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Voyage en Corée du Sud de notre camarade Bruno Drweski

dimanche 14 mai 2023 par Bruno Drweski (ANC)

Rapport sur mon séjour en Corée (du Sud)... Avec cette fois les photos de Bruno.

J’étais invité en Corée du sud par des militants syndicaux et politiques sud-coréens engagés sur la voie du progrès social, de la souveraineté nationale et de la réunification pacifique de la patrie coréenne divisée depuis 1945 lorsque le nord du pays fut libéré de la colonisation japonaise par l’armée rouge et les partisans communistes coréens, et que le sud du pays le fut aussi en principe, mais par l’armée des USA.

Au cours de l’occupation japonaise s’était développé un puissant mouvement de résistance nationale animé en grande partie par les communistes ainsi que par quelques autres groupes politiques. C’est évidemment dans le nord du pays que les communistes purent prendre à ce moment là le pouvoir et proclamer la naissance de la République populaire démocratique de Corée alors que, au sud, les communistes se heurtèrent aux décisions des États-Unis qui mirent en place un gouvernement de la République de Corée qui leur était favorable, s’appuyant sur une armée et une police dont on estime que presque 80 % des membres étaient issus des forces qui avaient collaboré auparavant avec l’occupant japonais.

Ce qui explique pourquoi de nombreux patriotes coréens, communistes ou non, ont dès lors considéré que c’était le gouvernement de la RPDC qui représentait réellement leur pays. S’ensuivit une longue politique de répressions politiques au sud qui commença avant la guerre de Corée, se poursuivit pendant la guerre de Corée et après, avec quelques périodes d’amélioration, après le soulèvement de 1980 puis après celui de 2017, mais le gros de la bureaucratie sud-coréenne, police, sécurité d’État, armée, administration, justice, etc, reste dominé par un appareil hérité de la période de l’occupation militaire japonaise puis de celle des États-Unis d’après 1945.

Déjà avant que la guerre de Corée ne commence en 1950, le sud de la Corée avait été traversé par des crises récurrentes, dues parfois à l’incompétence politique du nouveau pouvoir américain puis sud-coréen et parfois à sa préférence pour les élites dominantes.
Cette situation explique les tensions qui se sont développées dès 1945 et que l’on pourrait résumer en utilisant la grille « riches/pauvres », « collaborateurs/patriotes » et « conservateurs/réformistes ».

Une réforme agraire était alors massivement attendue par les paysans, mais cette question fut constamment repoussée dans le sud du pays alors que les terres étaient en grande partie accaparées par quelques riches gros propriétaires qui avaient souvent collaboré avec l’occupant japonais. Alors que dans le nord du pays, les anciens collaborateurs étaient réprimés ou avaient fui vers le sud et que la réforme agraire fut une des première décision prise par les communistes et leurs alliés.

C’est cette situation qui explique la constitution, ou la reconstitution, de foyers de guérillas dans le sud de la Corée dès le début de l’occupation par les USA, ce qui entraîna les premières vagues de répressions, d’arrestations et d’exécutions. Justifiées par les autorités américaines d’occupation puis par le gouvernement sud-coréen qu’elles avaient mis en place par les assassinats commis par des communistes ou d’autres opposants à la colonisation japonaise et qui ont visé d’anciens collaborateurs, des policiers, des fonctionnaires et des notables.

Dans la plupart des cas, ces violences avaient pour point de départ des clivages existant entre paysans pauvres et propriétaires fonciers spéculateurs, fortement enrichis pendant la colonisation, ou ensuite dans la foulée de la désorganisation du marché des denrées alimentaires apparue après 1945 en Corée du sud et au Japon voisin.
Les pénuries existant à ce moment là permettaient aux grands propriétaires de spéculer sur les prix des denrées alimentaires écoulées sur les marchés coréen et japonais.

La guerre de Corée éclata donc dans un contexte où, selon la conclusion de la plupart des chercheurs, la majorité de l’opinion coréenne, tant au nord qu’au sud du pays, avait tendance à considérer comme légitime le gouvernement du Nord face à un régime sud-coréen assimilé au nouvel occupant.
On doit d’ailleurs rappeler que les troupes soviétiques se sont retirées de la partie nord du pays avant le début de la guerre alors que les troupes des États-Unis se maintenaient au sud. On peut estimer que, sans leur présence, le gouvernement de la République de Corée devenu impopulaire se serait effondré.
Jusqu’à aujourd’hui, le fait que le gouvernement de la Corée du nord se maintienne sans éprouver le besoin d’une présence armée étrangère sur son sol alors que celui du Sud estime indispensable la présence de l’US Army enlève à ce dernier une partie au moins de sa légitimité aux yeux des éléments les plus patriotes du pays divisé.

