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Constat de faillite

mercredi 4 avril 2018 par Francis Arzalier

Une fois n’est pas coutume, Le Monde a publié le 29 mars sur trois quarts de page un entretien avec un maire de banlieue démissionnaire, une virulente diatribe, lucide et cruelle, contre les conséquences délétères du "libéralisme" infligé aux banlieues pauvres de l’Est parisien par les gouvernements de Macron et de ses prédécesseurs à la Présidence. Certains passages méritent d’être cités pour leur pertinence :

"On continue à faire de la banlieue un monde parallèle, structure comme une société précaire qui ne s’en sort que grâce à la solidarité, à la débrouille, à la démerde....

En novembre 2012, j’ai mené une grève de la faim pour obtenir...de meilleures dotations pour les villes pauvres...Aujourd’hui, ces villes sont tenues à la gorge, et on nous traite comme si nous étions aussi riches que Puteaux. La loi de finances 2018 nous impose de ne pas augmenter nos budgets de fonctionnement de plus de 1,2 pour cent : si le gouvernement ne revient pas sur cette mesure, on est morts...

Quand je suis arrivé (maire) en 2001, j’avais 113 effectifs de police. Aujourd’hui, j’en ai 80, et après 23 h, pour Aulnay et Sevran, deux plaques tournantes de LA drogue, une seule voiture de la BAC. Lorsqu’en 2011, j’ai appelé de mes Vœux l’intervention de "forces d’interposition", j’avais enterré huit personnes en un an et demi à cause du trafic. Au début, cette opération a porté ses fruits. Le volume des ventes de drogue à Sevran est divisé par trois, mais le trafic s’est déplacé. Les mafias venues de l’Est, comme du Kosovo, ont pris la main. De plus en plus de jeunes-et de plus en plus jeunes-trafiquent à petit prix, embauchent à la journée ou à la semaine, venant parfois de loin...LES BANLIEUES SONT VICTIMES (ET ACTRICES) D’UNE POUSSÉE LIBÉRALE. PAS PARCE QU’ELLES LE VEULENT, MAIS PARCE QU’ON LES A ABANDONNÉES.

Du coup, les solidarités sur lesquelles s’appuient pour s’en sortir se communautarisent de plus en plus. Les quartiers se replient chaque jour davantage sur leur communauté ethnique et locale et donc religieuse. Aujourd’hui, dans ma ville, tous les lieux de culte sont pleins : les mosquées, mais aussi les églises, et pas seulement évangéliques, les lieux de culte hindouistes, bouddhistes, mais aussi les sectes.

Ce n’était pas le cas il y a dix-sept ans.
Le religieux redonne un sens à l’absence de règles et à la précarité, et s’accompagne pour certains d’un fort conservatisme, sur la place des femmes, le rôle de la famille...

Je suis maire de banlieue depuis Jacques Chirac, j’ai l’habitude des conflits. Avec tous les Ministres de la Ville, la situation était tendue. Je me suis tapé la gueule avec chacun d’eux, comme avec Fadela Amara, mais au moins, ils faisaient de la politique. Avec ce gouvernement, c’est autre chose...Le nouveau monde de Macron, c’est le post-politique, des Ministres sans expérience. Mezard (Ministre de Macron en visite dans l’Est parisien) semblait plus intéressé par son chien (qui l’accompagnait) que par ce que disaient les maires de banlieue devant lui...Le terrain, il ne sait pas ce que c’est.

L’appareil se bureaucratise...En Marche ! me fait penser à Russie Unie : les responsables sont nommés pour trois ans. En banlieue, les permanences des nouveaux élus sont vides. En Marche ! n’est qu’une écurie pour la prochaine présidentielle...."

Mais qui diable est ce farouche opposant qui dénonce brutalement l’abandon entre les mains du libéralisme sauvage (pour ne pas dire du Capitalisme) les banlieues pauvres où vivent 5,5 millions d’habitants ?

Certainement l’un de ces opposants systématiques, rétifs par préjugés politiciens à la révolution moderniste « macronienne », voire l’un de ces marxistes ringards qui refusent les "Lois du Marché".

Eh bien, détrompez-vous. Ce brûlot anticapitaliste est signé Stéphane Gatignon, maire durant dix-sept ans de Sevran, qui dit lui-même "avoir grandi dans le communisme" : il fut en effet le fils de Claude Gatignon, militant durant toute sa vie du PCF et maire-adjoint de la ville ouvrière d’Argenteuil. À l’issue d’études universitaires d’histoire, qui n’offrent guère comme issue qu’une carrière d’enseignant, il choisit celle plus visible d’élu local : une "profession" qui, pour être durable, exige de savoir changer avec l’évolution de l’opinion d’affiliation : comme le résume le journaliste interviewer du Monde, "Stéphane Gatignon a été successivement communiste-refondateur (à la Droite du PCF), Écologiste, et enfin soutien d’Emmanuel Macron pour la présidentielle de 2017."

Il ajoute lui-même d’ailleurs en conclusion : " j’ai soutenu Macron, Je le soutiens encore..."

Curieusement contradictoire, en conclurons certains, peu attentifs à cette logique du politicien professionnel, dans laquelle l’idéologie compte moins que le désir d’être réélu.

Dans cette optique, les apostasies successives permettent de perpétuer sa carrière, le fin connaisseur que fut autrefois Edgar Faure le disait déjà. Et la même logique veut que l’interviewé ne réagisse pas à la question mal avisée du journaliste : " Votre démission est-elle liée au refus d’en Marche ! de vous investir dans la deuxième circonscription de Seine Saint Denis ?", ce qui est déjà en soi une réponse. Qui pourrait alors s’étonner de voir les électeurs les plus pauvres des banlieues françaises fuir des urnes devenues pour eux le champ clos de compétitions entre carriérismes concurrents, ou pire se laisser tenter par la xénophobie du Lepenisme ?

Pourquoi Macron aurait-il besoin de ces professionnels du reniement, qui furent successivement de plusieurs écuries, mais toujours " du côté du manche" comme dit l’autre ?

   

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