Francis Arzalier">

Association Nationale des Communistes

Forum Communiste pour favoriser le débat...

Accueil |  Qui sommes-nous ? |  Rubriques |  Thèmes |  Cercle Manouchian : Université populaire |  Films |  Adhésion

Accueil > International > AMÉRIQUE « LATINE », AVANCÉES ET RECULS

AMÉRIQUE « LATINE », AVANCÉES ET RECULS

mardi 1er novembre 2022 par Francis Arzalier

Tous les peuples de la Terre, quelles que soient leurs différences, de contexte géographique ou de couleur de peau, sont porteurs d’idéologies contradictoires, de traditions démocratiques et progressistes qui explosent parfois en révolutions, et au contraire d’héritages mentaux conservateurs, ou réactionnaires, portés par les privilégiés, mais imprégnant l’opinion bien au delà des classes dominantes. C’est cette contradiction qui détermine leur histoire, en une succession constante d’avancées politiques et sociales et de retours en arrière brutaux, répressions, coups d’états, dictatures et reculs sociaux et politiques.

C’est aussi le cas des peuples d’Amérique, anglophones et francophones au nord, et « latinos » au Centre et au sud, du Mexique à la Terre de Feu. Avec entre eux des similitudes, un passé colonial commun, et une grande différence : les « Gringos » des USA au nord ont développé dès le 19éme siècle l’impérialisme le plus virulent du globe, au détriment d’abord de ses voisins Latinos : l’annexion du tiers du Mexique avant 1900 n’étant que le prélude de leur volonté impériale dès le début du 20éme siècle. La proclamation « l’Amérique aux Américains » du Président Monroe préfigurait 120 ans d’interventionnisme brutal, militaire, économique et même culturel.

À preuve, cette absurdité linguistique que les dirigeants impérialistes des USA ont réussi à faire croire au reste du monde : encore aujourd’hui, la majorité des Français nomment « Américains » les seuls citoyens des États Unis d’Amérique du Nord, comme si les peuples Caraïbes ou Latinos n’étaient que leurs subalternes inexistants, alors qu’ils sont en réalité bien plus nombreux et très divers.

La réalité historique est toute différente, structurée dans chaque pays par l’opposition constante entre idéologies conservatrices et révolutionnaires :

  • Aux USA, les courants conservateurs-réactionnaires, nourris de racisme colonial et de mépris impérialiste, se sont imposés deux siècles durant au reste du monde en prenant souvent le visage d’un messianisme d’inspiration religieuse. Face à lui, au cœur même de l’empire, des citoyens états-uniens d’autant plus courageux qu’ils sont minoritaires, défendent sans céder au consensus et à la répression leurs convictions anticapitalistes et anti-impérialistes, comme l’historien marxiste Howard Zinn et le linguiste Noam Chomsky.
  • En Amérique dite Latine et caraïbe, les courants conservateurs et autoritaires se sont souvent appuyés sur l’Impérialisme états-unien, collaborant avec lui dans l’exploitation des ressources naturelles ( cultures tropicales, minerais et pétrole ) et les répressions ( putschs militaires, débouchant sur des dictatures féroces ). Et, face à eux, des mouvances de luttes de classe et de revendications nationales, qui ont régulièrement accouché d’épisodes révolutionnaires ( de la Révolution mexicaine de 1911 à 1919 au Socialisme cubain dès la décennie 1960, jusqu’au pouvoir de Chavez au Venezuela ( 1999-2013 ).

En fait, depuis un siècle, les pays disparates du sous-continent latino et caraïbe n’ont cessé d’être agités de turbulences, expression du conflit entre les deux idéologies opposées qui partagent ses opinions, avec des flux révolutionnaires ou réformistes succédant à des reflux conservateurs ou répressifs : ainsi, après la floraison de dictatures militaires des décennies 1970-80 (Brésil, Chili, Argentine, etc ), une « vague de Gauche »les a parcourus à la charnière des deux siècles 20 et 21, mêlant les insurrections armées et les basculements électoraux ( Nicaragua « Sandiniste »de 1980-90, gouvernement « bolivarien »de Chavez au Venezuela de 2003 à 2011, élection de Lula au Brésil de 2000 à 2011, etc ).

