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A propos du film « Tirailleurs », quelques rappels historiques sur les soldats coloniaux de 14-18

samedi 4 février 2023 par Alain Ruscio

À la veille du premier conflit mondial, les troupes coloniales sont composées de l’armée coloniale proprement dite, créée par décret en 1900, et de l’armée d’Afrique, ou XIXème Corps d’armée. De 1914 à 1918 bien des « indigènes », venus du Maghreb, d’Afrique subsaharienne, d’Indochine, des vieilles colonies [1] et du reste de l’empire, sont venus souffrir - toujours -, mourir - souvent - et se couvrir de gloire - parfois - en France. Cet épisode a fait l’objet de bien des commentaires, depuis un siècle : de la justification de la « mission civilisatrice » - « Ces braves gens, venus de pays si lointains, seraient-ils venus, ne seraient-ils battus avec tant de courage, seraient-ils morts, si nous avions été des oppresseurs ? » disait, par exemple, le général Gouraud en 1924 [2] - à la thématique de la chair à canon sacrifiée avec cynisme.

Le thème de l’Empire, source inépuisable d’hommes, déjà présent avant 1914, prit des proportions parfois démesurées.

Le moins que l’on puisse dire est que les experts militaires se contredisaient :
« Les douze ou treize millions d’habitants que compte l’Afrique occidentale française (AOF) peuvent certainement nous donner 200 000 soldats en moins d’un an », écrivait le général Mangin dans son rapport du 26 novembre 1916.

Ces déclarations à l’emporte-pièces avaient le don d’irriter d’autres hauts cadres militaires ou civils, beaucoup plus au fait des réalités. Mangin avait de solides adversaires dans la hiérarchie : l’état-major des armées jugeait « dangereux » de faire croire « comme le font certains », que « les ressources en hommes de notre Empire colonial sont inépuisables » [3].

Le Gouverneur de l’AOF, Joost Van Vollenhoven, en particulier, s’opposa au recrutement de masse, par exemple dans cette lettre au ministre des Colonies, André Maginot : « Cet empire africain, qui est pauvre en hommes, est riche en produits, laissez-lui sa misérable population pour le ravitaillement pendant la guerre et pour l’après-guerre ! Pour tirer de ce pays-ci quelques milliers d’hommes, on le mettra à feu et à sang et on le ruinera » (Lettre, 20 juillet 1917) [4].
Triste ironie du sort, Van Vollenhoven devait mourir au combat, un an jour pour jour après ce courrier, le 20 juillet 1918.

On voit qu’entre les 200 000 hommes dont parlait Mangin et les « quelques milliers » auxquels Van Vollenhoven voulait qu’on se limite, il y avait quelques nuances.

Combien furent-ils ?

Combien furent-ils en réalité ?
De grandes tendances de chiffrages sont apparues. Dans l’introduction d’un ouvrage-référence, Guy Pedroncini [5] a proposé les chiffres globaux suivants : 820 000 « indigènes » ont été mobilisés, 450 000 ont été affectés aux champs de bataille d’Europe, dont 135 000 Noirs africains, 150 000 Algériens, 39 000 Tunisiens, 34 000 Marocains, 43 000 « Indochinois », 31 000 Malgaches, 31 000 Antillais, Guyanais et Réunionnais, 3 000 Somaliens et quelques centaines de Kanak ou de Tahitiens.

Son collègue Marc Michel [6] propose : 170 000 Noirs d’Afrique subsaharienne, 40 000 Malgaches et 272 000 Maghrébins. Au total, toutes catégories de colonisés ou de para-colonisés confondues, un ordre d’idées de combattants d’un demi-million d’« indigènes » au combat paraît vraisemblable [7].

D’une façon générale, ces colonisés étaient des hommes de troupe, parfois des sous-officiers. Ils étaient encadrés par quelques officiers indigènes : 250 Maghrébins et 6 Africains d’AOF en 1917 [8], la plupart ne dépassant pas le grade de lieutenants, à la notable exception du capitaine Khaled ben el Hâchemi, dit l’émir Khaled.

Et les « Indochinois » [9] ?
Sauf erreur ou omission, nous ne connaissons pas le chiffre global de ceux qui devinrent officiers. Mais il y eut plusieurs cas de gradés qui participèrent aux combats à des échelons divers de responsabilité : on pense aux capitaines Pham Cong Binh, blessé au front le 13 septembre 1916, Nguyen Van Xuan et Do Huu Vi, mort au champ d’honneur le 9 juillet 1916 et, surtout, à son frère, Do Huu Chanh, qui finit la guerre avec le grade de colonel (mais sans véritable commandement).

Lire la suite ici : https://histoirecoloniale.net/A-propos-du-film-Tirailleurs-quelques-rappels-historiques-par-Alain-Rusciosur.html


Voir en ligne : https://histoirecoloniale.net/A-pro...


[1Parmi ces derniers, il est toutefois bien difficile de faire le partage entre les descendants d’esclaves et les békés ou les blancs-péyis.

[2Conférence prononcée le 24 janvier 1924, La politique coloniale de la France, Paris, Libr. Félix Alcan.

[3Note, 1er janvier 1916, citée par Marc Michel, L’appel à l’Afrique. Contributions et réactions à l’effort de guerre en AOF, 1914-1919, Paris, IHRIC, Publications de la Sorbonne, 1982.

[4Idem.

[5Guy Pedroncini, Introduction, in Claude Carlier & Guy Pedroncini (dir.), Les troupes coloniales dans la Grande Guerre, Actes du Colloque de Verdun, 27 novembre 1996, Paris, IHCC-Economica, 1997.

[6Marc Michel, L’Afrique dans l’engrenage de la Grande Guerre, Paris, Karthala, 2013.

[7Auxquels il faut ajouter 300 000 militaires non combattants (terrassiers, porteurs, brancardiers, auxiliaires de santé, conducteurs, etc.).

[8Jacques Frémeaux, De quoi fut fait l’Empire. Les guerres coloniales au XIXème siècle, Paris, Éd. du CNRS, 2010

[9Colonel Maurice Rives, « Les premiers officiers d’origine indochinoise (1879-1920) », Bulletin de l’Association nationale des Anciens d’Indochine, 1er et 2ème trimestres 2000.

   

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