Avant même le début de la guerre en 1950, on estime à quelques dizaines de milliers le nombre de victimes assassinées par le pouvoir sud-coréen, entre autre dans la province insulaire de Cheju, auxquelles allaient s’ajouter des centaines de milliers de prisonniers décrétés communistes et exécutés sommairement dans les premiers mois de la guerre de Corée.

Ce conflit fut donc une guerre inter-coréenne mais aussi un conflit entre indépendantistes coréens et occupants nord-américains, avant qu’il ne devienne un conflit mondial localisé, entre les États-Unis et leurs alliés face à la Corée du nord et ses alliés chinois et soviétiques.
L’armistice conclu en 1953 a ensuite figé la situation politique de la Corée jusqu’à aujourd’hui. La Corée du sud est restée une dictature militaire jusqu’en 1980, lorsque, suite au soulèvement de Gwangju, un début de démocratisation a pu se développer même si l’appareil d’État sud-coréen reste jusqu’à aujourd’hui aux mains de ceux qui l’ont pris en main depuis 1945 et de leurs héritiers.

Le soulèvement de Gwangju a entraîné une sauvage répression qui a fait quelques centaines, voire plus d’un millier de victimes. On ne le sait toujours pas aujourd’hui comme on ne connaît pas le nombre de victimes des répressions précédentes faute d’accès à de nombreuses sources originales ou à des témoins.
À l’époque de l’insurrection de Gwanju, les troupes de l’US Army furent envoyées dans la ville officiellement comme force d’interposition entre les insurgés et les forces de répression, mais on sait aujourd’hui à partir des archives déclassées, que ce sont des officiers supérieurs de cette armée qui donnaient les consignes de répression.
La Corée du sud a connu une certaine démocratisation avec l’arrivée au pouvoir en 1987 de Kim Dae Jung, un « opposant modéré ». Cette évolution a indirectement permis le développement d’un mouvement ouvrier autonome qui allait permettre la naissance du syndicat KCTU et, dans la foulée, de mouvements associatifs et politiques indépendantistes et de gauche de classe, dont le Parti de la démocratie populaire (PDP).

Comme l’appareil d’État et les gros médias en Corée du sud n’ont jamais été épurés de leurs éléments les plus conservateurs et les plus tolérants à l’égard des crimes commis pendant la dictature, les forces les plus réactionnaires peuvent périodiquement revenir au pouvoir à Seoul, ce qui explique pourquoi il a fallu encore le soulèvement de 2017 pour que la fille du dictateur Park Chung-Hee, Park Geun-hye, soit destituée après la découverte d’abus et de corruption.

Aujourd’hui à nouveau, les forces ultra-conservatrices ont repris le pouvoir après quelques timides tentatives de démocratisation de la vie politique et d’ouvertures en direction des compatriotes du Nord.

Impression générale du pays

Quand on débarque en Corée du sud, on s’attend à découvrir un pays asiatique héritier d’une civilisation millénaire, et les premières réactions sont du coup négatives, car on découvre un pays densément construit en béton, avec une architecture désordonnée rappelant plus souvent soit les faubourgs soit les centre-villes nord-américains sans caractère, et où l’on a de la difficulté à trouver quelques temples, monuments ou maisons traditionnelles qui permettent de comprendre qu’on est malgré tout en Corée et non pas dans une quelconque ville du Kansas ou du Texas.

L’activité économique y est débordante, ce qui peut permettre de croire que l’on a effectivement affaire à une des économies les plus développée au monde, mais on apprend vite que cela se fait au prix d’un rythme de travail effrayant, puisqu’un Coréen du sud peut très bien sortir de son travail à 18h00 pour aller manger son repas du soir ...avant d’aller regagner son poste de travail jusque vers 23h.
Pendant ce temps là, ses enfants, quand il en a car la Corée du sud est le pays où le taux de natalité est le moins élevé au monde, qui ont quitté l’école à 17h00 regagnent une salle sous surveillance pour faire leurs devoirs scolaires, jusque vers 23h00 eux-aussi.

Inutile de dire que la vie sociale et la vie familiale sont réduites dans une telle société au strict minimum et que l’on mesure la ténacité du peuple coréen au fait que, malgré ces conditions, les Coréens ont su souvent préserver une partie de leurs traditions, éducatives, philosophiques, culinaires. C’est bien souvent dans les très nombreux restaurants de ce pays que l’on constate que le goût culinaire s’y mélange toujours à la connaissance du rôle des plantes et des aliments dans un soucis d’équilibre apportant santé, résistance et raffinement.

