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RDC. Le front de la guerre et le front de la paix

mercredi 1er février 2023 par Luciano Vasapollo

La guerre oubliée de nos informations. Depuis 1996 la violence extrême règne en République Démocratique du Congo, la patrie de Patrice Lumumba assassiné à 35 ans en 1961. Lumumba contrecarrait les projets économiques néocolonialiste de la Belgique et des américains en refusant l’indépendance du Katanga, riche province minière. Car la RDC est « un scandale géologique » tant ses ressources minières sont importantes et diverses (Cuivre, cobalt, coltan, or, diamants). Premier producteur mondial de cobalt, une matière première stratégique pour l’industrie automobile, la RDC est également un important acteur pour le cuivre (1° producteur africain) et l’or. Tout est dit : l’occident prédateur veut s’emparer de ces richesses et pour cela comme à son habitude il attise le chaos et son cortège mortel. 6 millions de morts totalement invisibles chez nous. Encore une fois, l’impérialisme occidental est fauteur de guerre. Nous pouvons le stopper en détruisant le capitalisme qui en est la source. (JP-ANC)

La rencontre entre le président de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, avec son homologue rwandais Paul Kagame aurait dû avoir lieu lundi 23 janvier à Doha, sur la facilitation du Qatar.
Annulée au dernier moment par le premier, la rencontre avait été programmée dans le but de rétablir contact et dialogue entre les chefs de deux États divisés par des tensions dangereuses sur lesquelles se profile la menace d’une nouvelle guerre dans la région africaine des Grands Lacs.
Perspective en effet confirmée par le refus de Tshisekedi de se rendre à Doha, et par les déclarations – rapportées au même jour par la presse locale – du général Constant Ndima, gouverneur militaire du Nord-Kivu, province orientale de la RDC frontalière du Rwanda. Qui a déclaré : « Tous les signes de guerre sont visibles, nous devons nous préparer… ».

Attitude belliqueuse

En réalité, depuis novembre 2021, une guerre est déjà en cours dans l’est de la RDC entre le gouvernement de Kinshasa et le mouvement du 23 Mars (M23), qui se bat pour le retour en partie des 75 000 réfugiés congolais dans les pays voisins (Ouganda, Rwanda, Tanzanie, Kenya) et pour la pacification des provinces orientales (Ituri, Nord-Kivu, Sud-Kivu), infestées par la présence de 130 groupes tribaux armés, émanant en grande partie d’hommes politiques locaux et alliés de l’armée, les Forces Armées de la RDC (FARDC).

Depuis quelque temps, les autorités congolaises accusent Kigali, la capitale du Rwanda, de soutenir le M23. Mais ils n’ont jamais été en mesure d’apporter des preuves factuelles face aux dénégations du gouvernement rwandais. D’autant plus que ces accusations ne sont pas prises en considération par les États de la région, qui se sont au contraire engagés – en mettant en place le Processus de Nairobi (Kenya) et le Processus de Luanda (Angola) – à nouer les fils du Dialogue entre l‘M23 et le gouvernement de Kinshasa, et entre ce dernier et le Rwanda.

Ils se heurtant à la volonté contraire de la RDC qui, comme en témoigne le refus de Tshisekedi de se rendre à Doha, maintient une attitude belliqueuse et semble plus encline à une solution militaire à la crise.

Convergences contre nature

Raison pour laquelle et jusqu’à présent, ses autorités ont obstinément rejeté le Dialogue, imposant l’exclusion du M23 de la table des négociations à Nairobi et à Luanda. Dans ce contexte, le jeu des grandes puissances, qui ont avalisé la thèse congolaise de « l’agression rwandaise » dans leur diplomatie, complique les efforts des pays africains à la recherche d’une issue pacifique du conflit.

À la tête du « front de guerre », la France a fait voter le 20 décembre par le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) la résolution 2667 pour faciliter l’achat d’armes par la RDC.
Les États-Unis, la Russie et la Chine ont applaudi. La Turquie, pour sa part, a envoyé des armes, histoire de jeter encore plus d’huile sur le feu.

