Association Nationale des Communistes

Forum Communiste pour favoriser le débat...

Accueil |  Qui sommes-nous ? |  Rubriques |  Thèmes |  Cercle Manouchian : Université populaire |  Films |  Adhésion

Accueil > ANC en direct > Actualité Politique et Sociale > Devant la stratégie du choc, poursuivre les convergences du 22 (...)

Devant la stratégie du choc, poursuivre les convergences du 22 mars

jeudi 22 mars 2018 par Pierre Lenormand

La situation à laquelle est confronté aujourd’hui le mouvement social en France vient de loin, et s’inscrit dans une histoire longue d’un demi-siècle. En évoquant les « bons conseils » du ministre travailliste néo-zélandais Roger Douglas, acteur du virage néolibéral de son pays en 1989, Serge Halimi en restreint singulièrement la portée, en gommant quelque peu la continuité, la diversité et le caractère universel de cette « offensive générale » [1] qu’il dénonce à juste titre.

Cette contre-révolution libérale, concoctée notamment par l’économiste américain nobelisé en 1976 Milton Friedman et diffusée par ses Chicago-boys a été successivement mise en œuvre dès 1973 par Pinochet, puis par Reagan et Thatcher au début des années 80, et engagée plus ou moins ouvertement par les gouvernements européens de toutes obédiences.

C’est aussi dans les années 80 la mise en place par le FMI et la Banque Mondiale des Programmes d’ajustement structurel (PAS) qui frappent les pays africains et d’Amérique du sud. C’est la même idéologie qui diffuse parmi les ’élites’ de l’URSS et des pays socialistes de l’est européen et qui fut à la base des thérapies de choc, théorisées par Jeffrey Sachs et imposées à la Russie comme aux anciens pays du CAEM à partir de 1990, sous l’impulsion décisive de l’Union Européenne.

Au nom notamment d’une dette publique impunément organisée par les grandes banques privées, les mêmes recettes sont proposées et mises en œuvre sans délai : démantèlement des économies par un ’ libre échange’ ravageur, déréglementations, réduction des salaires et des retraites, dynamitage des protections sociales et des statuts, remise en cause de toutes les conquêtes sociales, destruction de tous les services publics existants (sécurité sociale, santé, éducation, transports) pour faire une place toujours plus grande à la sphère du profit capitaliste.

Pierre-Alain Millet [2] reprend avec vigueur cette idée d’offensive générale, cette « stratégie du choc qui tente de submerger toute résistance par la vitesse, l’accumulation, le mépris de toute vie démocratique, l’effacement du parlement et plus que jamais une véritable guerre de l’information, une guerre idéologique, pour faire s’exprimer tout ce qui divise, tout ce qui oppose »... pour conclure à la nécessité de s’y opposer frontalement."

C’est à une analyse convergente que se livre Alain Chancogne [3] : « car en raison de l’actuelle crise systémique du système capitaliste, il fallait que les possédants eux-mêmes prennent leurs affaires en main (…) Ils n’avaient qu’une seule alternative : vaincre à tout prix et mettre k.o. le mouvement social (…) ».

Après Reagan , Thatcher et Eltsine, c’est Macron qui est aujourd’hui en charge de réaliser en France cette contre-révolution libérale, dont nos ’Versaillais’ et avec eux toute la bourgeoisie européenne attendent leur survie. Pour nous, pour nos enfants et nos petits enfants, ils ne doivent pas gagner. Mais tout dépendra des forces que nous pourrons leur opposer.

En novembre 2013, à la Sorbonne, le président équatorien Rafael Correa s’étonnait qu’un grand peuple comme le nôtre puisse, comme les gouvernements compradores latino-américains, se laisser prendre aux recettes du dogmatisme capitaliste. Il y a du vrai dans cette interrogation, qui doit nous faire réfléchir à la manière dont nous devons agir, sur deux fronts distincts mais complémentaires.

  • - Il y a nécessité d’abord de dénoncer et combattre toutes les formes de répression qui frappent ceux qui osent, dans le secteur public comme dans le secteur privé, relever la tête et s’opposer à toutes les atteintes aux droits des travailleurs conquis de haute lutte depuis des siècles maintenant. Nous sommes nombreux, mais il faudra aussi mobiliser ceux qui, découragés, désabusés, se sont laissés gagner par la résignation. Il faudra aussi donner toute leur place aux sans-droits, aux sans-travail, aux sans-toit, aux sans-papiers : nous avons sur ce terrain beaucoup à faire pour les convaincre, en sortant de la loi d’airain du capital, de la possibilité d’un avenir meilleur.
  • - Mais la constitution d’un mouvement suffisamment puissant pour enrayer et défaire l’entre-prise macronienne suppose aussi que nous soyons assez convaincants pour reconquérir dans les têtes les valeurs de liberté (trop souvent réduite à la seule liberté d’entreprendre) d’égalité réelle, de solidarité et de fraternité qui sont au cœur de ce qui reste de notre « modèle social » [4].

Gouvernements, droites et medias réussissent parfois à les vider de tout contenu, en proclamant que tout se paye, que rien n’est gratuit, et que la solution est dans la mise en compétition permanente des homme et des territoires entre eux. A l’intention notamment des ’couches moyennes’, catégorie peu scientifique mais centrale - au moins en apparence - dans leur projet politique, ils développent de nouvelles et multiples formes de séduction, qui vont des ’promesses’ de la numérisation généralisée et de la fin du salariat à l’auto-entrepreneuriat et au développement d’une sous-économie rentière.

Ces ’perspectives’ sont la plupart du temps illusoires, pernicieuses, voire toxiques, il va nous falloir aussi le montrer.

Notre peuple a dans son histoire montré qu’il pouvait être porteur de grandes espérances, et qu’il pouvait, mieux encore, les mettre en actes. Il est de notre responsabilité, pour nous- mêmes mais aussi pour les autres peuples qui nous observent, de retrouver ce chemin. C’est à cet objectif qu’il nous faut, de toutes nos forces, contribuer aujourd’hui et demain.

Photo : © Twitter @Dorian_RTFrance


[1(1) Titre de son billet de une du monde diplomatique (mars 2018) qui renvoie à la réédition en 2012 chez Agone de son ouvrage « Le grand bond en arrière, comment l’ordre libéral s’est imposé au monde ».

[2L’offensive générale : 22 mars, allons-y tous ensemble ! (Faire vivre le PCF, 19 mars 2018, par pam)

[3« Macronie et lutte de classes » par Alain Chancogne (la lettre de de l’ANC, mars 2018)

[4(4) « Il leur faut tout détruire de notre "modèle social français", qu’ils vomissent d’autant plus qu’ils ne peuvent plus se permettre de distribuer les miettes sociales démocrates » (Alain Chancogne). « Il faut faire accepter que des inégalités plus grandes pourraient être à la fin bénéfiques à beaucoup... » (Pierre-Alain Millet)

   

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?