Ces épisodes de « socialisme lyrique », qui ont pu paraître irréversibles un temps, se sont parfois dilués parce que souvent limités à un réformisme clientéliste de redistribution des rentes pétrolières ou minières, trop souvent ponctuée de corruption et de carriérisme politicien sapant leur base populaire. D’où la vague réactionnaire suivante à partir de 2015, qui voit l’accession au pouvoir par les urnes du Président d’extrême-droite Bolsonaro au Brésil, l’échec de la Gauche en Bolivie, les difficultés multiples ( pénuries, émigration ) au Venezuela, au Nicaragua, etc.
En fait, le seul régime socialiste qui a tenu contre vents et marées depuis 60 ans est à Cuba. Il l’a fait parce qu’il était structuré par un Parti Communiste, garant d’une organisation et d’analyses marxistes et anti-impérialistes solides, alors que les socialismes « bolivariens » hétérodoxes ont révélé leur fragilité.

La dernière période montre toutefois un retour du balancier en faveur des courants idéologiques révolutionnaires ou réformistes, dans de nombreux pays du sous-continent. On l’a constaté il y a quelques mois lors des élections présidentielles au Pérou et au Honduras, qui ont vu l’élection d’un militant et d’une militante de Gauche, clairement opposés à l’impérialisme états-unien. Ce rebond des courants de Gauche a été plus spectaculaire encore avec la cuisante défaite de la Droite en Colombie, qui servit longtemps de leader aux provocations organisées depuis Washington contre le Venezuela bolivarien. Les mouvances idéologiques « de Gauche, »déjà au pouvoir officiellement à Cuba et au Mexique, ont aussi montré leurs progrès dans les plus grands États du Sud du continent, Chili, et surtout Brésil et ses 217 millions d’habitants ( seuls les USA le dépassent en Amérique avec 340 ).

Le plus évident de cette inflexion est la défaite le 31 octobre 2022 du Président d’extrême-droite Bolsonaro, et la réélection de Lula, ex-président du Parti des Travailleurs, chassé du pouvoir pour corruption supposée.et emprisonné encore il y a quelques mois à peine.
Un événement qu’on ne saurait sous-estimer, mais qu’il ne faut pas surestimer non plus, car toutes ces inflexions sont fragiles
Au Brésil, la différence de voix est faible, moins de 2/100, et surtout, les élections législatives et municipales qui ont eu lieu en même temps ont plutôt donné une majorité relative aux partisans de Bolsonaro ! Ne nous laissons pas gagner par l’euphorie des électeurs de Gauche : L’avenir du nouveau mandat de Lula est incertain, car il reposera sur une coalition hétéroclite de politiciens dont certains sont loin du progressisme anti-impérialiste.
Même chose au Pérou, au Honduras, où les nouveaux Présidents sont loin de contrôler tous les rouages de pouvoir d’État, l’administration, les forces de répression, et plus encore les leviers de l’économie et des médias.
Ce qui risque de diluer certaines expériences de Gauche sud-américaines dans un réformisme verbeux, mais désespérant pour les classes populaires, d’autant que les prix élevés des matières premières qui permettaient une redistribution généreuse il y a dix ans ont brutalement chuté.

Autre enseignement que nous devons tous tirer des expériences de Gauche sud-américaines, celui apporté par l’histoire récente du Chili, analysée par Renaud Lambert dans le Monde Diplomatique (« Au Chili, la Gauche déçue par le peuple », MD octobre 2022 ). À l’issue de multiples luttes populaires, une large concertation nationale des citoyens avait abouti à un projet de nouvelle Constitution très progressiste, proclamant la reconnaissance des populations indigènes et des procédures de démocratie directe en rupture avec l’héritage néo-libéral de la dictature Pinochet. Sauf que le référendum du 5 septembre 2022, qui devait entériner ce projet, l’a au contraire rejeté massivement par 62 pour 100 des votants ! La raison de cet échec cinglant est exprimé avec clarté par l’article du Monde Diplomatique :
« Lorsque les médias sont aussi concentrés qu’au Chili, organiser un référendum sans réformer le secteur revient à élever les patrons de presse » (et les maîtres de l’économie en général ) « au rang de grands électeurs ».
Marx et Lénine l’auraient expliqué sous la forme suivante, toujours vraie en 2022 comme autrefois :
Aucune transformation démocratique durable n’est possible, si l’on n’a brisé auparavant les pouvoirs de nuisance et manipulation de l’État de la Bourgeoisie, et ses divers leviers médiatiques, administratifs, militaires , répressifs, etc. [1]
Toute volonté révolutionnaire n’aboutit qu’en ne l’oubliant pas, et cela ne concerne pas que l’espace américain.

Francis ARZALIER, ANC, 1/11/2022


[1Voir notre brochure Prendre le pouvoir ou gagner les élections NDLR

   

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?