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La théorie moderne de l’impérialisme et la scission du mouvement communiste.

dimanche 12 mars 2023 par Jana ZAVATSKAYA

Texte long mais très important pour réfléchir sur la nature de l’impérialisme actuel, sur les causes des guerres actuelles et sur les divergences chez les marxistes.(BD-ANC)

Note de la rédaction :
Nous continuons à informer nos lecteurs de la controverse qui règne dans le mouvement communiste international, sur l’évaluation des causes de la guerre en Ukraine et, par conséquent, sur la tactique proposée par les partis communistes.
Le lecteur attentif sait déjà que, de l’avis du Parti communiste ouvrier de Russie, la divergence d’opinion découle en grande partie de l’interprétation erronée par certains partis, de la théorie léniniste de l’impérialisme. Il y a eu une discussion théorique assez riche sur ce sujet entre le PCOR et les camarades grecs, dont les comptes-rendus peuvent être trouvés, sur notre site web et que sur Solidnet.
Aujourd’hui, nous portons à votre attention un article de Jana Zawadzki du Parti communiste allemand, qui ne semble pas avoir suivi la discussion mentionnée ci-dessus, mais qui a publié indépendamment sur le même sujet une analyse de la relation de longue date, des camarades allemands avec le Parti communiste grec (KKE) et qui est arrivée à des conclusions similaires.

Nous espérons que ce matériel sera utile aux communistes qui réfléchissent et, comme le disait Lénine « les aidera à comprendre la question économique fondamentale, sans l’étude de laquelle il est impossible de comprendre quoi que ce soit dans l’évaluation de la guerre moderne, et de la politique moderne ; à savoir : la question de l’essence économique de l’impérialisme.

La théorie moderne de l’impérialisme et la scission du mouvement communiste

La ligne de fractionnement

Le 24 février 2022, le mouvement communiste d’Allemagne, d’Europe et de Russie a été soudainement saisi de paralysie.
En fait, il n’y avait rien d’inattendu : un grand nombre de problèmes qui auraient dû être résolus depuis des années se sont dialectiquement et qualitativement transformés.
L’opération militaire lancée par la Russie en Ukraine, nous a tous amenés à nous demander : de quel côté sommes-nous ?
Comment évaluer cette situation ?
Que devons-nous dire aux travailleurs ?

Toutes ces questions auraient dû être déjà résolues. Le monde s’embrase depuis longtemps ; la guerre est partout, il n’y a rien de nouveau. Il ne s’agit point d’évaluer un pays en particulier comme on pourrait le faire dans ce cas-là, pour la Russie seulement ; certainement pas. Ces dernières années la théorie générale de l’impérialisme elle-même s’est arrêtée. Une compréhension claire et sans ambiguïté de l’impérialisme a pratiquement disparu.

Il est vrai que cela ne s’applique pas à tous les communistes. Le Parti communiste grec (KKE), par exemple, n’a aucun problème parce qu’il a depuis longtemps développé une nouvelle théorie de l’impérialisme, et celle-ci semble être un outil fiable pour le KKE qui lui permet d’évaluer correctement tout événement mondial. En raison du grand prestige du KKE au niveau international, de nombreux partis et des communistes sont tombés individuellement sous l’influence de cette théorie, car elle leur apparaît même, comme la seule « continuation possible de la théorie de l’impérialisme de Lénine ,à un niveau nouveau ».

En bref, selon la théorie de la pyramide impérialiste, l’impérialisme est le stade du capitalisme que chaque pays atteint individuellement ; lorsque des monopoles ont émergé en son sein et que des exportations de capitaux sont apparues. Concrètement, cela signifie que tous les pays capitalistes modernes ou presque ; sont en même temps impérialistes.

Comme les potentiels économiques des différents pays ne sont pas égaux, une « pyramide » générale se forme : les États situés au sommet de la pyramide dominent les autres. Au bas de la pyramide se trouvent les pays les plus pauvres (néanmoins eux aussi impérialistes).

Vasilis Opsimos (Βασίλης Όψιμος, membre du Comité idéologique du Comité central du KKE), dans son article « La théorie de l’impérialisme de Lénine et ses distorsions » [1], critique sévèrement de nombreux « opportunistes » qui remettent en cause cette théorie. Par exemple, il écrit (ma traduction de l’allemand - JZ) .En outre, il critique sévèrement les implications pratiques : la possibilité de libération nationale et la coopération avec la bourgeoisie à orientation nationale dans les pays opprimés.

Nous nous référerons à nouveau à l’article du camarade Opsimos à l’avenir. Nous allons maintenant voir qui sont ces opportunistes qui osent diviser les pays en impérialistes et non- impérialistes !

  • « Tous ces pots-pourris se caractérisent par des excuses constantes et des faux-fuyants, signes typiques de l’opportunisme, que Lénine critiquait en son temps. Non seulement ils refusent de tirer les leçons de l’histoire, mais ils s’éloignent des bases de la dialectique révolutionnaire et de l’analyse concrète, des circonstances concrètes, pour revenir aux formes pétrifiées de la stratégie réformiste moderne « des mencheviks. »

En fait, cette citation n’est citée que dans un seul but : celui de souligner le ton avec lequel le KKE mène la discussion, et comment il évalue les communistes, qui osent remettre en question la théorie du KKE.
Le camarade Opsimos parle du « bavardage opportuniste qui reconnaît soi-disant l’impérialisme comme une nouvelle étape du capitalisme, mais fait une distinction entre les pays « impérialistes » et « non impérialistes » dans le « système » de « l’impérialisme » (c’est moi qui souligne - JZ). Il en critique aussi sévèrement les conséquences pratiques : la possibilité de libération nationale et de coopération avec une bourgeoisie à orientation nationale, dans les pays opprimés.

Nous nous référerons désormais à l’article du camarade Opsimos. Maintenant, nous allons examiner, qui sont ces opportunistes qui osent diviser les pays en impérialistes et non- impérialistes !

Chronologiquement, le premier de ces opportunistes est... Lénine. Le camarade Opsimos lui- même fait remarquer que dans son célèbre ouvrage sur l’impérialisme, Lénine montre des colonies et diverses sortes de dépendances (en utilisant les exemples de l’Argentine et du Portugal, [2]). Mais il n’en est pas ainsi aujourd’hui ! Cependant, nous pouvons nous pencher sur d’autres œuvres de notre classique.

Par exemple, dans un discours au deuxième congrès du Comintern, Lénine précise :

  • « D’abord, quelle est l’idée la plus importante, l’idée de base de nos thèses ? La distinction entre les nations opprimées et les nations oppressives. Nous insistons sur cette distinction - par opposition à la IIe Internationale et à la démocratie bourgeoise. Pour le prolétariat et l’Internationale communiste, il est particulièrement important, à l’époque de l’impérialisme, d’énoncer des faits économiques concrets et de fonder toutes les questions coloniales et nationales non pas sur des points abstraits, mais sur les phénomènes de la réalité concrète. C’est un trait caractéristique de l’impérialisme que de montrer le monde, tel que nous le voyons, aujourd’hui divisé en un grand nombre de nations opprimées, et un tout petit nombre de nations opprimantes qui possèdent une richesse colossale et une grande puissance militaire » [3] (c’est moi qui souligne - JZ).

On ne saurait être plus clair, pour exprimer l’idée que c’est la distinction entre une minorité d’États impérialistes et une majorité de nations opprimées, (qui comprennent non seulement les colonies mais aussi les États dépendants) et qui constituent l’attitude bolchevique sur cette, question.

Dans ce même discours, Lénine parle également d’alliances avec la bourgeoisie :

  • « ...en tant que communistes, nous devons et nous soutiendrons les mouvements de libération de la bourgeoisie dans les pays coloniaux, mais uniquement lorsque ces mouvements seront réellement révolutionnaires ; lorsque leurs représentants ne nous empêcheront pas d’éduquer et d’organiser la paysannerie et les larges masses des exploités, dans un esprit révolutionnaire. Si ces conditions ne sont pas réunies, les communistes de ces pays doivent lutter contre la bourgeoisie réformiste » (ibid.).

Autrement dit, selon Lénine, les alliances avec la bourgeoisie ne sont nullement exclues, bien qu’elles impliquent toujours une évaluation concrète, et s’interroger pour savoir, si une telle alliance est bénéfique ou préjudiciable à la classe ouvrière.
Par la suite, la position des communistes n’a pas changé. Au XXe siècle, cette position n’a en principe, fait l’objet d’aucune révision - sauf de la part de la science bourgeoise, qui, bien sûr, n’était pas disposée à accepter un tel point de vue.
En ce sens, Staline, qui était également un disciple de Lénine, soutenait les mouvements de libération nationale. Pour lui, la division des pays en pays impérialistes et pays dépendants allait de soi. Cela se manifestait non seulement dans ses discours et ses écrits, mais aussi dans la politique pratique.

Par exemple, il a recommandé aux communistes de collaborer avec le Kuomintang bourgeois jusqu’en 1927 et même après la trahison de la bourgeoisie nationale, et la répression brutale des communistes. L’’URSS a d’abord rompu avec le Kuomintang, mais en 1937, a rétabli ses relations avec ce dernier, et a soutenu à la fois le PCC et le Kuomintang. On peut trouver de nombreuses déclarations de Staline sur le mouvement national bourgeois en Chine.
Par exemple, voici ce qu’il dit à propos d’un éventuel futur gouvernement révolutionnaire en Chine :

  • « Le futur gouvernement révolutionnaire en Chine aura l’avantage, par rapport au gouvernement MacDonald, d’être un gouvernement anti-impérialiste.
  • Ce n’est pas seulement dans le caractère démocratique bourgeois du pouvoir cantonais, qui est l’embryon du futur pouvoir révolutionnaire de toute la Chine, mais c’est surtout que ce pouvoir, est, et ne peut être qu’ anti-impérialiste ; que chaque avancée de ce pouvoir porte un coup à l’impérialisme mondial, donc un coup en faveur du mouvement révolutionnaire mondial » [4].

En observant plus loin les « opportunistes » qui, selon le camarade Opsimos (KKE), ne considèrent pas que tous les pays capitalistes sont impérialistes. On peut noter que d’autres « opportunistes », se trouvent par exemple, chez les dirigeants de la Corée et de Cuba qui ont malgré cela réussi à mener des révolutions socialistes. Kim Jong Il [5] a parlé de néocolonialisme à propos des pays qui venaient de se libérer de l’oppression coloniale.

