de dire tout haut ce que le président n’a jamais exprimé aussi clairement : « Si la Russie n’avait pas attaqué en premier, l’Ukraine et les Occidentaux nous auraient attaqués. Aujourd’hui, je ne soutiens pas la guerre en tant que telle, mais la décision de notre président qui permet de protéger notre pays », nuance-t-il.

« Les Européens ne respectent pas le droit »

Piotr Kranpine parle aussi en homme d’affaires. « Les sanctions mais surtout toutes les mesures prises ensuite, notamment dans le secteur bancaire, ont révélé que les Européens ne respectent pas le droit. Contrats, lois, confiance : tout a volé en éclats depuis trois mois ! », tempête-t-il, en racontant que ses fournisseurs européens de service IT ont cessé de travailler avec lui et que ses comptes en banque en Europe ont été gelés du jour au lendemain.

« Uniquement parce que je suis Russe. Lorsque des décisions prises se basent sur la nationalité des gens, c’est le début du nazisme », ajoute-t-il. Les mots sont lourds d’histoire et Piotr Kranpine en a conscience. Plus de deux semaines après, étoiles rouges, rubans de Saint- Georges et autres symboles du 9 mai célébrant la « grande guerre patriotique » et la victoire soviétique en 1945 sont d’ailleurs toujours omniprésents dans le décor urbain des villes russes.

Ces rappels d’histoire dans le présent symbolisent la continuité de la lutte contre les nazis, d’hier et d’aujourd’hui. Depuis le début de son « opération militaire spéciale » en Ukraine, le Kremlin déroule son raccourci entre « héroïsme » passé et « victoire » présente. Marioupol, Boutcha et autres crimes de guerre dont les Occidentaux accusent l’armée russe ?

Piotr Kranpine reconnaît ne pas être au courant. « Je n’ai pas d’informations directes », se défend-il, arguant regarder peu les informations, russes comme occidentales. « Ce n’est pas mon travail, pas ma priorité. Je suis homme d’affaires, informaticien… »

Piotr Kranpine est loin d’être le seul, à Kazan comme dans le reste de la Russie. L’ampleur de cette nouvelle classe moyenne transformée en inattendus partisans de « l’opération spéciale » explique en partie les quelque 80 % de soutien dont bénéficie aujourd’hui Vladimir Poutine.

« Il y a même des opposants au président qui sont devenus des défenseurs de sa guerre », prévient Edouard Vorobiov, 23 ans, étudiant en sciences politiques à Kazan. « Certains s’informent librement mais, en regardant la masse d’informations contradictoires, finissent par se dire qu’il est impossible de savoir et qu’il vaut mieux faire confiance au président. Car, Poutine, il sait… », regrette-t-il.

Lui-même continue de s’opposer dans les mots. Mais plus dans les actes. Finis autocollants et graffitis rebelles : « trop dangereux dans le contexte de répression croissante contre toute forme de protestation », rappelle Édouard Vorobiov. « De toute façon, cela n’avait aucun impact sur l’opinion publique qui, au fond, se désintéresse de la situation… »

Telle est déjà la vraie victoire de Vladimir Poutine : non seulement il a anéanti l’opposition, mais il a aussi orchestré l’apathie générale.

Photo : À Kazan comme dans le reste de la Russie, l’ampleur de cette nouvelle classe moyenne transformée en inattendus partisans de « l’opération spéciale » explique en partie les quelque 80% de soutien dont
bénéficie aujourd’hui Vladimir Poutine.
- AFP.

   

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