Étranges convergences entre les nation de l’axe de domination euro-atlantique et ceux de l’aire du Multicentrisme – si l’on considère les alignements formés après le déclenchement de la guerre en Ukraine en février dernier, et certainement dictées par l’appétit pour les immenses réserves de ressources naturelles stratégiques du Congo, dont son gouvernement est le fournisseur…

Ainsi, le soutien militaire à la RDC ne s’est pas limité au vote des 2667 car, deux jours après la session de l’UNCSNU, deux groupes de mercenaires sont arrivés à Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu, frontalière du Rwanda et très proche du théâtre des affrontements avec les M23.

Le premier est composé des militaires de la société privée russe Wagner, qui se sont déjà illustrés au Mali et en Centrafrique pour de graves violations des droits de l’homme, et dont le propriétaire est un homme de confiance du président Poutine.
Le seconde est un contingent de la société Agemira, formé d’anciens militaires de la Légion étrangère française, en partie originaires d’Europe de l’Est. Cette société est dirigée par un homme d’affaires français, Olivier Bazin, dit “Colonel Mario”, personnage sinistre de la Françafrique, déjà distingué par ses œuvres certainement pas caritatives dans d’autres crises du continent (Tchad, Côte d’Ivoire, Congo-Brazzaville).

Dans cette mondialisation de la crise, qui fait pernicieusement basculer le cours des événements sur le tout-militaire – et que certains analystes considèrent comme un sabotage des initiatives de paix de Nairobi et de Luanda, qui insistent plutôt sur le Dialogue -, il ne faut pas oublier la présence des Forces spéciales américaines, présentes depuis quelque temps dans l’Est de la RDC.

Ni, sur le plan intérieur congolais, que les FARDC disposent du soutien d’une série de milices tribales spécialisées dans la traque des civils, notamment rwandphones, censés soutenir l’M23. Parmi ces milices, les plus dangereuses sont les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), héritières des militaires et miliciens responsables du génocide de 1994 au Rwanda et porteuses d’une haineuse propagande raciste contre ces mêmes communautés rwandophones des deux Kivus.

Le rôle des Nations unies

Si les nuages qui s’amoncellent à l’horizon ne sont pas de bon augure, force est de constater que même la Mission de l’ONU en RDC (MONUSCO) joue un rôle discutable. Non seulement ambigu, le soutien qu’elle apporte à cette coalition de FARDC, FDLR, milices tribales et mercenaires d’horizons divers est absolument regrettable quand on considère que toutes ces forces ont systématiquement versé dans les crimes de masse perpétrés contre les populations civiles.

De surcroît et s’agissant de la seule armée régulière (FARDC), l’un des derniers rapports du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme (BCNUDH) dénonce les FARDC comme responsables du 65% des violations des droits de l’homme pour toute l’année 2022 et précise que « dans de nombreuses régions de la RDC, l’armée nationale est considérée par les communautés locales comme le groupe armé le plus dangereux »

Le tout affirmé par l’ONU et paradoxalement en contradiction avec ce que l’ONU elle-même fait en RDC, où elle collabore avec une armée à plusieurs reprises épinglée comme responsable de crimes. Mais les missions (dites…) de maintien de la paix de l’ONU ont toujours été l’apanage de la France et aujourd’hui encore, un officier français, le général Benoît Chavanat, est à la tête de la MONUSCO.
Sur les FARDC, il faut également noter que, selon divers spécialistes, témoignages et autres rapports de l’ONU, un cercle d’officiers d’élite a fabriqué, manipulé et téléguidé d’autres gangs armés qui, en Ituri et au Nord-Kivu, perpètrent depuis une dizaine d’années des massacres de civils.