Par exemple, voici ce qu’il écrivait en 1960 à propos de la République de Corée (RdC) :

« En raison de l’ancienne politique coloniale japonaise, le visage de la Corée était celui d’une colonie dépendante, mais la Corée du Sud d’aujourd’hui, victime de la politique néocoloniale étasunienne, est une colonie sous le masque d’un "État indépendant" » [6] (n’ayant pu trouver une version russe de cet ouvrage, voici ma traduction de l’allemand).
Selon Kim Jong-il, les colonies ont été transformées en États dépendants, et le pillage colonial se poursuit sous une forme larvée : les impérialistes exportent des capitaux et retardent le développement de l’économie nationale. Ce qui peut être intéressant en ce qui concerne l’Ukraine, « qui les transforme en ses bases militaires. » (ibid.)

Mais la RPDC est de toute façon, du point de vue du KKE, "révisionniste". Peut-être les communistes cubains avaient-ils un point de vue différent ?

Che Guevara :

  • « ...nous devons nous rappeler que l’impérialisme, dernier stade du capitalisme, est un système mondial, et qu’une confrontation à l’échelle mondiale est nécessaire pour le vaincre. L’objectif stratégique de notre lutte est la destruction de l’impérialisme. La participation de nos peuples, les peuples des pays arriérés et exploités, doit inévitablement aboutir à la destruction des bases d’approvisionnement de l’impérialisme ; à la coupure de son contrôle sur les pays opprimés : les pays où l’impérialisme puise aujourd’hui ses capitaux, puise des matières premières bon marché et des professionnels à bas coût ,où la main-d’œuvre bon marché est disponible et où de nouveaux capitaux sont envoyés, expédiés comme instruments de domination : des armes ,et tout autres moyens pour maintenir notre dépendance totale » [7], c’est moi qui souligne - JZ).

La liste de ces déclarations pourrait être poursuivie à l’infini.
En outre, il faut souligner que les révolutions réussies ou presque du XXe siècle, étaient principalement guidées par l’idée de libération nationale, contrairement à la révolution russe (qui avait aussi ses propres caractéristiques, que nous ne mentionnerons pas ici). Le groupe de Fidel Castro et son armée révolutionnaire n’étaient pas marxistes, il se composait principalement de paysans (la classe ouvrière à Cuba était encore minoritaire et sous- développée), il n’y avait que des individus communistes (comme le Che) et ce n’est qu’après la victoire de la révolution, sous l’influence soviétique que Cuba est devenue socialiste (ce qui a bien sûr contribué à ses succès ultérieurs).

En Chine, au Vietnam et en Corée, les motifs de libération nationale étaient plus forts dans les masses populaires que le travail du prolétariat, pour construire le socialisme. Néanmoins, les partis communistes de ces pays ont été capables de diriger le mouvement national. Ces phénomènes peuvent être interprétés différemment, mais ils ne peuvent être niés.
Et il y a, bien sûr, beaucoup plus de faits de ce type dans le monde que ceux que l’on pourrait évoquer ici .

Ainsi : Au XXe siècle, dans le mouvement communiste, il n’y avait même pas de doute sur le fait qu’il existât des pays impérialistes (une « poignée de pays » selon Lénine) et qu’ils sont impérialistes précisément parce que d’autres pays en sont victimes. C’est le point de vue qui a été adopté en URSS et en RDA.
Cette position sur l’oppression néocoloniale s’est imposée d’elle-même tout au long du XXe siècle. Et dans le mouvement communiste de la RFA, on ne trouve pas d’autres perceptions.
Ainsi Michael Opperskalski décrit la situation au XXIe siècle comme l’hégémonie des États- Unis et de la nouvelle puissance impérialiste émergente, l’Europe, dirigée par la RFA [8] . Ces puissances cherchent à s’assurer des ressources bon marché pour elles-mêmes à partir d’autres pays.
Plus tard, Opperskalski a également fait référence à d’autres centres impérialistes, et il y a inclus le Japon et la Russie. Il a également été question d’anti- impérialisme. La lutte antiimpérialiste était considérée dans le mouvement communiste comme une partie essentielle de ce dernier. L’auteur de cet article était auparavant membre de la défunte Initiative communiste, où M. Opperskalski et F. Flegel faisaient partie de la direction.

À cette époque, de 2008 à 2015, nous soutenions la Syrie en tant qu’État anti- impérialiste et critiquions certains communistes, par exemple pendant la Révolution verte en Iran en 2009, pensant qu’un changement de régime était nécessaire. Nous avons compris que l’Iran était certainement un État conservateur de droite, anticommuniste, mais à cette époque, l’Iran avait une position antiimpérialiste.
Pendant la crise, nous avons critiqué les actions de la RFA, contre le peuple grec et nous nous sommes battus contre la présentation par les médias de ces actions, comme étant une « aide aux Grecs paresseux ». Pour nous, communistes de la RFA, il s’agissait d’une attaque évidente de l’impérialisme de la RFA contre la Grèce.

Or, il s’avère que les communistes grecs rejettent en principe la notion d’antiimpérialisme et considèrent que tous les pays à économie capitaliste sont impérialistes : ils ne se distinguent les uns des autres quantitativement que par leur potentiel économique, mais ils ne sont pas différents qualitativement. Comme le KKE jouit d’un grand prestige au niveau international, sa théorie est partagée par d’autres partis (par exemple le très puissant Parti communiste turc). Une partie des communistes de RFA sont également tombés sous cette influence et rejettent désormais la lutte antiimpérialiste, à moins que cette lutte ne soit directement socialiste et prolétarienne.

L’auteur de cet article a même entendu dans diverses discussions que le Venezuela et le Nicaragua sont aussi des pays impérialistes, parce que l’économie capitaliste y prédomine. Et il s’agissait alors de déclarations de membres très expérimentés et de dirigeants d’organisations communistes.

Au vu de tout ce qui précède, on peut résumer que le point de vue proposé par le KKE, est entièrement nouveau et ne peut être considéré comme une élaboration de la théorie léniniste de l’impérialisme, à un nouveau niveau. En outre, pour accepter la théorie de la pyramide, il faudrait abandonner les expériences révolutionnaires de Cuba, de la Corée, de la Chine, du Vietnam et de l’Union soviétique.

Il s’ensuit que la contradiction dans le mouvement communiste, n’est pas due à des évaluations différentes d’un pays à un autre ou d’une guerre à une autre, elle est beaucoup plus profonde et plus grave.
Et c’est cette contradiction qui doit d’abord être clarifiée. Ce n’est qu’ensuite que nous pourrons parler de la Russie, de l’Ukraine, ou de tout autre pays.

Sur la scientificité de cette approche

La théorie marxiste prétend être une science. C’est certainement vrai, le marxisme est une science, mais il ne s’ensuit pas que tout ce qui est écrit par un marxiste ou un autre théoricien, réponde aux critères de scientificité.

Une question en débat

Contrairement à l’approche postmoderniste, qui suppose qu’il n’y a pas de vérité mais seulement des opinions différentes, le marxisme part bien de l’existence d’une vérité objective indépendante de nos points de vue. À cet égard, certains camarades critiquent l’existence même de « points de vue différents » (ils prétendent eux-mêmes connaître la vérité et tous les autres n’ont que des « points de vue »).

Cependant, position extrême n’est pas non plus scientifique. Dans les domaines scientifiques qui ne sont pas encore établis, dans la recherche de la vérité, ce sont précisément des points de vue différents qui doivent exister. Robert Koch, par exemple, pensait que la cause de la tuberculose était le bacille qu’il avait découvert, tandis que Rudolf Virchow voyait la cause de cette maladie, dans les conditions sociales. Le développement ultérieur de la science a montré que tous deux avaient raison - mais à l’époque, ce désaccord était à l’origine de débats acharnés entre scientifiques.

Oui, il existe une vérité absolue objective, mais le problème est que nous, les humains, ne pouvons l’approcher qu’avec des vérités relatives, qui contiennent des parties de l’absolu. La science n’est qu’une tentative d’établir cette vérité (voir La dialectique de la nature d’Engels). C’est pourquoi des opinions différentes sont nécessaires, et la vérité n’est saisie que dans le processus de discussion, d’observation et d’expérimentation scientifiques. Ceci est également vrai pour le marxisme. C’est pourquoi je ne qualifierai pas, sans même une discussion, mes adversaires de « révisionnistes » et d’« opportunistes » sans discernement. Il faut au moins commencer par découvrir leur point de vue.

La question de l’autorité

L’autorité scientifique et l’autorité politique sont des catégories différentes. Les réalisations politiques signifient dans le marxisme à peu près la même chose qu’une expérience réussie dans les sciences naturelles. C’est pourquoi nous considérons Staline comme un classiciste et Mao, Kim Il Sung et Kim Jong Il comme des théoriciens exceptionnels : précisément parce qu’ils ont obtenu des succès incontestables dans le domaine politique.

Mais lorsqu’il s’agit de science, les idées théoriques de ceux qui n’ont pas obtenu de succès politique doivent également être prises en compte. En outre, même les développements des scientifiques bourgeois doivent être étudiés et appliqués (par exemple, si nous parlons d’économie). Les fondateurs du marxisme ont fait exactement cela : Marx a utilisé les idées d’Adam Smith, et même, celles d’autres théoriciens, et a fondé sa théorie sur elles ; le livre d’Engels « Les origines de la famille, de la propriété privée et de l’État » a été écrit sur la base des recherches de Lewis Morgan, certainement un scientifique bourgeois. Lénine a utilisé de nombreuses sources bourgeoises pour son livre sur l’impérialisme et, par exemple, les travaux du véritable opportuniste Hilferding.

Mais aujourd’hui, certains sont convaincus que seule l’opinion des membres des partis communistes « corrects » (non trotskistes, maoïstes ou révisionnistes) doit être prise en compte. Toutes les autres personnes, même si elles sont compétentes dans un certain domaine de connaissances, ne peuvent rien dire de nouveau au marxiste. Il va sans dire que cette position n’a rien à voir avec la scientificité.

La compétence scientifique.

Le marxisme est une science très complexe, et en fait un marxiste devrait d’abord avoir suivi des cours universitaires en sciences politiques et en économie. Il serait également bon d’avoir des diplômes en histoire, philosophie, psychologie sociale, sociologie, etc.

Naturellement, cela n’est pas réalisable. Et cela n’est pas nécessaire : dans le monde moderne, car toute science est complexe. Une compréhension des principes fondamentaux des sciences mentionnées ci-dessus serait suffisante, tout comme une connaissance approfondie des textes marxistes et de l’histoire du mouvement ouvrier et de libération. En plus de cela, il faudrait avoir la compréhension des bases du travail scientifique.

Malheureusement, très souvent, ce n’en est pas le cas !

Les données chiffrées figurant dans les ouvrages des marxistes contemporains, sont souvent tirées de sources obscures et douteuses. Mais pire encore : souvent, l’auteur ne comprend tout simplement pas la signification de ces chiffres. Par exemple, il donne des chiffres sur les sorties de capitaux de Russie, en les faisant passer pour des « exportations de capitaux ».
Ce qu’il faut, c’est comprendre le modus operandi. Par exemple, pour tenter de prouver qu’un pays est impérialiste, on utilise une méthode simple : on prend cinq caractéristiques de l’impérialisme du livre de Lénine et on les « applique » à un pays donné.

