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Brésil : Les fascistes prennent d’assaut les bâtiments du gouvernement brésilien deux ans après la tentative de coup d’État au Capitole américain

mardi 10 janvier 2023 par Tomas Castanheira

Pourquoi Lula a t-il voulu être élu président ? Son gouvernement regorge de ministres d’extrême droite. Pourquoi ? Face au capitalisme on ne peut pas ménager la chèvre et le choux. Même si l’élection de Lula est une bonne chose, la gauche n’est pas assez forte au Brésil pour s’imposer. Les brésiliens ne sont pas sortis de l’auberge capitaliste et autoritaire. Espérons que le peuple saura soutenir celui qui peut représenter un espoir pour eux. (JP-ANC)

Des milliers de partisans de l’ancien président fascisant du Brésil Jair Bolsonaro ont envahi et occupé pendant plus de trois heures le siège des trois branches du gouvernement à Brasilia, la capitale du pays, dimanche. Les manifestants ont exigé un coup d’État militaire pour destituer et emprisonner le président récemment investi Luiz Inácio Lula da Silva du Parti des travailleurs (PT).

Cet événement marque une nouvelle étape dans la crise politique explosive au Brésil et dans toute l’Amérique latine. Que l’attaque ait lieu seulement une semaine après l’entrée en fonction de Lula, ceci est une vérification éclatante des phrases d’ouverture de la déclaration de Nouvel An du World Socialist Web Site :

« La célébration du début de la nouvelle année sera brève. L’année passée fait partie de l’histoire, mais ses crises persistent et vont s’intensifier. »

L’invasion du 8 janvier à Brasilia est la dernière retombée de la conspiration de Bolsonaro et de ses alliés fascistes contre la démocratie au Brésil. Avec son Parti libéral (PL), l’ancien président fascisant a refusé de reconnaître la victoire de Lula et a fomenté un mouvement violent pour contester les élections.

L’action de dimanche a été directement inspirée par, et, à bien des égards, était une tentative d’imiter, l’invasion du Capitole américain à Washington DC le 6 janvier 2021, par les partisans de Donald Trump.
Bolsonaro a ouvertement utilisé la tentative de coup d’État fasciste aux États-Unis comme modèle politique.

Alors que son fils Eduardo avait été invité à regarder les événements en direct à Washington, le président de l’époque, Bolsonaro, annonça en janvier 2021 son intention de réaliser sa propre version du coup d’État électoral de Trump. Il déclara que le Brésil aurait « des problèmes pires qu’aux États-Unis » lors de ses élections.

Tout comme à Washington il y a deux ans, la prise d’assaut des sièges du pouvoir gouvernemental par les partisans fascistes de Bolsonaro a eu l’assentiment décisif de la police, de l’armée et de certaines couches de l’État.( Photo : La police reste à l’écart alors que les fascistes envahissent les bâtiments du gouvernement brésilien [Photo : Marcelo Camargo/Agência Brasil ])

La veille, le quotidien O Estado de São Paulo avait déjà rapporté que des informations du renseignement gouvernemental indiquaient que 100 bus transportant 3900 personnes se dirigeaient vers Brasilia pour une manifestation dimanche contre le gouvernement élu de Lula. Selon le même journal, l’action était annoncée sur les réseaux sociaux pro-Bolsonaro depuis le 3 janvier.

Les horaires des bus transportant les manifestants de différentes parties du pays vers la capitale ont été annoncés publiquement avec des slogans tels que : « prenez le contrôle de Brasilia » ; « occuper l’exécutif, le Congrès et le STF » ; « Plan B : tous au Congrès ! »
L’une des vidéos publicitaires appelait à un « mouvement de désobéissance civile généralisé » les 7 et 8 janvier pour « encercler le palais [présidentiel], ne laisser entrer aucun sénateur, ministre, juge » et déclarer un « gouvernement provisoire » qui devait plus tard obtenir le soutien de l’armée.

Ces personnes, transportées en bus d’autres régions du pays, ont rejoint un petit groupe de fantassins fascistes campant devant le quartier général de l’armée à Brasilia depuis novembre. Ce campement, encouragé par les dirigeants de l’administration Bolsonaro, a servi de centre logistique pour les actions systématiques visant à renverser les résultats des élections.
Parmi celles-ci figurait un complot terroriste d’attentat à la bombe raté à l’aéroport de Brasilia le 24 décembre.

Bien qu’elles aient eu connaissance des préparatifs du 8 janvier et aient observé pendant des mois les actions des fascistes qui l’organisaient, les forces de police de Brasilia ont délibérément laissé ces derniers exécuter leur plan.

Vers 14h, les manifestants ont marché du campement du quartier général de l’armée vers la Praça dos Três Podères (Place des Trois Pouvoirs). Avant 15h, ils étaient déjà à l’intérieur du Congrès et ont rapidement investi le Palais présidentiel et la Cour suprême.

Les reporters de l’Estado de São Paulo présents à l’événement ont déclaré :

  • « Plus de trois heures après le début de l’invasion, les radicaux arrivaient encore pour renforcer leurs actes terroristes. Ils passaient devant des groupes de policiers, qui restaient complaisamment l’arme au pied sans empêcher l’accès des envahisseurs. »

L’attitude des policiers n’était pas seulement une complaisance, mais plutôt une admiration déclarée. Des officiers de la police militaire ont été enregistrés en train de bavarder amicalement et de prendre des selfies avec les manifestants fascistes alors qu’ils prenaient d’assaut les bâtiments de l’État.

