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Stratégie révolutionnaire et médias

jeudi 26 janvier 2023 par Francis Arzalier (ANC)

« Vous ne réalisez pas à quel point il est difficile d’exposer la vérité dans un monde rempli de gens qui ne sont pas conscients de vivre dans le mensonge. » Edward Snowden.
Tous nos articles doivent tenir compte de ce fait et se mettre au niveau de langage du plus grand nombre de nos concitoyens. Et Francis Arzalier est passé maitre dans ce domaine. (JP-ANC)

La récente Assemblée Générale de l’ANC a précisé les objectifs stratégiques de notre organisation :

1/ contribuer de son mieux à la reconstruction d’un parti Communiste de France, par le chemin laborieux de l’unité entre Communistes dans leur diversité, notamment grâce aux actions pour la paix, et contre l’Impérialisme.

2/ convaincre la majorité des citoyens de la nécessité d’éradiquer le Capitalisme inégalitaire actuel, et de construire une société socialiste, égalitaire, pacifiste, et démocratique.

Tels sont les objectifs d’une organisation communiste que nous voulons révolutionnaire, c’est à dire capable de conduire notre nation aux changements de société.

Mais ces qualités nécessaires de notre organisation ne suffiront pas à rendre inéluctable notre objectif stratégique, une France socialiste. Car, soyons-en sûrs, la bourgeoisie possédante et dirigeante saura utiliser tous les moyens dont elle dispose pour l’empêcher. Et notamment le plus redoutablement efficace aujourd’hui, le formatage des esprits par le rouleau compresseur médiatique, « public » et privé, cet appareil idéologique omniprésent, qui est en 2023 l’appendice essentiel de l’État bourgeois, avant même ses adjuvants répressifs, la police et l’armée.

Il suffit d’observer son rôle au cours (et contre) le récent mouvement revendicatif opposé au projet régressif de Macron vis-à-vis des retraites : la quasi-totalité des télévisions, journaux, « informations », publicités et divertissements inclus, se comportent en plafond de verre au service de l’idéologie capitaliste contre les contestations populaires, sociales et politiques.

On ne saurait trop conseiller aux militants la lecture de l’article de Serge Halimi et Pierre Rimbert dans le Monde Diplomatique de janvier 2023, « Hanouna, la gauche et les médias ». L’analyse est nourrie de faits, rédigée par des journalistes qui ne se réclament pas de l’idéal marxiste ou communiste ; mais ils démontrent sans ambages que les communiquant, et autres « experts » soigneusement choisis, non pour leur culture politique et sociale, mais pour leur alignement, sincère ou rétribué, sur la « pensée unique »libérale, créent un monde-reflet du réel, mais trié en fonction du spectaculaire qui fait de l’audience, de la « petite phrase » qui caricature, de la réduction du débat d’idées en confrontation d’individus « sachant parler, se vêtir, se vendre ».

C’est selon ces critères commerciaux et idéologiques que les grandes entreprises de communication choisissent qui est habilité à donner son avis, quitte à lui couper la parole ou à l’insulter si l’intéressé n’accepte pas son rôle de faire-valoir des affirmations consensuelles. C’est ainsi qu’on est arrivé à ce dilemme monstrueux pour les militants peu ou prou anti-libéraux, être manipulés lors d’une invitation sur un plateau-télé, ou disparaître du paysage politique et idéologique si on refuse les rares invitations des médias. La démonstration implacable de Rimbert et Halimi énumère des faits irréfutables sur cette machine à formater les esprits que sont devenus les grands médias en France (et ailleurs).

Une seule réserve sur ces propos, le titre est réducteur, que lui a infligé la rédaction (« la gauche et les médias »). Car notre « gauche » française d’inspiration libérale qui forme une partie de notre bourgeoisie dirigeante, de nos élites intellectuelles, du Monde à Libération, en passant par les équipes de la V ou Arte, qui ne sont pourtant pas inféodées à la Droite de CNews de Monsieur Bolloré, participent aussi à ces pratiques idéologiques libérales, plus que politiques, notamment sur les sujets internationaux.