À titre d’exemple, on peut citer l’ouvrage de Cervi et Vikario « Die Notwendigkeit der Klarheit über die ökonomische Struktur Russlands » [9], mais on retrouve cette méthode dans de nombreux autres ouvrages. Ainsi, deux attributs (l’achèvement de la division territoriale du monde, l’émergence de préoccupations internationales) s’appliquent clairement à l’ensemble du système, or seuls trois attributs sont utilisés. Mais Lénine ne les a jamais cités en tant qu’éléments de « diagnostic » ! Il ne les a pas évoqués en les appliquant à un pays en particulier.
Pourquoi croit-on que cette méthode puisse être utilisée pour distinguer les pays impérialistes des pays « pas encore impérialistes » ?

Il n’y a pas de réponse. Il me semble que cette méthode n’est pas pertinente parce qu’elle,
1. Considère un seul pays sans lien avec le reste du monde,
2. Suppose que l’impérialisme est une étape dans le développement de chaque pays individuel.
Or, la réalité n’est pas que chaque pays est d’abord féodal, puis capitaliste et enfin impérialiste. L’impérialisme est un système unifié comprenant différents maillons - centre, semi-périphérie, périphérie. Et oui, chaque pays appartient à l’ordre mondial impérialiste, mais dans cet ordre mondial, tous les pays jouent des rôles différents, et tout le monde n’est pas un exploiteur international (bien qu’au sein de chaque pays, bien sûr, il y ait sa propre division de classe et sa propre exploitation).
La méthodologie selon laquelle les « 5 attributs » servent de critère de diagnostic aurait dû être étayée - mais au lieu de l’étayer, on accuse généralement de « s’écarter de Lénine ».

Si nous parlons spécifiquement d’économie, c’est la partie la plus difficile : l’économie de notre époque est très complexe, il est presque impossible de l’étudier seul, en étant autodidacte. Mais sans économie, il est impossible d’analyser la base - et c’est l’essentiel dans l’analyse marxiste.
Je vois une issue dans la spécialisation. Il y a déjà des économistes marxistes, des historiens marxistes, ou des philosophes. C’est-à-dire des gens qui sont professionnellement qualifiés dans l’une de ces disciplines mentionnées, et qui sont en même temps marxistes.
Dans cet article, je ferai souvent référence au travail d’une telle école d’économistes marxistes - sans adopter aveuglément leurs croyances et leurs évaluations politiques.

La question de la différence entre pays oppresseurs et pays opprimés Les théoriciens du KKE sont, bien entendu, conscients de l’existence de ces courants économiques.
Ainsi, le camarade Opsimos écrit également sur les « théories de la
dépendance »
, qu’il n’analyse toutefois pas en détail, mais qu’il rejette tout simplement en général. Cependant, comme nous l’avons montré dans la première partie, tout le vingtième siècle a été dominé par la notion de dépendance néocoloniale en politique.
De nombreuses théories ont vu le jour pour expliquer, de diverses manières, les mécanismes économiques de l’oppression néocoloniale. Il s’agit des théories d’analyse du système mondial (Wallerstein, Braudel, Samir Amin) ou des théories de la dépendance (P. Baran, A.G. Frank). Les détails de ces théories diffèrent sur de nombreux points. Elles ne peuvent pas être généralement acceptées sans critique comme « cadre idéologique ». Mais ces études sont absolument essentielles pour comprendre l’impérialisme d’un point de vue économique.

En général, on s’accorde ici à considérer le monde comme un « système » composé d’un centre et d’une périphérie. Il existe un échange non équivalent entre le centre et la périphérie. Le capital circule principalement de la périphérie vers le centre. Cela garantit la richesse croissante du centre et l’impossibilité pour la périphérie de se développer par le biais de sa seule croissance économique, sans lutte pour son indépendance politique. Le centre impérialiste limite artificiellement cette croissance économique de la périphérie.
Les pays centraux investissent dans les économies de la périphérie afin d’y réaliser le plus de profits possible. Mais la division internationale du travail est aussi en soi, un facteur important d’échange non équivalent.

Ainsi, R. Dzarasov écrit [10] :

  • « Les productions à forte intensité de main d’œuvre et à faible intensité de capital (faible structure organique du capital) sont caractéristiques de la périphérie du capitalisme mondial, tandis que les productions à forte intensité de capital (structure organique du capital élevée) sont caractéristiques du centre. Cela se traduit par une structure de prix supérieure au coût du travail pour les produits des pays développés et inférieure au coût du travail ,pour les produits des pays non développés. Cela signifie que les économies de la périphérie mondiale sont obligées de donner une grande partie de la valeur du travail créée par leurs travailleurs, aux économies du centre. C’est l’essence même de l’échange non équivalent et de l’exploitation de la périphérie du capitalisme mondial par son centre. »

En raison de l’échange non équivalent décrit par Dzarasov, le développement d’une aristocratie du travail devient possible dans les pays centraux, qui, avec l’aide de la lutte économique légale, peut obtenir des conditions quelque peu meilleures pour elle-même, mais au détriment de la richesse créée par les travailleurs de la périphérie mondiale. Les luttes des travailleurs de la périphérie, d’autre part, sont principalement réprimées par une répression brutale. Ces travailleurs subissent une double oppression : d’une part,
l’oppression par leur propre bourgeoisie, et d’autre part, par le biais de cette même bourgeoisie (dite compradore), l’oppression par le capital étranger.

J’espère qu’il n’est pas nécessaire d’expliquer ici le concept de « néocolonialisme » et son histoire. S’il était nécessaire de le faire, il faudrait l’écrire séparément. Il existe des ouvrages consacrés spécifiquement à l’oppression et au pillage de l’Afrique et de l’Amérique latine. Ici, je passe sur le sujet en espérant qu’au moins les plus grands de ces phénomènes sont plus ou moins connus de tous.

Nous passons à la question qui est peut-être la plus importante, surtout en ce qui concerne les événements contemporains. Cette question a été formulée par le camarade Opsimos comme suit :

  • « Aujourd’hui, ceux qui insistent pour diviser les pays en impérialistes et dépendants ne peuvent pas nommer de critères strictement scientifiques pour classer un pays dans un camp ou dans l’autre » [11].

En fait, de tels critères strictement scientifiques existent, et nous en parlerons plus bas.
Je m’appuierai sur les travaux de l’école d’économie marxiste russe plus précisément, sur les travaux de R. Dzarasov et O. Komolov. Ce dernier est un candidat en sciences économiques et en outre un chercheur principal à l’Académie Plekhanov, où il est un activiste politique associé à l’organisation « Rot Front ».
Incidemment, les opinions de Komolov sur l’opération militaire spéciale en Ukraine ne coïncident pas avec celles de l’auteur de cet article, c’est-à- dire que Komolov n’est pas intéressé à prouver la nécessité de l’Opération militaire spéciale (OMS). Il s’agit de travaux scientifiques et de vulgarisation scientifique. L’œuvre de Komolov sera principalement traitée dans la dernière partie de cet article.

Р. С. Dzarasov met en évidence 4 éléments sous-jacents aux échanges non équivalents :
1) la structure des prix : les prix des produits du centre augmentent plus rapidement que ceux des économies périphériques.
2) les différences technologiques :la production à forte valeur ajoutée est située dans le centre, la production à faible valeur ajoutée se situe elle, dans la périphérie.
3) les relations monétaires - les taux de change des monnaies nationales des pays en retard sont artificiellement sous-évalués, ce qui facilite le débordement des ressources en raison de l’augmentation des exportations.
4) les flux financiers : les revenus de la périphérie sont investis dans les économies développées [12], [13].

Selon ces critères, il est possible de déterminer assez précisément si un pays appartient au centre impérialiste ou à la périphérie. Il existe des monnaies fortes et faibles, et la valeur de la monnaie est directement liée à la position du pays dans le système mondial. Il n’est pas non plus difficile de déterminer la structure de l’économie nationale. Les pays de la périphérie fournissent des matières premières, des produits agricoles, c’est-à-dire des produits à faible valeur ajoutée (il peut s’agir, par exemple, de produits métalliques laminés, mais aussi de produits textiles et d’articles ménagers). En revanche, les produits du centre sont chers, complexes et absorbent le coût du travail bon marché de tous les participants précédents, à la production, générant ainsi des coûts élevés pour ces produits.

Par exemple, un programmeur de la Silicon Valley en Californie travaille sur un ordinateur fabriqué en Asie à partir de matières premières fournies par des pays africains. Le logiciel créé par l’utilisateur final a un coût élevé, car il absorbe le coût de tous les composants utilisés. Ces composants, quant à eux, sont créés par une main-d’œuvre bon marché, avec une structure de capital organique faible (beaucoup de travail physique, faible niveau d’automatisation).

Une telle division du travail entre différents pays n’est pas du tout « naturelle », elle est maintenue par des moyens politiques (par exemple, pression politique directe, révolutions de couleur, coups d’État, guerres, interventions).

Cependant, le critère le plus pratique pour la distinguer est la direction des flux de capitaux. Les bénéfices circulent principalement de la périphérie vers le centre. Cela se fait par le biais de différents mécanismes : par exemple, le paiement régulier des intérêts sur les dettes publiques, que les pays pauvres ne peuvent pas se permettre de ne pas payer. Ou la fuite des capitaux : la bourgeoisie compradore fait sortir les capitaux du pays et les dépose dans des banques centrales « sûres » ou des sites offshores.
Une autre possibilité est l’exploitation directe de la main-d’œuvre bon marché dans un pays périphérique, que ce soit par le biais d’une participation étrangère dans une entreprise, ou simplement en plaçant des succursales d’entreprises étrangères dans ce pays. Ce ne sont là que quelques-uns des mécanismes très courants permettant le flux continu de capitaux de la périphérie vers le centre.

Surtout pour les vrais-marxistes : cela ne contredit en rien « l’exportation du capital » telle que définie par Lénine, car c’est pour cela que le capital est exporté, pour faire et retirer des profits supérieurs au capital investi, et ces profits circulent en sens inverse.

Ceci était un bref éclaircissement sur la base économique de l’impérialisme moderne. Notez que l’analyse du système mondial et les théories de la dépendance sont elles-mêmes différentes et souvent confuses. Il y a beaucoup de choses qui méritent d’être sérieusement critiquées. Et pourtant, c’est le seul volet économique qui décrit de manière adéquate les relations impérialistes.
En comparaison, la théorie de la « pyramide impérialiste » n’est pas du tout une théorie économique : c’est uniquement une théorie politique. Pour l’instant, il n’y a pas d’autre outil économique dans le marxisme qui décrive la situation dans le monde moderne.
Et comme nous l’avons montré ci-dessus, cet outil ne contredit en rien les œuvres classiques de Marx et Lénine, mais les confirme au contraire au niveau moderne.
Considérons maintenant le système mondial moderne d’un point de vue politique.