Côté religieux, et même si l’on découvre au hasard de ses pérégrinations un temple bouddhiste ou le maintien d’une conscience civique influencée par la morale confucéenne, ce qui étonne tout étranger débarquant dans ce pays, c’est la masse d’églises chrétiennes, néo-protestantes le plus souvent, plus ou moins liées aux sectes anglo-américaines et qui jouent un rôle non négligeable dans le contrôle des populations au profit de la puissance occupante.

Elles coexistent avec la persistance d’habitudes marquées par des rites magiques locaux provenant des rituels ancestraux d’avant l’arrivée du bouddhisme. C’est ainsi que l’actuel président sud-coréen, un homme d’affaire ultra-conservateur, a décidé de fuir la « Maison bleue », le palais présidentiel traditionnel situé à côté de l’ancien palais royal, pour se réfugier dans l’ancien ministère de l’armée situé juste à côté d’une base de l’US Army, justifiant ce geste par l’avis d’un chiromancien traditionnel qui lui aurait prédit qu’il perdrait le pouvoir suite à une mouvement de masse s’il continuait à résider dans la « Maison bleue ».
Voilà où on en est côté démocratie dans le sud de la Corée.

Pour transcrire les mots coréens, j’utiliserai ici l’orthographe latine utilisée en Corée du sud, sachant qu’il est issu la plupart du temps de la graphie anglo-américaine, qui n’est pas celle utilisée dans les transcriptions dans le nord de la Corée et qu’elle est contestée aussi par de nombreux Coréens du sud comme inadaptée à la transcription de leur langue.
Il n’y a donc pas consensus sur cette question en Corée, chose que l’on retrouve d’ailleurs aussi dans le cas d’autres langues, le chinois ou le russe par exemple, puisque les gouvernements locaux ou les linguistes pratiquent des choix dictés par leurs propres approches de la question, qui sont politiquement marqués.
En Chine, on transcrira donc autrement les mots en alphabet latin si l’on est en Chine continentale, à Hong Kong ou à Taïwan. Et, là encore, la transcription préférée en Occident est celle qui correspond à la graphie anglo-américaine.

Gwangju

Arrivé par Séoul, c’est en fait à Gwangju que j’ai commencé mes pérégrinations en Corée. Ville martyr connue depuis longtemps comme la ville rebelle par excellence et aussi, comme le paradis culinaire du pays. Dès mon arrivée, j’ai donné une conférence à des étudiants portant sur la situation internationale et la guerre. Conférence qui a eu lieu dans un bâtiment utilisé par l’université de Gwangju d’où l’on tirait sur les insurgés en mai 1980 et où se trouve une exposition mémorielle sur ces événements.

Après avoir exposé les principales contradictions existant dans le monde actuel et qui ont amené à la multiplication des guerres depuis 1989/91, une quarantaine aujourd’hui, j’ai en particulier expliqué les liens qu’il y avait entre la guerre OTAN/Russie en Ukraine, les tensions autour de Taïwan et dans la péninsule coréenne et l’évolution du capitalisme mondialisé tendant vers le renforcement du complexe militaro-industriel et l’impérialisme.

Cette conférence a donné lieu ensuite à un très long débat avec les étudiants sur les liens entre situation nationale et internationale, dans le contexte du système économique et social dominant le monde et la rivalité entre situation unipolaire et contre-tendances anti-hégémoniques vers la multipolarité.

Les étudiants ont dans l’ensemble manifesté leur intérêt visant à analyser les liens entre système social et guerres, un étudiant manifestant comme les autres son intérêt pour la question du rôle du capitalisme comme facteur explicatif des tensions politiques internationales mais manifestant son doute devant la capacité à trouver une alternative à cette situation, dans la mesure où le socialisme lui apparaissait comme un système ayant échoué, opinion qui ne semblait pas partagée au moins au même degré par les autres étudiants participant au débat.

Le lendemain matin, j’ai visité le cimetière des victimes du soulèvement de Gwangju en 1980 et aussi des répressions qui ont eu lieu depuis en Corée. Il y a en fait trois cimetières voisins, un cimetière pour les victimes individuelles des répressions politiques et des luttes depuis 1980, dont la tombe d’une étudiante qui s’est immolée pour protester contre la politique du gouvernement sud-coréen.

La dernière tombe dans ce cimetière date de 2018. A côté, on trouve le cimetière des militants morts de mort naturelle mais ayant milité dans les organisations participant entre autre à l’entretien de ce cimetière, en particulier des militants du Parti de la démocratie populaire (PDP).
Et il y a enfin le grand cimetière des victimes de la répression de 1980 où l’on voit un imposant alignement des tombes des victimes dont on a pu retrouver les corps, des tombes très simples avec la photo du défunt. Certains corps n’ont jamais été retrouvés et il y a un panneau avec les photos des disparus, allant d’enfants en bas âge à des personnes âgées.