Ce constant matraquage idéologique de l’opinion au service de la Vulgate libérale, passe en effet non seulement par le traitement biaisé de l’actualité, de « l’info » quotidienne, mais plus encore peut-être par les messages publicitaires, et les thèmes d’émissions qui se targuent d’un apolitisme total. N’est-il pas révélateur que l’une des plus suivies de la troisième chaîne, « Météo à la carte », ressasse chaque jour l’itinéraire de néo-ruraux qui ont largué leur emploi dans une métropole, pour devenir artisans, cuisiniers de produits locaux, ou fermiers bio ; sous l’égide d’un « écologisme » prétendument apolitique, c’est la réhabilitation de l’idéologie Pétainiste du « retour à la terre, et à ses valeurs ancestrales », une version 2023 de l’idéologie de la « démocratie libérale », de la liberté par le Marché capitaliste européen…

Serions-nous de méchants marxistes au regard déformé par nos obsessions ?
Certains observateurs, qui ne sont certes pas de notre bord, mais que leurs compétences professionnelles ou scientifiques amènent à ne pas hurler avec les loups qui les entourent, rejoignent nos condamnations.
Encore faut-il les entendre, ils ne sont pas admis dans les médias classiques.

C’est ainsi le cas d’Olivier Todd [1], anthropologue de réputation mondiale, « black-listé » par les médias et les éditeurs français à tel point qu’il a publié son dernier ouvrage au Japon ! Et seul Le Figaro, dont il ne partage certes pas les choix politiques, l’a interviewé récemment, ce que ni Le Monde, ni Libération, ni L’Humanité n’ont osé !
Dans son livre sur la guerre actuelle en Ukraine, il ose en effet prendre le contrepied des imbécillités qui meublent les discours de nos médias sur la Russie et Poutine, sur un conflit meurtrier tenu à bout de bras par les USA et leurs alliés européens de l’OTAN, qui sont pourtant économiquement les premiers impactés.

Plus significatif encore du verrouillage idéologique qui nous est dévolu par nos médias européens, porte-voix de l’OTAN en guerre, il faut lire l’interview du général allemand Erich Vlad [2], ex-conseiller militaire de la chancelière Merkel, ferme partisan de l’Occident et de l’OTAN, qui n’est évidemment pas relayée par nos télés, parce qu’il démontre que la seule issue de cette guerre viendra de la négociation entre Washington et Moscou, sur la base d’un compromis territorial au profit des Russophones opprimés par les nationalistes ukrainiens, et que cela ne sera possible qu’après l’arrêt des livraisons d’armes sophistiquées occidentales à leurs milices.
Et il aggrave son cas en disant : « les experts militaires, qui savent ce qui se passe entre les services de renseignement, et ce qui se passe sur le terrain, sont largement exclus du discours. Ils ne correspondent pas à la formation (au formatage ?) de l’opinion par les médias. Nous assistons à une uniformisation des médias comme je n’en avais jamais connu en République fédérale (allemande). C’est de la pure fabrication d’opinion. Et pas sur ordre de l’État, comme dans les régimes totalitaires, mais par pure auto-autorisation. »

Ajoutons pour être exhaustifs que contrairement à une naïveté trop fréquente dans notre pays, les médias dits « réseaux sociaux » ne sont pas un espace protégé de liberté de pensée. À preuve, cette critique féroce par des historiens qualifiés (le « Comité de vigilance des usages publics de l’Histoire ») de vidéos proposées aux scolaires par une chaîne You Tube sous le sigle
« Je révise avec toi » : dans celles proposées sur la colonisation française ou les Croisades, le récit est carrément révisionniste, glorifiant l’Empire Colonial au détriment des faits historiquement avérés, et la Chrétienté médiévale au détriment d’un Islam réduit à la « Guerre Sainte ».

On ne peut donc que constater que dans nos soit-disant « démocraties libérales », les médias sont devenus une puissance idéologique, l’instrument essentiel de la manipulation de l’opinion au service de l’État de la bourgeoisie possédante et dirigeante. En France, elle a été depuis 30 ans l’outil premier de la contre-révolution idéologique libérale, qui a réussi à détruire en partie les idéaux de transformation sociale et de pacifisme, dans une Nation qui était depuis trois siècles l’un des modèles progressistes. Et ce constat n’est pas valable que pour la France et l’Europe, il est général et mondial.