L’impérialisme moderne

Le génie de Lénine est que malgré le système colonial qui prévalait en 1916, il a prédit dans son livre « L’impérialisme comme stade suprême du capitalisme » [14] toutes les autres situations possibles de dépendance. Ce n’était pas à proprement parler une prophétie : il a simplement décrit les formes de dépendance qui existaient déjà à l’époque, au-delà du système purement colonial.

Tout d’abord, il y a la dépendance néocoloniale, que Lénine a illustrée avec l’exemple de l’Argentine.

  • « L’époque est caractérisée non seulement par deux groupes principaux de pays : les colonies propriétaires et les colonies, mais aussi par diverses formes de pays dépendants, politiquement, formellement indépendants, mais en réalité empêtrés dans des réseaux de dépendance financière et diplomatique. Nous avons signalé précédemment une forme - les semi-colonies. L’Argentine, par exemple, en est un bon exemple. « L’Amérique du Sud, en particulier l’Argentine, » écrit Schulze-Gewernitz dans son essai sur l’impérialisme britannique, « est si dépendante de Londres sur le plan financier qu’il faut presque la qualifier de colonie commerciale anglaise. Les capitaux placés par l’Angleterre en Argentine, définit Schilder, s’élèvent, selon le consul austro-hongrois de Buenos Aires pour 1909, à 8.75 milliards de francs. Il n’est pas difficile d’imaginer quels liens solides le capital financier - et son fidèle "ami", la diplomatie - de l’Angleterre obtiennent par ce biais avec la bourgeoisie argentine, avec les cercles dirigeants de toute la vie économique et politique de ce pays » [15]

Après la libération, la grande majorité des anciennes colonies sont tombées dans la dépendance néocoloniale décrite par Lénine, dont les mécanismes économiques ont déjà été décrits ci-dessus.

Par ailleurs, Lénine décrit aussi une situation différente :

Une forme légèrement différente de dépendance financière et diplomatique, avec une indépendance politique, qui est illustrée par l’exemple du Portugal. Le Portugal est un État indépendant et souverain, mais en fait, pendant plus de 200 ans, depuis la guerre de Succession d’Espagne (1701-1714), il a été sous le protectorat de l’Angleterre. L’Angleterre l’a protégé, ainsi que ses possessions coloniales, afin de renforcer sa position contre ses ennemis, l’Espagne et la France. En retour, l’Angleterre a reçu des avantages commerciaux, de meilleures conditions pour l’exportation de ses marchandises et surtout pour l’exportation de capitaux vers le Portugal et ses colonies, la possibilité d’utiliser les ports et les îles du Portugal, ses câbles, etc.

Ce type de relation entre des grands et des petits États séparés a toujours existé, mais dès lors, à l’époque de l’impérialisme capitaliste, il devient un système universel, il fait partie de la somme des relations de « division du monde », devient un lien dans les opérations du capital financier mondial.
Ces deux formes de dépendance, que Lénine décrivait à l’époque comme de rares exceptions, sont aujourd’hui les principales formes de dépendance sur Terre. La plupart des pays sont, soit dépendants de la même façon que l’Argentine dans l’exemple de Lénine, soit une sorte de « protectorat », comme l’était le Portugal à l’époque.

Examinons de plus près ce système moderne.

L’économiste marxiste Samir Amin écrit [16] :

  • « La Seconde Guerre mondiale a abouti à une transformation importante des formes d’impérialisme, remplaçant les multiples impérialismes en conflit permanent par un impérialisme collectif. Cet impérialisme collectif est un ensemble des centres du système capitaliste mondial ou, plus simplement, une triade : les États-Unis et sa province canadienne extérieure, l’Europe occidentale et centrale, et le Japon. Cette nouvelle forme d’expansionnisme impérialiste est passée par différentes phases de son développement, mais existe sans interruption depuis 1945.
  • Immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, la suprématie étasunienne a été non seulement acceptée mais soutenue par la bourgeoisie d’Europe et du Japon. --- Pourquoi ?
  • Mon explication est liée à la montée des mouvements de libération nationale en Asie et en Afrique durant les deux décennies qui ont suivi la conférence de Bandung en 1955 et qui ont conduit à l’émergence du Mouvement des non-alignés et au soutien qu’ils ont reçu de l’Union soviétique et de la Chine. L’impérialisme a non seulement été contraint d’accepter une coexistence pacifique avec le vaste territoire qui avait échappé à son contrôle (le monde socialiste) mais aussi de négocier les conditions de la participation des pays asiatiques et africains au système impérialiste mondial. L’unité de la triade sous la suprématie étasunienne semblait utile pour la gestion des relations Nord-Sud à cette époque. Les États non alignés se sont donc retrouvés en situation de confrontation avec le bloc occidental presque indivisible.

En ce sens, les contradictions interimpérialistes sont passées au second plan : après la Seconde Guerre mondiale, l’impérialisme a commencé à craindre pour son existence. D’autres auteurs (par exemple Kim Jong-il4 attribuent le développement d’un bloc impérialiste cohésif au puissant développement des États-Unis, qui ont obtenu des avantages notables alors que les autres participants à la Seconde Guerre mondiale ont subi des pertes.
Bien sûr, on ne peut pas parler de « dépendance » de la RFA ; ce pays fait partie du centre impérialiste, agit indépendamment dans certaines limites et exploite ses propres « néocolonies ».

Néanmoins, la situation d’aujourd’hui est étonnamment différente de celle de 1914, et si quelqu’un devait dire qu’une guerre directe, par exemple entre l’Allemagne et la France ou les États-Unis et le Japon, est possible dès maintenant, ou dans un avenir proche, ce serait extrêmement loin de la réalité. Ces États ont pour l’instant cessé de se battre entre eux et ont formé ce que l’on appelle un bloc d’ "impérialisme collectif" . Cette notion me semble plus appropriée que l’expression souvent utilisée "Occident collectif", cette dernière contenant une référence implicite à la théorie de la civilisation.

D’un autre côté, ce n’est pas non plus une approbation de la théorie de Kautsky, comme les critiques pourraient le penser. Selon Kautsky, les États-nations devraient perdre de l’importance, or nous assistons actuellement à l’inverse de cela. En RDA et en URSS, on pensait que l’alliance impérialiste était un phénomène temporaire dû à l’existence d’un ennemi commun, le système socialiste mondial et les mouvements de libération nationale. Dans la situation actuelle de 2022, et étant donné le fait évident que malgré l’absence d’un ennemi mondial, non seulement l’OTAN n’a pas été dissoute mais au contraire s’est étendue, nous pouvons dire sans risque que malgré les contradictions internes (le retrait temporaire de la France de l’OTAN, le désaccord sur la guerre en Irak entre les États-Unis et la France, le Brexit, le différend sur les sanctions contre la Chine) cette alliance impérialiste est toujours maintenue.

L’alliance utilise son pouvoir concentré pour empêcher dès le départ, la moindre ascension de concurrents potentiels, comme la Russie ou la Chine capitaliste.

Samir Amin écrit encore [17] :

  • « La classe dirigeante des États-Unis proclame ouvertement qu’elle ne permettra le rétablissement d’aucune force économique et militaire capable de remettre en question son monopole de suprématie planétaire et, pour cette raison, s’est donnée le droit de mener des guerres préventives. La cible pourrait être trois adversaires de principe : la Russie, la Chine et l’Europe. »

En effet, nous pouvons convenir qu’en plus de l’« impérialiste collectif », il existe d’autres candidats de plus en plus nombreux, au rôle d’impérialistes dans le monde. La question est de savoir jusqu’où ils sont allés dans ce rôle et quelles sont leurs chances.

Le candidat le plus proche du rôle d’impérialiste concurrent est la Chine, avec sa puissante économie (nous n’examinerons pas ici la question de savoir si ; et dans quelle mesure, la Chine adhère au socialisme ). Imaginons que la Chine s’affronte avec les États-Unis dans une bataille militaire....

L’illustration ci-dessous montre une comparaison directe entre les armées de la Chine et des États- Unis. Il s’agit toutefois d’une comparaison très incomplète : par exemple, elle ne tient pas compte de la présence des bases militaires étasuniennes, c’est-à-dire des positions que les États-Unis détiennent directement le long des côtes chinoises (et notez qu’il n’y a aucune base chinoise à proximité des États-Unis).
Néanmoins, il est possible de comparer au moins des points individuels.

Comparaison des armées des É-U et de la Chine 2015

Il est également intéressant de comparer les dépenses militaires : en 2021, les États-Unis ont alloué $801 milliards aux dépenses militaires. Pour les dépenses militaires, la Chine a prévu $293 milliards13. Comme nous pouvons le voir, l’armée chinoise est numériquement supérieure à l’armée étasunienne à certains égards : en termes de chars, d’artillerie et de personnel, mais elle est sensiblement à la traîne en termes d’avions, de porte-avions, de missiles et d’ogives nucléaires.

À première vue, l’écart ne semble pas si grand, mais cette comparaison faiblit si on se rappelle que dans un conflit direct, la Chine affronterait l’impérialisme collectif, et non seulement les États-Unis. Contrairement aux rêves idylliques des patriotes russes, il n’existe pas d’alliance militaire entre la Russie et la Chine. L’Organisation de coopération de Shanghai, qui est souvent comparée statistiquement à l’OTAN, n’est en aucun cas une alliance militaire, ni un
« OTAN alternatif » (sans parler des BRICS !) Il n’existe aucune obligation en vertu de laquelle la Russie fournirait une assistance militaire à la Chine (et vice versa !).

Ce n’est pas seulement l’OTAN qui se battrait contre la Chine, mais aussi le nouveau bloc AUCUS, qui comprend l’Australie. Quelles sont les chances de la Chine face à toutes ces forces combinées ?

Pourquoi la Chine n’a-t-elle pas pu introduire des troupes à Taïwan lorsque Mme Pelosi a visité l’île dans un but de provocation ?
Il s’avère que le formidable « impérialiste numéro deux » ne peut pas se permettre de faire des pas, même minimes, dans sa propre sphère d’influence (légalement, Taïwan est même le propre territoire de la Chine). Compare maintenant cela avec la liberté illimitée dont jouissent les pays de l’impérialisme collectif sur la planète. Toutes les mesures qu’ils prennent, y compris les interventions directes, sont censées être moralement justifiées et n’ont pas de conséquences désastreuses pour eux sous forme de sanctions ou les conséquences d’une défaite militaire (même s’ils la tolèrent).

