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Sénégal : Pape Alé Niang ou le symptôme d’un climat politique sous tension
samedi 17 décembre 2022 par Jean Penichon
Détenu depuis plus d’un mois, le journaliste d’investigation et directeur du site Dakar Matin, Pape Alé Niang, a été libéré provisoirement ce mercredi 15 octobre par la justice sénégalaise alors qu’il entamait son 15e jour de grève de la faim. Cette libération sonne comme une détente dans un climat politique de plus en plus tendu.
L’arrestation de Pape Alé Niang et sa grève de la faim illustrent le bras de fer entre le pouvoir et une partie de la presse, de la société civile et de l’opposition, tandis que les spéculations vont bon train sur une éventuelle troisième candidature du président Macky Sall lors dela présidentielle de février 2024.
D’une part, les percées de l’opposition lors des élections municipales de janvier dernier et lors des législatives de juillet ont bouleversé la majorité, hégémonique depuis une décennie. La coalition Yewwi/Wallu Askan Wi a remporté les principales villes du Sénégal, à l’exception de Saint-Louis, et empêché la coalition gouvernementale Benno Bokk Yaakaar de disposer d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale (82 députés BBY contre 80 Yewwi/Wallu, la majorité absolue étant à 83).
Une première dans l’histoire parlementaire sénégalaise.
D’autre part, à cela s’ajoute l’instruction très médiatisée de l’affaire Ousmane Sonko et Adji Sarr, dans laquelle le premier, leader des Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF-Les Patriotes), est accusé de viol par la seconde, une masseuse du salon Sweet Beauty.
Sa condamnation pourrait entraîner sa disqualification lors de la présidentielle de 2024.
Arrestations en série
Disposant d’une large audience sur les réseaux sociaux, Pape Alé Niang avait divulgué un rapport interne de la gendarmerie sénégalaise qui dénonçait des vices de procédure dans l’instruction contre le leader du Pastef. Le limogeage du général Jean-Baptiste Tine, Haut-commandant de la gendarmerie nationale à l’origine de ce rapport interne, et la radiation du capitaine Seydina Touré, l’agent de la section de recherches qui avait auditionné Adji Sarr en février 2021, avait renforcé les soupçons d’une conspiration de l’État
Ces derniers mois ont de plus été marqués par l’arrestation de plusieurs cadres de l’opposition et de web-activistes critiques du pouvoir. Au mois de novembre, deux gendarmes, l’adjudant-chef Fulbert Sambou et le sergent Didier Badji, ont disparu dans des circonstances très douteuses : le corps de l’adjudant-chef, un agent des renseignements militaires, a été repêché en mer et inhumé sans autopsie. À Dakar, les soupçons de disparition forcée contre ces deux gendarmes sont alimentés par l’opposition, qui la lie à l’affaire Ousmane Sonko-Adji Sarr.
L’arrestation de Pape Alé Niang s’inscrit dans ce bras de fer entre le pouvoir et l’opposition et dans lequel l’intégrité des services judiciaires et de défense sont remis en question.