L’histoire récente d’une Amérique « latine » où les luttes populaires contre l’Impérialisme et les bourgeoisies locales ont fleuri, est à ce sujet exemplaire. Partout, elles se sont heurtées aux grands médias, restées aux mains des Libéraux : au Venezuela, depuis plus de 20 ans, où la bourgeoisie s’est révélée incapable de bousculer le pouvoir bolivarien par les armes, les médias le déstabilisent grâce aux pénuries organisées : au Chili, au Pérou, au Brésil, ils suscitent la subversion bourgeoise armée contre le suffrage universel, la Gauche et le peuple paysan et ouvrier.
Car il ne suffit pas de se faire élire par une majorité de citoyens pour avoir le pouvoir, si l’on ne contrôle pas tous les instruments de l’État, police, armée, administration et médias.

Quel programme révolutionnaire ?

Le rôle d’un parti révolutionnaire est d’abord pédagogique, convaincre une majorité de citoyens, ceux qui vivent de leur travail, et non de celui des autres, de la nécessité d’une société nouvelle, socialiste, structurée par le service public.
Mais cette conquête des esprits ne sera pas facile tant que l’emprise idéologique libérale sera garantie par les médias. Et l’élection par la majorité sera fragile pour le moins, si les forces révolutionnaires ne se fixent pas pour premier objectif de briser ce plafond de verre assuré par les médias contre les aspirations populaires.

Toute autre stratégie déboucherait sur l’impuissance.

Encore faut-il préciser les contours de cette rupture nécessaire. Car il ne s’agit pas de s’en prendre à l’outil médiatique lui-même, qui peut devenir un facteur de progrès social, à condition d’être enlevé des mains de la caste qui le contrôle aujourd’hui :

1/ par la nationalisation de toutes les entreprises médiatiques, qui devront devenir des services publics d’information et de culture, contrôlées par des représentants élus d’une opinion plurielle. Il faut en finir avec la toute puissance des Capitalistes de l’information comme Bolloré, mais aussi des délégués médiatiques du Pouvoir d’État.
Et aussi du poids des GAFAM états-uniens sur les réseaux sociaux.

2/ Il faudra aussi briser, n’ayons pas peur des mots, la véritable caste sociale qui contrôle aujourd’hui chaque rédaction, qui choisit selon ses critères commerciaux et idéologiques ceux autorisés à y intervenir, et les conditions dans lesquelles ils seront contraints de le faire, sous peine de ne pas y être invités. Car il s’agit bien aujourd’hui d’une authentique caste sociale, issue généralement de la petite et moyenne bourgeoisie, et formatée idéologiquement aux dogmes libéraux par un circuit scolaire et de formation qui démarre à l’école élémentaire, se poursuit au lycée et à l’université, et plus encore par les « grandes écoles », HEC, ESSEC, Sciences Po, ENA, École Alsacienne, Écoles de Journalisme, etc.
Tout un réseau d’apprentissage des techniques de communication, et de leurs contenus idéologiques. Il serait impensable pour un parti révolutionnaire en France de ne pas programmer la mise à l’écart des chroniqueurs les plus engagés dans le matraquage libéral, dans le discours de Droite ou d’Extrême-Droite, comme Hanouna ou quelques autres tout aussi virulents dans leurs obsessions anti-communistes, bellicistes, et sécuritaires voire racistes.

Ne nous laissons pas, ce faisant, impressionner par les accusations d’attenter à la liberté de la presse. C’est au contraire en permettant à toutes les sensibilités politiques et idéologiques d’accéder au micro et à l’image qu’on pourra enfin assurer la liberté d’expression et le pluralisme.

Il ne manque pas en France de spécialistes internationaux, scientifiques et journalistes chevronnés, qui n’ont pas depuis des années la possibilité de s’exprimer en toute liberté dans les médias.

Ces esquisses ne sont que des propositions à débattre pour les objectifs stratégiques à proposer à notre peuple. Il serait en tout cas absurde, naïf et irresponsable que le programme de notre organisation communiste n’inclue pas une partie sur le devenir démocratique que nous voulons pour les médias, rouage essentiel de notre société, notamment dans le domaine idéologique.

24/01/2023

   

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