L’existence de l’impérialisme collectif est clairement visible dans la guerre actuelle. Même le plus proche allié de la Russie, la Biélorussie, qui fait l’objet de sanctions en tant que « complice », ne fournit pas d’aide militaire directe à la Russie. Pas un seul soldat biélorusse n’est entré sur le territoire ukrainien.
L’Iran ne peut pas admettre directement avoir vendu des drones à la Russie, et même les rumeurs de telles ventes provoquent des scandales gigantesques.
La Russie est presque seule en guerre contre un impérialisme collectif dont les membres ne fournissent pas seulement des armes et des formations à l’armée ukrainienne depuis février 2022, mais aussi depuis huit ans maintenant.

Les communistes du Parti communiste grec ne sont pas les seuls à croire en une « multitude de centres impérialistes se battant entre eux comme en 1914 ». Poutine parle aussi d’un « monde multipolaire » dans lequel la situation du passé, celle du début du XXe siècle, serait reproduite.
Mais ce ne sont, pour l’instant, que les spéculations du gouvernement russe.
Je ne veux pas dire qu’ils sont irréalistes. Mais pour le moment, nous sommes incommensurablement loin de ce monde « multipolaire ».

On peut plutôt imaginer des crises d’une force incroyable secouant le monde occidental, et une nouvelle société socialiste naissant de puissants conflits, plutôt qu’un retour aux relations du « bon vieux 1914 ». On peut qu’imaginer un anéantissement réciproque dans une flamme atomique, car les membres du
« collectif impérialiste » préfèreraient déclencher une guerre nucléaire, plutôt que de laisser les « régimes autoritaires » gagner (en d’autres termes, permettre à d’autres candidats de devenir des centres impérialistes à part entière).

Il est donc difficile d’imaginer une guerre entre centres impérialistes sur le modèle de 1914 dans le monde d’aujourd’hui. L’« impérialisme collectif » ne permet pas à d’autres États de se hisser ne serait-ce qu’au rang de candidats à ce rôle. Il les abat, pour ainsi dire, au décollage, dès qu’ils tentent de sortir d’un état de dépendance.
Cette situation est fondamentalement différente des tentatives de l’impérialisme allemand en 1914 et dans les années 1930 pour
« rattraper » la Grande-Bretagne et la France et s’emparer de leurs colonies : l’Allemagne était déjà un État impérialiste (en 1914, elle avait aussi des colonies, mais « trop peu » pour ses appétits). L’Allemagne n’était pas dépendante, au contraire, la Russie et un certain nombre d’États européens étaient dépendants du capital allemand.
Par conséquent, l’agression de l’impérialisme allemand était précisément une agression expansionniste, impérialiste. Aujourd’hui, il n’y a pas de situation similaire dans le monde, il n’y a que des tentatives pour se libérer de la dépendance politique et agir contre la puissance de l’impérialisme collectif.

C’est essentiellement une lutte anti- impérialiste .(nous reviendrons sur cette notion plus tard).

Implications politiques.

Le camarade. Opsimos avance l’argument suivant pour critiquer les théories de l’analyse du système mondial.

  • « (Ces théories) ignorent l’exploitation à laquelle sont soumis les masses laborieuses et les pauvres dans les pays capitalistes développés, et qui, en termes numériques (en pourcentage et en valeur de la plus-value), est bien plus importante que tout "tribut" reçu par les profits monopolistiques "de la périphérie vers le centre". Cette idée met les travailleurs et la bourgeoisie des pays les plus développés tableau au même rang et inhibe objectivement la lutte de classe générale du prolétariat au niveau mondial. » [18]

Malheureusement, je n’ai pas connaissance d’un travail qui comparerait numériquement l’ampleur de l’exploitation dans les pays centraux et les profits de la périphérie. Cependant, une telle comparaison serait de toute façon incomplète. L’un des mécanismes de l’exploitation impérialiste est précisément que la périphérie fournit des matières premières, des produits agricoles et des produits similaires à faible valeur ajoutée, tandis que les pays centraux produisent des biens complexes à forte valeur ajoutée.

Un paquebot ou un film hollywoodien vaut beaucoup plus et génère beaucoup plus de profits qu’un T- shirt ou un ordinateur portable. Pendant ce temps, les travailleurs qualifiés locaux peuvent apporter à leurs exploiteurs des pays centraux bien plus de profit en termes numériques que ceux des enfants du Congo qui extraient le cobalt par un travail manuel. Même les conditions de pauvreté les plus abominables en Allemagne, dans lesquelles vivent les bénéficiaires de Harz4 ou les travailleurs à bas salaire, sembleraient très attrayantes pour un enfant du Congo, comme nous le démontre clairement le flux de réfugiés vers l’Europe occidentale.

Le camarade Opsimos nous invite simplement à fermer les yeux sur les faits réels et à continuer à insister sur le fait que les problèmes et les conditions sont exactement les mêmes pour la classe ouvrière dans n’importe quel pays. Mais cela contredit non seulement les faits réels, mais aussi Marx et Engels, qui ont introduit la notion d’« aristocratie ouvrière », indiquant que la meilleure position des travailleurs anglais est assurée par l’oppression coloniale des autres pays.

Ainsi, Engels écrit :

  • « La vérité est la suivante : tant que le monopole industriel de l’Angleterre a persisté, la classe ouvrière anglaise a participé dans une certaine mesure aux bénéfices de ce monopole. C’est pourquoi, depuis que
  • l’owénisme s’est éteint, il n’y a plus de socialisme en Angleterre » [19].

Lénine s’exprime de manière encore plus tranchante :

« La politique coloniale extensive a mis le prolétaire européen en partie dans une position telle, que ce n’est pas par son travail que l’ensemble de la société est maintenu, mais par le travail des indigènes coloniaux presque asservis. La bourgeoisie anglaise, par exemple, tire plus de profit des dizaines et centaines de millions de personnes en Inde et dans ses autres colonies que des travailleurs anglais. Dans ces conditions, la base matérielle et économique de la contamination du prolétariat de tel ou tel pays par le chauvinisme colonial est créée dans les pays connus » [20].

Pendant la Grande Guerre Patriotique, les gens en URSS ont également demandé aux agitateurs du parti : pourquoi les ouvriers allemands nous ont-ils attaqués, nous, le premier pays socialiste ?
Après tout, c’était contre leurs intérêts de classe, et ils semblent avoir une conscience de classe très développée ?
Peut-être devons-nous commencer à penser dans des catégories différentes, nationales ?

La bonne réponse est que l’impérialisme allemand a donné vie au fascisme et a promis aux travailleurs de construire un fabuleux Reich sur les os et aux dépens des peuples « inférieurs ».
Cette idée a malheureusement été acceptée. En éliminant la principale force de la classe ouvrière - les communistes et les sociaux-démocrates conséquents - les fascistes ont pu convaincre et influencer positivement les masses de travailleurs initialement sceptiques et même hostiles à l’idée d’une « communauté nationale » aux dépens des « inférieurs ».

Tant que le succès militaire a accompagné les conquérants allemands, beaucoup de ceux qui avaient auparavant vécu dans la misère ont pu profiter des fruits de cette « communauté du peuple » et éprouver un sentiment de réussite individuelle en volant et en assassinant les « sauvages » inférieurs.
Ceux qui auparavant ne pouvaient même pas couiner en Allemagne ont soudainement eu la possibilité de coucher avec n’importe quelle fille qui leur plaisait. Il est vrai que le peuple soviétique ne voulait pas se transformer en
« nouveaux Indiens » et a repoussé l’agression impérialiste.

Cette compréhension mène-t-elle à une scission de la classe ouvrière ?
Cela ressemble aux objections des machistes : nous ne pouvons pas parler d’une oppression particulière des femmes parce que les hommes se sentent offensés et dévalorisés, et cela divise la classe ouvrière ! Il est vrai que ce n’est pas un problème dans le mouvement communiste d’Europe occidentale, car tout le monde comprend : les prolétaires masculins sont capables de comprendre que les femmes ont des problèmes supplémentaires, et c’est un fait réel et prouvable.

De même, en tant que travailleur dans un pays du centre impérialiste, je ne vois aucun problème à admettre que les travailleurs d’autres pays vivent plus mal : ils mangent moins et même meurent de faim, bénéficient de moins de soins de santé et de soutien social. Cela ne rend pas la lutte syndicale en Allemagne inutile. Mais cela crée une responsabilité particulière pour les travailleurs des centres. Ils doivent être prêts à soutenir les travailleurs de la périphérie par solidarité et au moins comprendre leur situation de double oppression.

Toute personne qui n’est pas prête à faire preuve de solidarité internationale n’a pas le droit d’être appelée communiste !

Pourquoi est-il vraiment important de reconnaître cette distinction entre les États du centre et de la périphérie ?
La différence réside dans la tactique. La théorie de l’impérialisme de Lénine fournit certaines recommandations stratégiques et tactiques. La lutte anti- impérialiste contre l’impérialisme collectif, menée par les États-Unis, doit généralement être soutenue, même si cette lutte est menée par un régime bourgeois.
Dans un pays périphérique, les communistes doivent choisir leur tactique selon que le gouvernement est anti ou procommuniste et selon que ce gouvernement est cohérent dans l’antiimpérialisme. La classe ouvrière est toujours plus cohérente contre l’impérialisme que la bourgeoisie, c’est pourquoi les communistes doivent le faire savoir au peuple et exhorter le gouvernement à être cohérent dans cette lutte, tout en menant eux-mêmes cette lutte, en dehors de la lutte de classe « normale ».
Il existe des termes comme « bourgeoisie compradore » et « bourgeoisie à orientation nationale », « libération nationale » et « lutte pour l’indépendance », même le nationalisme peut être dans une certaine mesure de gauche et progressiste (tant qu’il s’agit du nationalisme d’une minorité réellement opprimée), et ainsi de suite. Les luttes dans les pays dépendants sont à bien des égards différentes de celles du centre.

Que nous offre la théorie du KKE ?
Indépendamment de la conscience de classe existante, selon la théorie de la pyramide, nous devons toujours lutter contre le gouvernement bourgeois, même si, comme en Biélorussie ou au Venezuela, les forces pro-occidentales essaient encore et encore d’organiser une révolution de couleur et un changement de régime.
Autrement dit, on demande à la classe ouvrière de se montrer solidaire de ces « rats » et de faire le jeu de l’impérialisme collectif. C’est une stratégie très douteuse ! Tant qu’il ne s’agit que de se recroqueviller dans un cercle de personnes partageant les mêmes idées, c’est bien, cela ne dérange personne. Mais si tu veux travailler avec des masses spécifiques, avec des personnes spécifiques, les difficultés commencent.

