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Guerre en Ukraine : Quelle situation ? Quel bilan "à mi parcours" ?

lundi 19 septembre 2022 par Bruno Drwreski (ANC)

Si l’on suit l’analyse de la situation militaire des deux adversaires d’après le site assez bien informé "Military summary"en anglais mais fait par des russophones, et de quelques autres sources (The Duran, Vu du Droit, Nowy Lad, Stratpol, Southfront, The New Atlas, The Grayzone, etc), la situation militaire et politique des deux adversaires se présente comme suit (sachant bien sûr que les opérations militaires et de propagande côté ukrainien sont planifiées directement par l’OTAN, les USA et le Royaume-Uni, alors qu’elles sont planifiées par les Russes côté russe) :

- Depuis le début de la guerre dans sa phase généralisée en février, les Ukrainiens ont perdu environ 100 000 hommes hors d’état de se battre (morts, blessés, prisonniers ou disparus) et ils devraient en perdre encore 100 000 d’ici la fin de l’année si les opérations se poursuivent selon le schéma actuel dans le Donbass. Ce qui fait 20% au minimum des capacités de départ de l’Ukraine, si l’on se base sur les chiffres de conscrits donnés par Kiev.
Les militaires perdus sont des professionnels et des soldats bien formés, donc même s’il y a encore beaucoup de soldats du contingent en réserve, ceux-ci sont mal formés et ne peuvent remplacer en qualité les disparus.
Les Ukrainiens viennent de jeter dans la bataille d’Izioum et de Kherson la quasi-totalité de leurs meilleurs militaires restant, il semblerait qu’ils en aient perdu plus de 10 000 en une semaine.
Ces pertes vont commencer à compter.

- Les Russes ont toujours fait attention à minimiser leurs pertes et n’en ont donc pas eu beaucoup, ce qui explique qu’ils préfèrent perdre des territoires plutôt que de perdre des hommes, alors que pour les Ukrainiens c’est exactement le contraire, car eux mènent, sous le conseil des USA, une "guerre de communication", alors que les Russes mènent "une guerre de mouvement", les Russes étant peu intéressés par ce qu’on pense d’eux en Occident et ils savent qu’ils ont la sympathie de la majorité des peuples du Sud, sans avoir à faire d’efforts particuliers.
Les Russes gardent leur immense supériorité militaire en artillerie et aviation, d’où les pertes ukrainiennes massives, mais ils n’ont par contre engagé sur le front que des soldats sous contrats. Or beaucoup de contrats arrivent à terme bientôt et il n’est pas sûr que les Russes trouveront suffisamment de candidats pour remplacer les partants. On parle même de recrutement massif de la part du groupe "Wagner" dans les prisons en leur promettant l’amnistie, une bonne solde mais aussi qu’ils seront immédiatement fusillés s’ils violent, volent ou tuent des civils.

En conséquence, et indépendamment de l’évolution de la situation économique de l’Ukraine qui est mauvaise et risque de devenir catastrophique cet hiver, et si les deux adversaires n’arrivent pas à recruter massivement de nouvelles forces, soit des mercenaires étrangers bien formés pour les Ukrainiens soit des recrues russes pour les Russes, soit une mobilisation nationale plus massive en Russie, on peut penser que les deux adversaires seront obligés de négocier d’ici le printemps prochain un compromis (même si l’on ignore ce que peuvent faire les USA dans ce contexte, ou d’éventuels alliés de la Russie d’un autre côté).

La question est donc de savoir si ces inconnues seront levées d’un côté ou de l’autre et quand, et sinon, sur quels compromis les deux adversaires pourraient s’entendre.

Il est clair que, pour la Russie, le Donbass est une priorité mais on voit difficilement la Russie renoncer aussi à la continuité territoriale entre le Donbass et la Crimée.

Pour l’Ukraine, renoncer à ces territoires serait reconnaître une défaite. Et les USA aussi ne peuvent se permettre une nouvelle défaite à l’heure où la guerre engagée est de fait une guerre mondiale menée par la Russie pour la dédollarisation des rapports commerciaux internationaux.
Pour les USA, le dollar est devenu une monnaie virtuelle basée sur une croyance (..."in God we trust"... !), car elle n’est plus basée sur une réalité productive.

