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Diplomatie : le mythe de l’intelligence artificielle

mardi 10 avril 2018 par Guillaume Berlat pour Proche et Moyen Orient

« L’intelligence artificielle n’a rien de terrifiant » (Werner Vogels, Amazon). Les diplomates ont souvent réfléchi à la meilleure manière de concevoir et d’aborder leur métier. Comment l’exercer dans des conditions optimales ? La question est maintes fois posée. Elle n’a toujours pas trouvé de réponse idoine tant la diplomatie se prête peu ou pas à la modélisation. Faire semblant de l’ignorer conduira à des impasses contraires aux intérêts supérieurs de la France.

Mais, Laurent Fabius avait défriché le terrain grâce à sa conception pluridimensionnelle de la diplomatie. Il ne lui manquait qu’un pas à franchir pour passer à la diplomatie de l’intelligence artificielle, ce qui lui aurait évité quelques monumentales bourdes diplomatiques comme sur le dossier syrien.

Replaçons le débat dans son contexte actuel pour mesurer les contours de ce concept d’intelligence artificielle conjugué avec celui de diplomatie mais aussi et surtout pour être conscient de ses limites intrinsèques. La diplomatie n’est pas une science. Elle est un art qui se prête peu au langage binaire de l’informatique.

Au fil des dernières années, nous sommes insensiblement passés d’une diplomatie de l’artifice sans intelligence à une diplomatie de l’intelligence artificielle pour déboucher aujourd’hui, et peut-être plus encore demain, sur une diplomatie de l’intelligence sans artifice.

LA RÉVOLUTION DIPLOMATIQUE FABUSIENNE : LA DIPLOMATIE DE L’ARTIFICE SANS INTELLIGENCE

Le Quai d’Orsay se remet à peine de l’ouragan Fabius (inconnu des météorologues mais bien connu des diplomates) qui lui impose d’en finir avec le monde d’hier pour entrer de plain-pied dans le monde de demain.

La rupture avec le monde d’hier

De 2012 à 2016, le ministre des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI), Laurent Fabius souhaite secouer cette vieille Dame qu’est le Quai d’Orsay en lui faisant subir une cure de jouvence radicale. Nous sommes à cent lieues du simple ravalement de façade. Au diable, la conception étriquée qu’en ont les praticiens et les universitaires en l’organisant autour de trois principaux axes suivant : information, représentation, négociation.

À l’instar de l’ex-ministre de la Culture, Jack Lang qui considérait que tout était art, Laurent Fabius pense que la diplomatie est dans tout et que tout est diplomatie. De singulière qu’elle était jusqu’à présent, elle se transforme en diplomatie plurielle. Désormais, la diplomatie moderne se décline sous de multiples facettes : économie, commerce, tourisme, francophonie, culture, art, climat, environnement, sport, gastronomie, communication, médiatique, numérique, digitale…

Rien n’échappe à sa volonté réformatrice. D’intelligente qu’elle se voulait être, la diplomatie fabusienne se transforme à son corps défendant en diplomatie de l’artifice. Le ministre privilégie les coups, les bons mots qui font le buzz mais rapidement de grands flops sur la durée tant ils ne reposent sur aucune base conceptuelle solide.

L’entrée dans le monde de demain

Le marquis de Norpois et ses prudences de gazelle (Jean-Luc Mélenchon) sont désormais bannis du langage diplomatique. Les réfractaires à la doctrine du nouveau maître des lieux sont promptement « vidés » avec perte et fracas. Nombreux ont été les victimes de l’ire ministérielle relayée avec morgue par les plus éminents membres de son cabinet. À siècle nouveau, diplomatie nouvelle !

Certains mauvais esprits allant même jusqu’à croire que la nouvelle diplomatie se consacrerait plus à l’accessoire (la communication et les nouvelles techniques d’information et de communication ou NTIC) qu’au principal (la stratégie et la réflexion), plus au faire-savoir qu’au savoir-faire. In fine, le diplomate du XXIe siècle modèle Fabius serait plus communicant qu’intelligent dans un monde marqué au sceau de « l’ensauvagement de la société médiatique ».

Laurent Fabius remplace le bon vieux télégramme diplomatique (inutile et dépassé) par une messagerie cryptée (moderne et réactive). Laurent Fabius dissout sauvagement le pôle documentation de la direction de la communication et de la presse (DCP) qui constituait de précieux outils d’analyse pour les diplomates à travers la documentation ouverte. Pour notre nouveau Talleyrand, on trouve tout sur Google. À quoi bon s’embarrasser de paperasses inutiles.