Les masses laborieuses du Venezuela, par exemple, doivent-elles être solidaires de Guaidó et aller se rassembler contre le gouvernement chaviste avec l’« opposition » ? Même s’ils apportent leurs propres affiches et tracts avec eux. Tout aussi douteux seraient les slogans mettant Maduro et Guaidó sur un pied d’égalité et appelant à « Pas de Maduro, pas de Guaidó ! ».
Le Parti communiste du Venezuela, s’il ne fusionne pas avec les Chavistas modernes en raison de leur incohérence, ne met cependant pas ce gouvernement populaire et l’opposition pro-impérialiste sur le même plan, mais prend un parti particulier.

On peut aussi le montrer avec l’exemple du Donbass. Les gens là-bas ressentent très clairement l’injustice et la cruauté qui sont perpétrées contre eux avec le soutien des centres impérialistes, aux mains des militaires et des fascistes ukrainiens. Ils sont submergés par le sentiment de la nécessité de défendre leur patrie et eux-mêmes, leur histoire et leur culture et tout simplement leur vie.
Ils n’ont pas besoin de propagande pour le faire. La propagande des médias occidentaux et ukrainiens (à leur disposition !) les dépeint comme des "séparatistes pro-russes" et même des "fascistes", les privant de tout droit moral de se défendre. Ils sont considérés comme manquant même de volonté propre et de subjectivité ; après tout, ils ne sont que des « agents pro-russes ».

Il y a même des communistes comme les représentants du KKE qui acceptent aveuglément ce récit de l’impérialiste collectif, en disant quelque chose comme : « Vous n’êtes que les serviteurs d’un autre impérialiste (qui est en fait tout aussi mauvais), avec une soi-disant république populaire entre guillemets, donc votre lutte n’est pas justifiée. Rentrez chez vous, faites la paix avec les fascistes ukrainiens (comment faire une paix durable avec des fascistes, peut- être en érigeant volontairement des monuments à Bandera ?) et mieux encore, essayez de lutter pour des augmentations de salaire par le biais des syndicats, c’est la bonne voie. Peut-être que dans 50 ans, vous apprendrez enfin à vous défendre collectivement, vous aurez un mouvement syndical organisé conforme à nos idées, et en plus un parti communiste normal, sans déviations révisionnistes, et alors nous dirons peut-être que votre lutte est juste et correcte ! »

Oups.
Si c’est ça le communisme, je ne suis certainement pas communiste. Je veux être dans les rangs où se tiennent nos combattants tombés au combat, Alexey Mozgovoy (pas du tout communiste) et Alexey Markov-Dobry ! Là où se tiennent encore aujourd’hui les communistes et les non-communistes qui se battent ou sont morts dans cette lutte. Je veux être là où l’histoire se fait.
Je veux être dans les rangs de l’armée mondiale dirigée par le Che, Allende, Ho Chi Minh, Sankara, Lumumba et Kim Il Sung.
Dans les rangs de la résistance anti-impérialiste !
Enfin, si les communistes des pays centraux ne reconnaissent pas les nombreux problèmes du prolétariat dans la périphérie, comment peuvent-ils évaluer des phénomènes tels que la migration (très pertinente en Allemagne !) ou les « révolutions colorées » ?
Comment les camarades du KKE peuvent-ils expliquer que certains pays sont très développés et d’autres arriérés ?
Peut-être répètent- ils le mensonge des médias allemands sur les « Grecs paresseux » : les Grecs ne seraient pas aussi travailleurs que les Allemands et auraient donc des problèmes économiques ?
La théorie du système mondial (ou de la dépendance) aide à comprendre pourquoi, en particulier, la Grèce, la semi- périphérie européenne, a tant souffert pendant la dernière grande crise économique. Cependant, nous pouvons supposer que les camarades eux- mêmes devineront, au plus tard lorsqu’ils chercheront une explication à la famine en Afrique, que la cause ici est évidemment l’exploitation impérialiste.

Toute autre explication serait raciste.

Parfois, on se demande pourquoi le KKE avait besoin d’un terme tel que
« impérialisme » en premier lieu ?
Après tout, selon la « théorie de la pyramide », il suffirait de dire que tous les pays sont aujourd’hui capitalistes et qu’un pays capitaliste, s’il possède une certaine puissance militaire et économique, mène toujours une politique agressive. Et nous devrions « simplement » nous opposer à tous les capitalistes et nous ranger du côté de la classe ouvrière et c’est tout !

La Russie

Dans cette dernière partie, nous allons nous interroger sur le responsable de la crise de la pensée actuelle : la Russie et son opération spéciale, avec la guerre économique de l’Occident qui s’ensuit.

Ces dernières années, les discussions autour de la Russie ont toujours tourné autour des mêmes questions : une partie de l’opinion soutenait que la Russie est un géant impérialiste émergeant (en citant trois des cinq caractéristiques léninistes démontrant que ces dernières sont observables en Russie).
L’autre mouvement semblait nourrir simplement un amour secret pour ce pays, déclarant sans raison que la Russie est « non-capitaliste », presque socialiste :
« La troisième voie », « Camarade Poutine », « En Russie, la politique prime sur l’économie »...et autres idées farfelues.
Le deuxième point de vue me semblait très éloigné de la réalité (et l’est toujours !), c’est pourquoi je me suis donc penchée plus particulièrement sur le premier.

Pour voir la véritable position occupée par la Russie dans le système mondial actuel, nous nous tournerons à nouveau vers l’article d’Oleg Komolov intitulé
« Capital Outflow from Russia in the Context of World-Systems Analysis » [21].
Cet article contient de nombreux graphiques et tableaux, que je ne présenterai pas ici en raison de leur longueur, chacun pouvant les étudier dans la source d’origine.

Komolov discute du concept de « sorties de capitaux », concernant les catégories d’exportation de capitaux, la fuite de capitaux ou l’exportation de capitaux.
« L’exportation de capitaux est traditionnellement comprise comme
« l’exportation de capitaux à l’étranger, effectuée sous forme monétaire ou de marchandises, dans le but d’augmenter les profits, de renforcer les positions économiques et politiques et d’étendre la sphère d’exploitation »
 [22] [c. 96].

Cette interprétation est proche de celle donnée par V.I. Lénine dans
« L’impérialisme comme stade suprême du capitalisme ». L’exportation du capital est définie par le processus de « surmaturation » du capitalisme métropolitain, qui cherche à placer le capital de manière rentable dans les pays arriérés [23] [p. 359]. Dans une certaine mesure, ce phénomène est aussi propre à l’économie nationale. Les grandes entreprises russes, les multinationales investissent activement à l’étranger, acquièrent des actifs et luttent pour l’expansion de leur part des marchés étrangers. Par exemple, la Société anonyme publique Gazprom investit 102,4 milliards de roubles dans le projet Nord Stream-23*.
Le portefeuille de commandes étrangères de Rosatom Corporation à la fin de 2016 s’élevait à $133 milliards4*. Dans l’ensemble, les investissements directs étrangers cumulés de la Russie à l’étranger s’élèveraient à $335,7 milliards à la fin de 20165.
(Les sources avec astérisques *peuvent être consultées dans l’article de Komolov, voir la liste des références).

Au passage, on peut déjà constater par-là, que toutes les exportations de Gazprom ont été faites pour rien, Nord Stream 2 n’apportant aucun bénéfice.
« L’exportation de capital est caractéristique des économies développées et fortes ,qui envoient du capital à l’étranger pour son application rentable. Dans ce cas, le pays exportateur aura un afflux net régulier de capitaux, où chaque dollar exporté rapportera une plus value théorique de 10 cents. Cependant, la sortie nette de capitaux de Russie depuis des décennies suggère que ces bénéfices, soit demeurent à l’étranger et ne reviennent pas dans l’économie russe, soit s’avèrent insuffisants pour compenser la sortie de capitaux « non investis » au pays. En outre, ces investissements peuvent être utilisés comme des outils pour déplacer des actifs hors du pays, vers des zones offshores.

Par exemple, selon la Banque centrale de Russie, en 2014. La Russie a dirigé vers l’économie des îles Vierges britanniques plus de $82 milliards sous forme d’investissements directs [24], ce qui est 77 fois plus que le PIB nominal annuel de ce pays [25]. Bien sûr, ces investissements étrangers ne peuvent pas être classés dans la catégorie des exportations de capitaux.
En outre, il existe également des sorties et des migrations de capitaux (qui ne
diffèrent que par leur vitesse et leur motivation). Ces sorties et migrations, ne surviennent parce que leurs propriétaires essaient de déplacer leurs actifs vers des lieux plus sûrs.
Il existe une légende dans le mouvement communiste en RFA selon laquelle la fuite des capitaux de Russie s’est essentiellement arrêtée à la fin des années 1990 après la répression de Poutine [26]. Komolov montre qu’il n’en est rien.
« Pour la Russie, au cours des dernières décennies, l’intensification de la fuite des capitaux s’est produite en 2008 et en 2014. - Dans les deux cas, le pays a été confronté à une flambée d’inflation, à une baisse de la demande des consommateurs et à des faillites massives d’entreprises. Cela s’est accompagné d’une forte volatilité des taux de change, d’attentes de dévaluation et d’une hausse des taux d’intérêt. Pendant ces deux années, le secteur privé a retiré
$285 milliards de l’économie russe. »

« Selon certaines estimations, la sortie de capitaux qui ne sont pas liés à des activités commerciales normales mais qui visent plutôt à les dissimuler, représenterait environ 70 % de tous les actifs qui traversent la frontière russe » [27][p. 114].

Où va le capital russe ?
Au cours des dernières décennies, la principale localisation des actifs nationaux était (et est toujours) offshore - 42 zones offshore classiques spécifiées dans la liste officielle de la Banque centrale de Russie [28] (elle comprend principalement des États insulaires exotiques), ainsi que des pays « conducteurs offshore » [29] [p. 8] (Royaume-Uni, Pays-Bas, Irlande, Suisse, Chypre, Liechtenstein, Luxembourg), qui servent de points de transfert pour les capitaux russes.
Il s’agit de juridictions qui offrent aux sociétés non- résidentes des conditions fiscales attrayantes ; associées à des taux d’imposition sur les sociétés assez bas et à un certain nombre d’avantages fiscaux, un régime monétaire favorable, un niveau élevé de confidentialité. Pour déterminer la part des sociétés offshore dans la totalité des sorties de capitaux de Russie, tournons-nous vers les statistiques du solde des investissements étrangers de la Russie (investissements directs et de portefeuille).
Selon la Banque centrale de Russie, au cours des 10 dernières années, les sociétés offshores ont représenté environ 70% des investissements sortants. La plupart sont allés dans des pays offshore, tandis que la part des investissements offshore insulaires a chuté à 10 % en 2017.
Cette situation reflète sans aucun doute l’état malsain de l’économie russe.
Les autorités au plus haut niveau en parlent également.