La solution africaine

Si dans sa composition, le « Front de Guerre » semble bénéficier de rapports de force favorables, il ne faut pas non plus sous-estimer le « Front de Paix », dont l’avantage, sur le plan psychologique et symbolique, réside dans le fait qu’il est entièrement africain.
Les pays de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC, selon un acronyme anglais) et ceux de la Communauté internationale de la région des Grands Lacs (CIRGL), promoteurs du Processus de Nairobi et du Processus de Luanda, représentent un peu moins de la moitié des nations du continent. Et ils ont un atout considérable grâce au comportement du M23, qui s’adapte aux conditions et clauses des deux Processus, et bien qu’exclu des réunions de décisions en raison du refus de Tshisekedi d’ouvrir le Dialogue avec ce mouvement.

Sur le terrain, les choses évoluent de manière positive. Comme établi à Luanda, le M23 a commencé à se retirer des positions occupées après en avoir expulsé les FDLR et les autres groupes tribaux armés, comme récemment à Kibumba et Rumangabo.

L’East African Community Regional Force (EACRF, selon l’acronyme anglais, sous le commandement du général kenyan Jeff Niagah) prend en charge ces positions de manière à en empêcher l’accès aux FARDC et aux autres milices, afin que le processus de paix puisse être finalisé. C’est une dynamique en marche et soumise aux turbulences car, en attendant ses développements positif, la coalition montée par les FARDC continue d’attaquer les positions du M23. Ce dernier se défend, lance la contre-offensive et se charge de prendre d’autres localités qui, purgées de la présence des forces armées violentes, seront ensuite et à leur tour cédées à l’EACRF.

Le principe du Dialogue

Le chemin de la paix s’annonce long et complexe, alors que la diplomatie des pays impliqués dans la “solution africaine” reste active pour faire pression sur la RDC afin qu’elle renonce à l’option guerrière et accepte le principe du Dialogue. Principe postulé il y a quelques semaines également par la voix autoritaire du Saint-Père, bâtisseur de paix et qui vient d’entamer sa visite au Congo.

En soutien à la diplomatie de paix du pape François, les dirigeants de l’EAC déclarent périodiquement leur intention de favoriser une action non militaire. Même face aux protestations des groupes extrémistes manipulés par les FARDC et prêts à se mobiliser pour forcer le départ des troupes de l’EACRF « si elles continuent de refuser d’attaquer le M23 »…

A ce propos, la réponse du secrétaire général de l’EAC, Peter Mathuki a été clair : « Notre intention n’est pas de combattre (le M23, ndlr) et de déclencher une guerre qui impliquerait toute la région, mais de comprendre comment rétablir les conditions de la paix. La crise dans l’est de la RDC doit être résolue par un processus politique et la présence de notre armée est fonctionnelle au renforcement de ce processus », comme le rapporte le périodique indépendant The East African.

Dans ce contexte, la récente rencontre d’Uhuru Kenyatta, ancien président du Kenya et envoyé comme facilitateur du Processus de Nairobi, avec 4 leaders du M23, dont le président Bertrand Bisimwa, est une légitimation de ce mouvement comme acteur dans le cadre du processus de paix et en même temps un message adressé au président Tshisekedi pour accepter enfin le Dialogue avec ce mouvement.

Sur place, près du théâtre des opérations, les événements se succèdent suivant cette perspective. « La priorité est la solution politique qui inclut les Procès de Nairobi et de Luanda, a déclaré le général Nyagah. Parfois, la guerre n’est pas nécessaire pour apporter la paix. Alors, pourquoi certains se focalisent-ils sur le M23, alors que 130 groupes armés opèrent dans l’Est de la RDC ? ».

Entre les deux fronts de la paix et de la guerre, le jeu est serré.
La présence du premier souverain, le peuple congolais, lassé de 30 ans de guerre, pourrait être décisive au sein du premier front pour faire pencher la balance en faveur du Dialogue et tourner une longue et tragique page de l’histoire du Congo et de l’Afrique centrale sur le versant des Grands lacs.

* Publié par Il Faro, le 30/01/2023 : http://placestpierre.fr/rdc-le-front-de-la-guerre-et-celui-de-la-paix-luciano-vasapollo/.

   

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