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Installation de migrants : la stratégie de la terreur de l’extrême droite

lundi 10 avril 2023 par Thierry Vincent / Blast

« Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde. »Bertolt Brecht.

Depuis le 11 janvier, la mairie de Callac (Côtes d’Armor) a annoncé l’abandon de son projet d’accueil de réfugiés suite aux pressions, intimidations et menaces de l’extrême droite, cette dernière se sent pousser des ailes. Un collectif « Partout Callac », emmené par un activiste de Reconquête, mène une campagne de pression tous azimuts contre toutes les communes prévoyant d’accueillir des migrants : menaces, calomnies, harcèlement, rien n’est épargné aux élus « immigrationnistes » .
Le domicile du maire de St-Brevin, Yannick Morez, a même été la cible d’un incendie criminel, sans qu’un lien ne puisse, pour l’instant, être fait avec ses positions favorables à l’accueil de migrants.

« En fait, c’est un non-sujet. Depuis janvier, notre commune accueille 6 familles de réfugiés » nous explique Olivier Allain, le maire de Corlay, 957 habitants, dans les Côtes d’Armor. Tout se passe bien, il n’y a aucune opposition de la part de la population locale, seule une réunion a été organisée sur le sujet, à la demande d’une trentaine d’habitants qui voulaient aider les nouveaux arrivants. Ils leur ont donné des vêtements, des vélos, se sont organisés pour accompagner les enfants à l’école. »
Ou presque : des habitants ont reçu des tracts dénonçant l’« invasion migratoire », et le maire est devenu la cible de l’extrême droite.

L’accueil des réfugiés est pourtant un projet privé : « Un terrain a été vendu à l’association Viltaïs, spécialisé dans ces structures d’accueil, ce n’est pas un projet de la mairie. Simplement, nous ne nous y sommes pas opposés, et aucun élu municipal n’a trouvé à y redire, et j’assume être favorable à cet accueil. » L’édile, déterminé, n’est néanmoins pas complètement serein : « j’ai longuement hésité avant d’accepter de vous parler, avoue-t-il, je ne veux pas alimenter des polémiques et exciter les petits fachos. Ce qui s’est passé ailleurs n’est pas très rassurant. »

Ailleurs, c’est à Callac,St-Brevin, Bélâbre.

Au commencement était Callac. Une bourgade sans histoire de 2200 habitants perdue dans l’arrière-pays breton. Petit flashback : au printemps dernier, la municipalité annonce, dans une certaine indifférence, le projet Horizons, qui prévoit d’accueillir quelques dizaines de migrants. « Peu après, des premiers tracts émanant de l’extrême droite arrivent dans nos boîtes aux lettres » , raconte un habitant. Des articles virulents sont publiés dans les sites d’extrême droite islamophobes Riposte Laïque et résistance républicaine.

Les zemmouriens à la manœuvre

Le 17 septembre, une première manifestation est organisée, rassemblant 300 opposants au projet.
500 personnes contre-manifestent. Rebelote le 5 novembre : une nouvelle manif regroupe 450 personnes, pour la plupart étrangères à la commune : des nationalistes des Jeunesses angevines, héritiers du groupuscule aujourd’hui dissout l’Alvarium, des Vendéens, et même des Parisiens.
Avec en guest star, l’inénarrable Gilbert Collard . En face, 500 militants anti extrême droite. Quelques échauffourées ont lieu et des incidents ont lieu entre les forces de l’ordre et des antifas.

À la manœuvre, c’est un collectif local prétendument apolitique, les Amis de et ses environs, dont la leader est Catherine Blein, membre de Reconquête, le parti d’Eric Zemmour, après avoir été exclue du Front national en 2018 pour son extrémisme : elle a été condamnée pour apologie du terrorisme après s’être réjouie de l’attentat contre la mosquée de Christchurch le 15 mars 2019.