Le gouvernement russe tente de prendre des mesures visant à empêcher la fuite des capitaux, mais ces mesures se sont avérées inefficaces :

  • « Cinq ans se sont écoulés depuis la déclaration de guerre à l’offshore, mais les résultats de la politique de « dé-offshorisation » et de rapatriement n’ont pas été couronnées de succès. L’économie russe continue de perdre des dizaines de milliards de dollars par an, et en 2017, la part offshore des sorties de capitaux a dépassé 82%. Pendant ce temps, la baisse nominale des sorties nettes de capitaux au cours des dernières années est principalement due à une forte baisse des recettes en devises provenant des exportations de matières premières , et à la chute de presque deux fois du taux de change de la monnaie nationale russe par rapport au dollar. »

Komolov montre ainsi que les fuites et sorties de capitaux en Russie dépassent de loin les exportations de capitaux. Il poursuit en expliquant le mécanisme par lequel l’économie russe en particulier est exploitée. Les économies périphériques sont en concurrence les unes avec les autres pour vendre, dans ce cas, des produits de base.

Komolov écrit :

  • « L’un des outils les plus efficaces dans cette lutte est la politique délibérée des États périphériques pour sous-évaluer la monnaie nationale, ce qui crée un environnement économique favorable aux exportateurs. Selon M.V. Ledneva, les relations économiques entre la périphérie et le centre du capitalisme mondial font que les pays occidentaux ,(dans lesquels résident 16% de la population de la planète) consomment 85% des ressources naturelles mondiales. En général, il existe une corrélation claire, entre le niveau de développement économique d’un pays et le degré de déviation du taux de change nominal de la monnaie nationale (en termes de pouvoir d’achat) par rapport au dollar étasunien.
  • En 2014, la taille de la balance commerciale de la Fédération de Russie a été multipliée par plus de trois : de $60 à $190 milliards25. L’afflux massif de pétrodollars sur le marché des changes a exercé une pression importante sur le taux de change du rouble, stimulant sa croissance.
  • Après la forte baisse des prix mondiaux des matières premières en 2014, cette pression s’est relâchée et le taux de change effectif réel du rouble a quelque peu diminué. Cette situation a aggravé la position des exportateurs russes et a obligé le gouvernement à prendre des mesures pour freiner cette croissance. L’indice du taux de change effectif nominal en baisse constante en est une indication claire, ce qui n’aurait pu se produire si les grands acteurs n’avaient délibérément influencé cet indicateur.
  • Dans ces circonstances, les sorties nettes de capitaux à grande échelle de l’économie russe sont un facteur positif pour le gouvernement, car elles réduisent l’offre de dollars, sur le marché des devises et freinent ainsi l’appréciation de la monnaie nationale. Qui plus est, l’État russe a activement retiré des capitaux du pays pendant toutes ces années, et ce, dans des proportions moins importantes que le secteur privé. Le gouvernement et la Banque centrale ont utilisé deux instruments principaux à cette fin : la constitution de réserves internationales et le remboursement de la dette nationale.
  • Comme le montrent les données ci-dessus, le gouvernement agit comme un sujet actif de sortie de capitaux de Russie. De plus, lorsque le secteur privé a cessé de retirer des actifs de l’économie nationale (2006-2007), l’État en a fait de même. C’est pendant cette période que la Banque centrale a commencé à constituer rapidement ses réserves de devises étrangères - en achetant des dollars qui étaient entrés sur le marché des devises russes, réduisant ainsi leur offre. Ces fonds ont ensuite été investis dans une large mesure dans l’achat de titres du monde développé.
  • Par exemple, entre 2007 et 2013, la somme d’argent investie par la Russie dans des obligations du Trésor américain est passée de $8 à $164 milliards. Cet argent ne travaille pas en Russie et n’est pas investi dans le développement de l’économie nationale ; au contraire, il est investi dans les économies des pays occidentaux, avec peu de profit pour l’investisseur en raison des faibles taux d’intérêt actuellement fixés en Occident [30]. Un autre instrument de retrait des actifs en dollars de l’économie est le remboursement de la dette extérieure par l’État. En 2000, les dettes extérieures de l’État russe s’élevaient à $149 milliards, en 2017, cette somme avait été divisée par trois pour atteindre $51 milliards.
  • Comme la dette extérieure est payée en devises étrangères, son remboursement est aussi un instrument important pour « soulager la pression » sur le marché national des changes. En combinant les deux canaux de sortie de capitaux de Russie (privés et publics), nous constatons que la sortie totale d’actifs de l’économie nationale évolue selon une tendance ascendante.
  • En additionnant ces chiffres année par année, nous obtenons le montant de la
  • sortie nette de capitaux de l’économie russe au cours des vingt dernières années.
  • Il s’élève à plus de $1.000 milliards.
  • Ainsi, le gouvernement ne peut pas considérer les sorties de capitaux comme un facteur négatif pour le fonctionnement du modèle économique russe. Au contraire, le secteur privé aide le gouvernement à atteindre un objectif de politique économique important, caractéristique des pays périphériques et
  • semi-périphériques, qui consiste à maintenir la monnaie nationale à un niveau sous-évalué.
  • Cependant, qu’est-ce que cela signifie pour l’économie de la Russie ?
  • Finalement, soutenir un taux de change particulier de la monnaie nationale ne rend pas le pays plus riche ou plus pauvre. Il s’agit uniquement d’un outil permettant de redistribuer les actifs entre les participants à l’économie. Si le rouble est sous-évalué, les actifs sont retirés aux importateurs : les consommateurs ordinaires qui achètent des produits étrangers, l’industrie manufacturière nationale et, en particulier, l’agriculture, qui dépend fortement des machines, engrais, semences, etc. importés, en souffrent.
  • Dans le même temps, les exportateurs russes (et il s’agit de 70% des entreprises de produits de base) sont « baignés » dans l’argent liquide du rouble, selon le Service fédéral des douanes, en 2016. 47% des importations russes étaient des machines et des équipements, et 18% des produits chimiques. Et ce sont les tracteurs et les moissonneuses-batteuses, les outils de transport et les machines-outils, les engrais et les produits chimiques - les éléments les plus importants des coûts de production des biens de consommation de base.
  • Dans le même temps, les industries des matières premières sont devenues les principales bénéficiaires du rouble bon marché.
  • La part du pétrole et du gaz dans les exportations nationales, même dans le contexte d’une chute de deux fois le prix de ces matières premières, est de 60%. Les secteurs des matières premières, en raison de leur forte rentabilité, absorbent une part croissante des investissements dans l’économie nationale, lesquelles sont nécessaires au développement de nouveaux domaines. La position privilégiée de l’industrie des matières premières en raison du rouble sous-évalué conduit au fait qu’il devient plus rentable d’exporter du carburant que de le vendre sur le marché intérieur. Cela entraîne une pénurie d’approvisionnement sur le marché intérieur et une augmentation supplémentaire du prix du carburant et des produits énergétiques.
  • La sous-évaluation du rouble réduit l’efficacité de l’attraction des prêts en devises étrangères et affaiblit le rôle de la Russie en tant qu’investisseur dans l’économie mondiale, car les actifs étrangers deviennent trop chers. En résumé, nous constatons que les sorties de capitaux sont inhérentes aux économies de la périphérie mondiale, qui entretiennent des relations de change non équivalentes avec les pays développés.
  • Puisque la Russie fait toujours partie du système capitaliste mondial, étant un
  • fournisseur de matières premières, la lutte contre les sorties de capitaux semble inutile et futile. Les appels de plus en plus fréquents à restituer les réserves d’or et de devises étrangères investies dans les titres de pays étrangers suscitent également des doutes.
  • Si le modèle socio-économique actuel (dominé par l’industrie des matières premières et ouvert au marché mondial grâce à la participation à l’OMC) est conservé, le pays ne pourra que subir une baisse des recettes d’exportation et des déséquilibres budgétaires.
  • Il est impossible de changer un élément tout en gardant le système inchangé. La lutte contre les sorties de capitaux de Russie doit s’accompagner de l’élaboration d’une nouvelle stratégie de développement de l’économie nationale, et sa réindustrialisation. En utilisant les mécanismes de planification, l’État devrait concentrer ses ressources sur un certain nombre d’industries les plus importantes, principalement celles à forte intensité de connaissances.
  • Dans ce cas, la rétention des capitaux qui sortent de Russie sera une source d’investissements de démarrage, tandis que le renforcement du rouble permettra d’équiper rapidement ces industries d’équipements modernes et à moindre coût. Lorsque ces industries deviendront plus fortes et plus compétitives, la Russie pourra entrer sur le marché mondial avec un nouveau rôle, en se fournissant elle-même en produits qu’elle importe actuellement en grandes quantités.
  • Cependant, avec la stratégie socio-économique actuelle qui vise principalement à protéger les intérêts des sociétés de matières premières, la mise en œuvre d’un tel projet est douteuse. »

Ces très longues citations sont malheureusement nécessaires comme explication scientifique de ce qui se passe dans l’économie russe.
Immédiatement après l’imposition des sanctions occidentales, nous avons pu observer - et ce n’est pas du tout une coïncidence - que le rouble a soudainement fortement augmenté par rapport au dollar et à l’euro (de 80-90 en février à 60, et même auparavant 50 roubles par dollar). Les mécanismes de dépréciation du rouble ont cessé de fonctionner (ils sont en train de se rétablir, selon Komolov lui-même, ce qui explique pourquoi nous ne voyons plus de croissance de la monnaie russe - la Russie continue d’exporter des matières premières, simplement en redirigeant les flux, le rouble devrait baisser dans l’intérêt des exportateurs).

La Russie est donc un État périphérique capitaliste typique. Une vision en noir et blanc serait erronée, car il y a à la fois des sorties et des entrées de capitaux en Russie, mais les sorties de capitaux prédominent clairement, et la position de fournisseur de matières premières bon marché à l’Europe n’est en aucun cas saine ou enrichissante pour le peuple russe. Poutine n’a absolument pas changé cette situation, et même la défunte URSS a progressivement commencé à reprendre le rôle d’exportateur de matières premières ( ), mais bien sûr l’URSS n’avait pas de fuite de capitaux vers les banques occidentales ni de propriété privée de ces capitaux.

La Russie est dirigée par la bourgeoisie compradore, les rois des matières premières, qui ont très peu d’intérêt pour l’intégrité territoriale et l’indépendance de la Russie.

Même si la Fédération de Russie est divisée en de nombreuses petites entités et complètement pillée, même si les entreprises étrangères obtiennent un accès direct au pétrole et au gaz, ces oligarques obtiendront toujours leur part des bénéfices et en seront heureux. Ils ont des villas et des châteaux en Occident, leurs enfants ont été éduqués en Occident, et dans tous les cas, ils ne se sentent pas tant russes que citoyens du monde occidental.
Certains hauts fonctionnaires se comportent de la même façon et servent les intérêts de ces compradores.
Il semble y avoir une autre faction de fonctionnaires dans l’entourage de Poutine qui soutient des politiques russes relativement indépendantes. Le gouvernement de Poutine essaie de trouver des alliés alternatifs ainsi que de maintenir certains acquis sociaux (bien qu’il y ait là aussi des pertes, comme l’augmentation de l’âge de la retraite ou l’« optimisation » de l’éducation et de la médecine).