Avec les prétendues tentatives infructueuses de la police brésilienne – reconnue internationalement comme l’une des forces répressives les plus violentes et les plus meurtrières au monde – pour contenir la manifestation, la foule fasciste a eu suffisamment de temps et d’espace pour envahir et détruire l’intérieur des bâtiments. Après avoir repris le contrôle de leur quartier général, des responsables du gouvernement Lula ont rapporté que les manifestants avaient volé des armes et des munitions au Bureau de la sécurité institutionnelle (GSI).

Bolsonaro, qui est à Miami depuis fin décembre, ayant refusé de participer à l’investiture de Lula, est intervenu sur Twitter pour se distancier publiquement de ce qui s’est passé à Brasilia. Il a écrit que « les déprédations et les invasions de bâtiments publics telles qu’elles se sont produites aujourd’hui, ainsi que celles pratiquées par la gauche en 2013 et 2017 [en référence aux protestations populaires avec des revendications sociales], vont au-delà de la règle ».

La tentative de Bolsonaro de se dissocier des actions qui ont eu lieu à Brasilia imite l’attitude de Trump le 6 janvier 2021. Ce dernier acte est indissociable de tout le complot visant à renverser les élections qu’il a personnellement préparé et dirigé. Et, bien que son implication directe dans les événements de dimanche reste à prouver, il n’y a aucune circonstance qui laisse croire qu’il n’était pas au courant de ce qui allait se passer, réservant ses critiques seulement pour la suite des événements.

Malgré la reconnaissance des événements comme une menace réelle, la réaction de l’administration du PT révèle à la fois l’impuissance et le rôle réactionnaire joué par cette instance politique de la classe dirigeante brésilienne.

En fin d’après-midi, Lula s’est prononcé pour condamner l’attaque et décréter une intervention fédérale dans le District fédéral (DF) qui retire les forces de sécurité des mains du gouverneur de l’État Ibaneis Rocha, du Mouvement démocratique brésilien (MDB), et les met sous le contrôle direct du gouvernement fédéral.

Lula a décrit ceux qui ont perpétré l’attaque comme des « fascistes fanatiques » qui « ont fait ce qui n’a jamais été fait dans l’histoire de ce pays ». Il a dit que « ce génocidaire [Bolsonaro]… non seulement a encouragé cela, mais, qui sait, l’encourage toujours à travers les réseaux sociaux […] depuis Miami, où il est allé se reposer. En fait, où il s’est enfui pour ne pas me remettre l’écharpe présidentielle ».

Alors que Lula déclarait l’intervention fédérale à Brasilia, il a publiquement reconnu que, dimanche et dans d’autres épisodes récents, les responsables de la « sécurité publique du District fédéral » avaient agi avec « mauvaise volonté ou mauvaise foi ». Parlant du secrétaire à la Sécurité du district fédéral Anderson Torres, Lula a déclaré que « sa réputation de connivence avec les manifestations » est « connue de tous ».

Par l’intermédiaire de son représentant légal, le bureau du procureur général, le gouvernement de Lula a exigé que la Cour suprême fédérale (STF) arrête immédiatement Torres et toutes les personnes impliquées dans les actions de dimanche. Comme Bolsonaro, Torres est aux États-Unis.
Tard dans la soirée, la STF a décrété la destitution de 90 jours du gouverneur Ibaneis.

Alors que Lula prétend que son gouvernement a pris ces mesures « pour garantir une fois pour toutes que cela ne se reproduise plus jamais au Brésil », ces mesures resteront un coup d’épée dans l’eau.

Une section critique des forces responsables des attentats fascistes du 8 janvier et des mois précédents au Brésil reste à des postes importants dans l’appareil d’État et même dans l’état-major de Lula. En particulier, la responsabilité du ministre de la Défense de Lula, José Múcio Monteiro, est flagrante.

Il y a moins d’une semaine, Múcio s’est publiquement opposé à toute répression du mouvement fasciste qui devait organiser ensuite l’invasion des bâtiments abritant les trois branches du gouvernement brésilien et a déclaré sa sympathie aux participants. « Ces manifestations dans le campement, et je le dis avec beaucoup d’autorité parce que j’y ai de la famille et des amis, sont des manifestations de démocratie », avait-il déclaré.

Dimanche même, Múcio s’est rendu au campement devant le quartier général de l’armée, apparemment pour l’inspecter et « connaitre les sentiments » des manifestants. Poder360 a rapporté avoir parlé avec le ministre à 14h27, quelques minutes avant que le Congrès ne soit pris d’assaut, le citant comme disant que la manifestation était « pour l’instant, calme ».

Le membre du Congrès du PT, Washington Quaquá, a souligné qu’en plus de Múcio, le ministre de la Justice Flávio Dino, du Parti socialiste brésilien (PSB), était directement responsable de ce qui s’était passé. Il a déclaré à Metrópoles : « Dino et Múcioont été avertis il y a quelques jours de cette invasion. Cela n’aurait jamais pu arriver. Dino et Múcio n’étaient pas en fonction. »

Le choix par le PT de Múcio et d’autres personnalités de droite occupant des postes clés dans son gouvernement n’était pas le résultat d’une erreur décisionnelle. Ils ont été choisis précisément pour faciliter un accommodement du nouveau gouvernement avec les forces fascisantes croissantes parmi l’armée et l’État.

Les efforts du PT et de ses partisans de la pseudo-gauche du Parti du socialisme et de la liberté (PSOL) pour créer des illusions sur les penchants prétendument démocratiques de la bourgeoisie brésilienne corrompue et de son État – qui ne peuvent qu’engendrer la réaction politique – les rendent directement responsables du développement d’un mouvement fasciste au Brésil.

(Article paru en anglais le 9 janvier 2023)


Voir en ligne : https://www.wsws.org/fr/articles/20...


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