Autre figure de reconquête impliquée contre le projet, Bernard Germain, candidat aux dernières législatives dans la circonscription de Paimpol (3,28 % des voix) qui multiplie les articles calomnieux sur les sites Résistance républicaine et Riposte Laïque. Une élue, Laure-Line Inderbitzin, a fait l’objet d’attaques particulièrement odieuses, concernant sa vie professionnelle et privée, et son état mental, dans le site de Riposte Laïque. Qualifiée de « Folle furieuse », « instable psychologiquement », elle aurait en outre
« l’arrêt maladie facile. »

L’article est signé d’une certaine Martine Chapoton, que Bernard Cassen, animateur du site, affirme ne pas connaître, ni avoir ses coordonnées. « J’ai repris ses articles c’est tout, a-t-il répondu à Blast. Le ton est vif certes, mais c’est une riposte aux attaques de cette dame contre tous ceux qui dénoncent l’invasion migratoire. Elle passe son temps à nous traiter de fachos, il faut pas aller pleurnicher après. »

Dans les commentaires, les lecteurs vomissent leur haine, jusqu’à une menace de viol « façon tournante » et des injures antisémites à l’encontre du maire et ses adjoints (« sionistes de merde », « les putes de la mafia Israël », « les mécènes du projet ayant le mauvais goût d’avoir pour patronyme Cohen... ») Et des menaces de mort : « Tas de sales ordures gauchistes, on va en faire un BBQ géant avec feu d’artifice de votre bled. »

Épuisée par cet acharnement haineux, Laure-Line Inderbitzin a craqué : « j’ai été deux semaines en hôpital psychiatrique en mars et suis toujours en arrêt, nous dit-elle. Le premier de ma vie contrairement aux calomnies de ces fachos. Ces gens-là veulent vous détruire psychologiquement, dans votre environnement familial, privé et professionnel. C’est une guerre psychologique qu’ils sont malheureusement en train de gagner, puisque le maire a fini par renoncer. Callac est un tournant. »

Depuis le renoncement de Callac, l’extrême droite est en effet revigorée. Dans son élan, Bernard Germain a lancé le collectif « Partout Callac », dont l’objectif est de faire reculer l’État et les communes où des migrants doivent être installés.
Germain, qui n’a pas répondu aux sollicitations de Blast, désigne déjà les cibles à venir : outre St-Brevin, Corlay (Côtes d’Armor), Seloncourt (Doubs), Beyssenac (Corrèze), Bélâbre (Indre).

Incendie criminel, appel au meurtre et fake news

A St-Brevin les Pins, en Loire Atlantique, le domicile du maire Yannick Morez, particulièrement ciblé par Bernard Germain, a fait l’objet d’un incendie criminel le 22 mars. Sans qu’il soit possible d’établir un lien de cause à effet -une enquête est en cours-, il règne dans cette commune de près de 15 000 habitants un climat délétère, depuis que la mairie a accepté l’été dernier d’agrandir l’actuel centre d’accueil de demandeurs d’asile (Cada).

« Le maire et des élus ont fait l’objet de menaces de mort dans les commentaires des articles de Riposte Laïque, affirme Dominique Roussel, le directeur de cabinet, qui insiste sur le fait que « pour l’instant, rien ne relie l’incendie à la question des migrants. »
Deux manifestations d’extrême droite hostiles au projet ont été organisées les 11 décembre et 25 février, accompagnées de contre-manifestations. A chaque fois, les secondes ont rassemblé plus de monde que les premières : 150 anti-migrants le 11 décembre et 380 le 25 février, contre 250 et 900 opposants à l’extrême droite.
Au cours de cette dernière manif, des témoins affirment que des skinheads auraient entonné « on n’entend plus chanter Clément Méric », un jeune antifa de 18 ans tué par des néo-fascistes le 6 juin 2013 à Paris.
Un quasi appel au meurtre.

« Certains manifestants peuvent avoir des mots un peu excessifs, relativise avec une certaine jovialité désinvolte Pierre Cassen, de Riposte Laïque. Les menaces que vous évoquez, évidemment ce n’est pas bien, mais dans un climat si lourd, lorsque des gens veulent vous imposer une invasion migratoire et détruire vos traditions, on peut comprendre que certains craquent. »

Quant à Christine Tasin, du site frère Résistance Républicaine, elle se demande même si « certains ne se sont pas envoyés ces menaces à eux-mêmes, tant nos militants sont des gens calmes et tranquilles. » Les deux ne se « sentent aucune responsabilité morale » dans ce qui s’est passé à Callac et St-Brevin.

Bélâbre (Indre). Dans ce dernier village de 980 habitants, la calomnie a déjà commencé depuis l’annonce de l’ouverture d’un CADA (centre d’accueil pour demandeurs d’asile) : le 11 mars, 200 opposants au projet manifestaient, face à 300 contre-manifestants. Le 17 mars, Riposte Laïque et « Partout Callac » ont remis de l’huile sur le feu, fake news à l’appui : ils ont affirmé que le maire, Laurent Laroche, avait refusé le projet d’un entrepreneur de création de 20 emplois pour le rachat des locaux devant accueillir le CADA. Avec un prix 10 % au-dessus.