Sur la base des faits connus de l’encerclement de la Russie par l’OTAN (je peux me référer ici à l’excellent article du camarade Kissel dans KO, [31], lien de traduction là) et des politiques et rhétoriques généralement agressives, on peut conclure que la situation actuelle en Russie n’est pas assez profitable pour l’impérialisme collectif. Il veut obtenir les riches ressources de notre pays encore moins chères et sans aucune condition, peut-être que les sociétés étasuniennes veulent simplement prendre le contrôle et démanteler la Russie comme bon leur semble.
C’est pourquoi l’Ukraine, ainsi qu’un certain nombre d’autres pays voisins, ont commencé à se transformer en « bases militaires » conçues pour la guerre contre la Russie.

Nombreux sont ceux qui ont déjà été écrit sur le contexte politique et les détails entourant l’opération spéciale et je ne veux pas le répéter ici.
De tout ce qui a été écrit ci-dessus, on peut tirer les conclusions suivantes :

1. La Russie est une périphérie impérialiste, son économie est exploitée et a peu de possibilités de développement ; les bénéfices de la Russie vont principalement aux impérialistes collectifs.

2. le gouvernement russe poursuit néanmoins une politique indépendante (plus ou moins indépendante-rouge.) et veut préserver au moins son indépendance politique, l’intégrité territoriale et un certain niveau de vie pour le peuple.

3. La grande bourgeoisie russe est en grande partie une bourgeoisie compradore, qui favorise l’impérialisme collectif.

4. La crise en Ukraine a été préparée par les services secrets de l’impérialisme collectif depuis 2014, et en fait bien avant, afin de remettre la Russie à sa place politiquement et, si possible, de la démanteler pour qu’elle ne puisse plus prendre de décisions indépendantes (pas d’armes nucléaires, pas de grande armée, un territoire divisé, etc.)

5. Sans aucun doute, les politiques des impérialistes occidentaux et de l’OTAN sont également extrêmement dangereuses pour la classe ouvrière russe. La « victoire » sur la Russie décrite ci-dessus et la privation de son indépendance signifient également une détérioration massive de la classe ouvrière, économiquement et politiquement (mot clé « décommunisation »).

6. La classe ouvrière ukrainienne souffre aujourd’hui déjà d’un régime fasciste et totalement dépendant, au moins depuis 2014 (l’impérialiste collectif aimerait voir quelque chose de similaire en Russie). Outre une très mauvaise situation sociale, l’anticommunisme et en partie (surtout dans l’est et le sud) la terreur fasciste, selon le ministère russe de la Défense, les impérialistes n’ont même pas cessé de mener des expériences biologiques sur des personnes dans
les laboratoires de l’OTAN.

Bien sûr, la guerre actuelle apporte également de grandes souffrances au peuple ukrainien. La fin de cette guerre est hautement souhaitable. Mais puisque la guerre a déjà commencé, elle devrait prendre fin lorsque les intérêts de tous les peuples concernés - la Russie, le Donbass et l’Ukraine - seront protégés, et non dans l’intérêt de l’impérialisme collectif, qui sous prétexte d’une « larme d’enfant » (Dostoïevski) aimerait beaucoup obtenir la Crimée et l’accès aux côtes de la mer Noire, les riches ressources du Donbass et de la Tauride, et à long terme le démembrement de la Russie et sa dépendance totale.

7. Cette guerre ne peut pas être qualifiée d’« interimpérialiste » car c’est la plus grande bourgeoisie russe qui n’a aucun intérêt dans cette guerre, comme en témoignent les nombreuses déclarations des oligarques et le départ éclair, par exemple, de Tchoubaïs, Prokhorov et d’autres super-riches. Il ne s’agit pas d’une guerre menée par les « impérialistes russes », mais d’une guerre menée par la bourgeoisie à orientation nationale et les fonctionnaires à l’esprit patriotique, avec un grand soutien du prolétariat (75% du soutien populaire selon les sondages, un mouvement de volontaires notable).

Il s’agit d’une guerre défensive antiimpérialiste.

- Cette guerre ralentit les ambitions mondiales des impérialistes. En ce sens, toute équidistance, toute condamnation de la Russie comme « aussi l’agresseur » et « aussi l’impérialiste » est une trahison de la solidarité internationale.

Aujourd’hui, nous pouvons observer de nos propres yeux comment les peuples du monde comprennent spontanément cette situation : en Afrique ou dans le lointain Pérou, des combattants anti-impérialistes brandissent soudainement des drapeaux et des affiches russes avec les mots « Poutine, interviens ! »,
« Russie, aide à protéger notre patrie ! ».
Ils perçoivent la Russie comme une « camarade » en position périphérique, mais avec une armée plus puissante, comme une force se tenant de leur côté - contre l’impérialisme.

Bien sûr, nous ne devons pas idéaliser la Russie de cette façon, la présence d’une classe puissante de la bourgeoisie compradore l’empêche de mener une politique antiimpérialiste de manière cohérente, d’où les nombreux échecs et les vacillations et problèmes observés dans l’Opération militaire spéciale.

Mais la position des communistes, qui cherchent chaque jour « l’impérialisme russe » pour ne pas se tenir résolument du côté des peuples en lutte, est faible et conciliante.


[1Vasilis Opsimos, « La théorie de l’impérialisme de Lénine et ses déformations ». La traduction allemande nous a été fournie par l’Organisation communiste et peut être demandée là-bas ou aux représentants du KKE.

[2Dzarasov, R. S. « Le développement dans le monde moderne. Le capitalisme à orientation nationale est-il possible ? / R.S. Dzarasov // « Économie des mégapoles et des régions. – 2013 ». - № 1(48). - С. 8-35.

[3V.I. Lénine, PSS, vol. 41, p. 241. Discours prononcé lors du deuxième congrès du Comintern.

[4Staline, PSS, vol. 8, p. 69. 69. « Sur les perspectives de la révolution en Chine ».

[5Kim Jong Il, Ausgewählte Werke T 1. Août 1960-Juni 1964.

[6Kim Jong Il, Ausgewählte Werke T 1. Août 1960-Juni 1964

[7Ernesto Che Guevara. « Message aux peuples du monde envoyé à la Conférence des Trois Continents » / Ernesto Che Guevara (scepsis.net)

[8Michael Opperskalski. « Einige Thesen zur sogenannten ’Neuen Weltordnung’ », in :
« Imperialismus und anti-imperialistische Kämpfe in 21. Jahrhundert », 28/29octobre 2020, Hrsg : Offensiv.

[9E.Cervi, S.Vicario « Die Notwendigkeit der Klarheit über die ökonomische Struktur
Russlands” in : Offensiv 02-2022.

[10Dzarasov, R. S. « Le développement dans le monde moderne. Le capitalisme à orientation nationale est-il possible ? / R.S. Dzarasov // « Économie des mégapoles et des régions. – 2013 ». - № 1(48). - С. 8-35.

[11Vasilis Opsimos, « La théorie de l’impérialisme de Lénine et ses déformations ». La traduction allemande nous a été fournie par l’Organisation communiste et peut être demandée là-bas ou aux représentants du KKE.

[12О. Komolov. « Les sorties de capitaux de la Russie dans le contexte de l’analyse des systèmes mondiaux ». Verfügbar unter : Sortie de capitaux de Russie dans le contexte de l’analyse des systèmes mondiaux - le sujet de l’article scientifique sur l’économie et le commerce lire gratuitement le texte du travail de recherche dans la bibliothèque électronique CyberLeninka (cyberleninka.ru).

[13Dzarasov, R. S. « Le développement dans le monde moderne. Le capitalisme à orientation nationale est-il possible ? / R.S. Dzarasov // « Économie des mégapoles et des régions. – 2013 ». - № 1(48). - С. 8-35.

[14Lénine, « L’impérialisme comme stade suprême du capitalisme » PSS T. 27, p. 299.

[15Lénine, « L’impérialisme comme stade suprême du capitalisme » PSS T. 27, p. 299.

[16Samir Amin. « L’impérialisme américain, l’Europe et le Moyen-Orient ». 2004. (archive.org).

[17Samir Amin. « L’impérialisme américain, l’Europe et le Moyen-Orient ». 2004. (archive.org).

[18Vasilis Opsimos, « La théorie de l’impérialisme de Lénine et ses déformations ». La traduction allemande nous a été fournie par l’Organisation communiste et peut être demandée là-bas ou aux représentants du KKE.

[19F. Engels. Préface à l’édition allemande de « La condition de la classe ouvrière en Angleterre », 1892.

[20V.I. Lénine, « Congrès international des socialistes à Stuttgart », PSS, vol. 16, p. 79.

[21О. Komolov. « Les sorties de capitaux de la Russie dans le contexte de l’analyse des systèmes mondiaux ». Verfügbar unter : Sortie de capitaux de Russie dans le contexte de l’analyse des systèmes mondiaux - le sujet de l’article scientifique sur l’économie et le commerce lire gratuitement le texte du travail de recherche dans la bibliothèque électronique CyberLeninka (cyberleninka.ru).

[22Vasilis Opsimos, « La théorie de l’impérialisme de Lénine et ses déformations ». La traduction allemande nous a été fournie par l’Organisation communiste et peut être demandée là-bas ou aux représentants du KKE.

[23V.I. Lénine, PSS, vol. 41, p. 241. Discours prononcé lors du deuxième congrès du Comintern.

[24Michael Opperskalski. « Einige Thesen zur sogenannten ’Neuen Weltordnung’ », in :
« Imperialismus und anti-imperialistische Kämpfe in 21. Jahrhundert », 28/29octobre 2020, Hrsg : Offensiv.

[25E.Cervi, S.Vicario « Die Notwendigkeit der Klarheit über die ökonomische Struktur
Russlands” in : Offensiv 02-2022.

[26E.Cervi, S.Vicario « Die Notwendigkeit der Klarheit über die ökonomische Struktur Russlands” in : Offensiv 02-2022.

[27Samir Amin. « L’impérialisme américain, l’Europe et le Moyen-Orient ». 2004. (archive.org).

[28Statista.de. « USA et Chine - Comparaison des forces armées » 2015 | Statista

[29Statista.de de.statista/statistik/daten/studie/157935/umfrage/laender-mit-den- hoechsten-militaerausgaben/

[30Vasilis Opsimos, « La théorie de l’impérialisme de Lénine et ses déformations ». La traduction allemande nous a été fournie par l’Organisation communiste et peut être demandée là-bas ou aux représentants du KKE.

[31Ph. Kissel. « Zur Kritik der Joint Statement" und zur NATO-Aggression gegen Russland ».

   

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