L’intelligence artificielle fera mieux ce que l’intelligence humaine fait mal. Nous mesurons encore les effets bénéfiques de cette diplomatie de l’artifice, de l’intelligence artificielle avant l’heure sur le dossier syrien dont nous sommes durablement écartés depuis 2011. Il est vrai que l’actuel président du Conseil constitutionnel cumulait un double handicap : une intelligence humaine déclinante et une intelligence artificielle délirante. Le cocktail de ces deux ingrédients a été mortifère pour la diplomatie française. Pourtant, il murmure encore à l’oreille de Jupiter, dit-on !

Les ministres passent, les diplomates restent. L’idée d’une aide à la compréhension du monde par quelques algorithmes et autres fantaisies de ce genre à l’intention des diplomates fait tout de même son petit bonhomme de chemin.

LA RÉVOLUTION DIPLOMATIQUE POST-FABUSIENNE : LA DIPLOMATIE DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Comment rester plus longtemps au bord du chemin en ignorant les bienfaits de l’intelligence artificielle en général et dans le domaine de la guerre en particulier ? La diplomatie ne saurait se priver d’un tel instrument destiné à maximiser son action quotidienne.

La promesse de l’intelligence artificielle

Mais, avant de passer le témoin à Jean-Marc Ayrault, oint de son succès miraculeux à la COP21, Laurent Fabius n’aura pas eu le temps suffisant pour explorer toutes les facettes de l’intelligence artificielle (IA) dans sa déclinaison diplomatique pour faire de la France un pays fort et indépendant alors même que ce concept écrase désormais tous les autres. Pourtant, l’ex-ministre, philosophe, Luc Ferry nous prédit que « l’intelligence artificielle va bouleverser nos vies » alors qu’elle a progressé de manière exponentielle depuis 1964. Et d’ajouter, le plus sérieusement du monde, que « le cerveau humain sera totalement incapable d’embrasser 1000 milliards de data chaque semaine, ce qui rendra l’intelligence artificielle définitivement incontournable ».

Et de conclure, que presque tous les métiers seront impactés. Foin de nostalgie du passé, adoptons sans la moindre réserve l’intelligence artificielle dans tous les secteurs d’activités pour nous faciliter la vie, pour nous rendre plus heureux. L’intelligence artificielle est mise au service du meilleur des mondes et du bonheur éternel. Expert en la matière, Cédric Villani, mathématicien, député LREM (la République en marge) rend en mars 2018 un rapport très attendu sur l’intelligence artificielle. De grands experts réfléchissent déjà à tout ce qu’elle pourrait apporter de positif à l’homme, à l’intelligence humaine pour lui éviter de faire des guerres sales.

L’AFP, s’appuyant sur les propos du GCA J.-F. Ferlet lors d’une rencontre avec l’Association des Journalistes de Défense (AJD), retient que « le renseignement militaire a pour "priorité" de trouver des outils d’intelligence artificielle capables d’exploiter le flux exponentiel de données collectées, sous peine de risquer le "décrochage" ».

Le contrôle de la guerre par l’intelligence artificielle

Quotidiennement, on nous vante les mérites de l’intelligence artificielle. D’autres experts, plus scientifiques encore que les précédents, vont encore plus loin dans l’analyse du phénomène de l’intelligence artificielle Il y aurait deux intelligences artificielles (IA). L’intelligence artificielle faible est limitée : elle effectue ce qu’on lui a appris à faire, dans un domaine déterminé, sous contrôle humain.

L’intelligence artificielle forte, qui n’existe pas à ce jour, serait une intelligence surpuissante dotée d’une conscience d’elle-même au sens humain du terme.

Mais l’intelligence artificielle faible, bien qu’inconsciente, est déjà révolutionnaire. Thierry Berthier et Olivier Kempf, les meilleurs spécialistes français des intelligences artificielles, ont récemment montré comment des intelligences artificielles faibles pourraient, sans savoir qu’elles existent, déclencher une guerre. De la guerre à la paix, il n’y a qu’un pas.

De la paix à la diplomatie, il n’y a que quelques centimètres que nous pouvons franchir. Le diplomate et le militaire pourraient faire les frais de cette nouvelle révolution qui les écarterait du champ de l’analyse et la décision au profit de quelques docteurs Follamour déguisés en ordinateurs ou en téléphones intelligents (« smartphones »).

Où va-t-on ? On nous cache tout, on nous dit comme le chantait Jacques Dutronc au siècle dernier.

Suite de l’article Ici.


Voir en ligne : http://prochetmoyen-orient.ch/diplo...

   

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