« C’est faux, nous n’avions pas rencontré cet entrepreneur, nous ne l’avons reçu que le 20 mars. Ce jour-là, nous lui avons proposé d’autres locaux mais il nous a dit que son projet était incompatible avec la présence d’un centre pour migrants à proximité. C’est assez curieux. »
Pas tant que cela : Emmanuel Moyrand, l’entrepreneur parisien en question qui a une résidence secondaire à Bélâbre semble bien avoir des convictions d’extrême droite chevillées au corps.
Sur son twitter, il relaie les discours xénophobes enflammés des zemmouriens qui ont manifesté dans le village.


Face aux réactions hostiles à des projets d’accueil de migrants, élus et associations demandent plus de soutien de l’État.

La contestation de projets d’accueil de migrants sur le territoire prend des proportions qui inquiètent acteurs associatifs et élus locaux. Ils souhaiteraient que l’État se montre davantage à leurs côtés.

Le Monde - Julia Pascual – 07/04/2023

Depuis plusieurs mois, les tensions s’exacerbent autour de projets d’accueil de migrants sur le territoire, dénoncés par l’extrême droite. Elus et associations s’en inquiètent. « Je n’ai pas vu un message de soutien du ministre de l’intérieur au maire de Saint-Brévin », dénonce Damien Carême (Europe Ecologie-Les Verts), député européen et coprésident de l’Association nationale des villes et territoires accueillants.

La maison de l’élu de Loire-Atlantique a été la cible, dans la nuit du 21 au 22 mars, d’un incendie volontaire. Depuis plusieurs semaines, l’extrême droite organisait dans la commune des rassemblements hostiles au déménagement d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile (CADA). « Il faut une parole pour ces élus locaux qui s’engagent au nom des besoins de l’Etat », poursuit M. Carême.

La plupart des projets contestés relèvent de marchés publics, dans le cadre du parc d’hébergement des demandeurs d’asile. « L’Etat doit prendre la pleine mesure de la multiplication des actes d’intimidation », défend à son tour Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, qui regroupe plus de 870 associations de lutte contre l’exclusion, parmi lesquelles des opérateurs de CADA.

Directrice générale adjointe de l’association Viltaïs, qui gère notamment des CADA, Juliette Lucot considère que les projets d’implantation doivent être « plus travaillés en amont, pour qu’ils ne soient pas vécus de façon frontale. Et on ne peut plus laisser les opérateurs aller seuls au front. » Plusieurs des projets de Viltaïs sont aujourd’hui contestés, comme à Beyssenac, en Corrèze.

« Passage en force »

Une réunion publique s’y est tenue le 16 mars à l’initiative du préfet du département : « Il a reconnu qu’il aurait dû organiser cette réunion en amont », rapporte Mme Lucot.
Le maire de la commune, Francis Comby (Les Républicains), continue d’être réfractaire au projet. « C’est un passage en force, sans concertation des acteurs locaux. » L’élu vit d’autant plus mal la situation qu’il a porté plainte après avoir fait l’objet de menaces de mort par courriel. « Je lis dans la presse qu’un maire a vu sa maison incendiée, je ne sais pas ce qui va se passer », dit-il.

Le maire de Callac (Côtes-d’Armor), Jean-Yves Rolland, vit comme un « échec » d’avoir abandonné, en janvier, un projet d’accueil de réfugiés, face à une « campagne d’intimidation de l’extrême droite ».
Chloé Freoa, la directrice de Merci, le fonds qui portait ce projet, analyse : « On était novice mais on sait aujourd’hui qu’il y a des enjeux de communication énormes autour de ces projets. » Elle a, en outre, « l’impression que la préfecture n’a pas pris la mesure de la situation ». « Entre avril [2022] et janvier, relate-t-elle, il y a eu seize plaintes déposées par des élus. On parle de menace de mort, d’appel au viol, d’injures, de dégradation de bien public… »

Au ministère de l’intérieur, on reconnaît le « besoin d’explication et de transparence de la part des porteurs de projet et des représentants de l’Etat », tout en souhaitant privilégier la discrétion.
Un cadre de la Place Beauvau défend ainsi la construction d’un « consensus local » par les préfets. « On n’a pas intérêt à en faire un sujet national », croit-il.


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