Donc tout affaiblissement visible du dollar serait le signal que les USA ne sont plus qu’une puissance en voie d’affaiblissement accéléré, ce qu’ils ne peuvent se permettre, à moins d’imaginer un changement radical aux USA avec l’acceptation du principe d’un monde multipolaire à la place du monde unipolaire rêvé en 1991, et dans lequel de nouveaux États Unis pourraient participer selon une logique "gagnant-gagnant", à la chinoise, bref une révolution.
Mais la bourgeoisie affairiste, financière et militaro-industrielle de cette hyper puissance en crise existentielle ne pourra jamais accepter cela si des forces puissantes ne naissent pas pour renverser la situation actuelle bloquée.

Mais la réalité peut forcer les choses.

...Beaucoup dépend donc au final de la situation économique et sociale (de l’Ukraine voire de l’Europe), c’est à dire de la fatigue de la société ukrainienne (et des sociétés européennes) touchée par la guerre, la baisse drastique en cours de son niveau de vie (y compris celui des gros capitalistes oligarques ukrainiens) et, cet hiver, le pays sera touché par des pénuries de toutes sortes.

C’est alors que le moment de vérité apparaîtra, à partir de quoi il y aura soit effondrement (économique, et peut-être militaire ?) de l’Ukraine, soit maintien d’un équilibre minimum qui poussera les deux protagonistes à devoir se replier sur une forme ou une autre de compromis.

Le problème est fondamentalement partout pareil dans le monde, l’état de la démographie, le manque de jeunes donc, car dans tous les pays du monde la natalité baisse, y compris dans ceux du tiers monde qui avaient jusqu’à récemment une forte natalité, d’où le vieillissement des populations et le manque de jeunes (sauf Afrique subsaharienne et sous-continent indien, les deux seules régions du monde à avoir toujours une forte natalité).

Le deuxième goulet d’étranglement est le manque grandissant de ressources énergétiques. La Russie a dans ce contexte plusieurs atouts, mais elle a aussi des problèmes démographiques, et même sur le plan des richesses naturelles même si elle est dans une meilleure situation que les autres pays développés, à terme elle sera touchée pas la baisse du nombre de ses matières premières, énergie incluse.
Elle a seulement plus de temps que la plupart des pays développés. L’Ukraine a le même problème démographique que la Russie, mais beaucoup moins de ressources, mais elle a été en état de mobiliser ses conscrits ce que la Russie n’a pas osé faire.

Quoiqu’on pense des raisons profondes de cette guerre, l’atout de Kiev a été de pouvoir se présenter, y compris à une grande partie de sa population comme l’agressée, ce qui renforce sa "politique de communication", alors que, même en Russie où la population soutient grosso modo le choix fait au Kremlin, il n’y a pas de sentiments de menace sur l’existence de l’État.
Donc difficulté à mobiliser l’opinion ...ce qui d’ailleurs pourrait représenter un danger pour les capitalistes oligarques russes qui savent qu’ils sont détestés, alors toute mobilisation nationale serait populaire et à terme menacerait le système économique et social capitaliste fondé en 1991/93.

Quelques questions pour l’avenir proche :

Est-ce que les conscrits ukrainiens se révolteront si la situation sociale et militaire dégénère et qu’ils prennent conscience que leurs dirigeants n’ont pas eu le soucis de leurs vies et de celles de leurs compagnons d’infortune morts (d’où la nécessité pour la propagande ukrainienne d’avoir des massacres et des charniers "commis par les Russes" ! ...Ce qui permet de douter de leur réalité, les Russes n’ayant évidemment aucun intérêt à cela) ?

Est-ce que les Russes de leurs côtés sont prêts à une plus grande mobilisation populaire si le sentiment de menace augmente ?

Est-ce que d’autres pays sont prêts à s’engager dans le conflit, plus ou moins directement, d’un côté comme de l’autre ?

...Si on regarde toute la planète, 85% de l’humanité habite des pays qui n’ont pas condamné la Russie et dont l’opinion est plutôt pro-russe mais qui semblent peu tentés par s’engager activement aux côtés de la Russie.

Pour les USA et leurs supplétifs, tant que le dollar se maintient, ils pourront recruter dans le monde entier des mercenaires pour les payer et éventuellement leur promettre une "green card" ...tant que le mythe de "l’American dream" se maintiendra. ...

C’est dans ce contexte que les Russes auraient intérêt à se lancer dans une campagne de propagande au moins aux USA mais aussi en Europe, ce qu’ils ont totalement négligé jusqu’à maintenant.

Bref, une situation pleine de contradictions des deux côtés. Les limites des systèmes politiques et sociaux des protagonistes apparaissent crument, mais l’attentisme domine presque partout.
Et pourtant le sort du monde en dépend.

   

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