C’est en voyant un tel cimetière qu’on comprend que l’image statistique que l’on a des répressions politiques camoufle souvent à nos yeux la masse visuelle des individus qui ont perdu leur vie pour avoir lutté contre le pouvoir. Ce cimetière est entouré par un mur où sont sculptées des scènes de différents moments de la lutte du peuple coréen contre la colonisation japonaise et pour le pouvoir populaire.

L’après midi, après un repas dans un restaurant servant de la cuisine locale de cette ville gastronomique, j’ai rencontré dans un café étudiant un militant plus vieux que moi de deux ans qui a fait quatre séjours en prison pour raisons politiques.
Ce qui m’a le plus touché c’est quand il m’a dit qu’il avait été arrêté en 1978, qu’il se trouvait dans une prison à côté d’une base aérienne et qu’en 1979 il a entendu un ballet anormal d’hélicoptères, après quoi, il a appris qu’ils avaient décollé pour aller tirer sur des manifestants.
Aussi, quand en mai 1980, il a entendu un ballet d’hélicoptères plus important encore, il a compris qu’il y avait une insurrection. Et quand sa mère est venue le voir en prison (seule sa famille proche avait le droit de venir le voir), il a compris qu’elle avait interdiction de parler de ce qui se passait en ville, mais quand elle lui a alors dit "Tu as plus de chance que tes cousins car tu es en prison", il a compris que sa mère lui faisait passer le message que des membres de sa famille venaient d’être tués lors du soulèvement. 1980.

C’était la même année que celle de la naissance de Solidarnosc en Pologne, et l’on sait quelle place fut réservée dans les gros médias du monde occidental aux événements de Gwangju et à leurs suites et à ceux de Gdansk et à leurs suites. Le traitement médiatique sélectif fait aussi partie des logiques systémiques.

Après cette discussion, nous avons rejoint une manifestation organisée en souvenir des martyrs de la répression de 1980 et de protestation contre les mesures de fascisation prises par l’actuel gouvernement sud-coréen qui s’en prend aux syndicalistes et aux groupes politiques d’opposants au système de division de la Corée.

La tension en cours actuellement en Asie orientale a fait que, malgré la puissance de la propagande contre la Corée du nord et sa politique nucléaire dans le domaine militaire, en Corée du Sud, les gens commencent souvent à trouver que le gouvernement de Séoul en fait trop contre le Nord et en faveur des USA, soupçonnés par beaucoup de souhaiter, comme le Japon, le maintien de la coupure de leur pays en deux.

La majorité des Coréens du sud n’est pas favorable à la Corée du nord, mais une une grande partie de la population trouve néanmoins que l’actuel gouvernement sud-coréen exagère et met de l’huile sur le feu. Du coup, les Coréens du sud qui sont favorables au nord, et j’ai pu découvrir que ce sentiment existait bien, réussissent à marquer des points dans l’opinion sud-coréenne car beaucoup de gens commencent à penser que la Corée du Sud est prise en otage par les USA et le Japon, et que la Corée du nord ne fait que se défendre face à un risque certain, donnant à cette partie de la Corée une indépendance réelle que n’a pas celle du sud.

Visite de la base de l’US Army du Pyeongtaek

Après être rentré à Séoul, je suis parti en voiture à Pyeongtaek où se trouve la plus grande base militaire US hors des États-Unis et aussi une base aérienne par où transitent tous les hauts gradés et dirigeants des USA arrivant en Corée. Il existe dans cette ville une organisation permanente d’opposants dont la mission est d’observer le fonctionnement et les changements constants de la base militaire, et c’est son animateur qui nous a piloté tout autour des deux bases pour nous montrer de loin les bâtiments, les engins, les avions qui se trouvent dans cette base.

La démocratisation imposée par le peuple a, pour le moment, empêché que les autorités ne mettent un terme au fonctionnement de ces observateurs. Effectivement, j’ai pu remarquer que la présence militaire US dans cette base était impressionnante. Dans la ville elle-même, il y a présence massive d’agences gouvernementales des États-Unis, d’hôtels, de bureaux, de boites de nuit, d’hôtels de passe, etc pour les militaires nord-américains et aussi les militaires sud-coréens qui protègent la base de l’extérieur.

Une grande partie de la population de cette ville est constituée par des réfugiés de Corée du nord. Ce furent d’abord les anciens collaborateurs des Japonais originaires du nord qui s’y sont réfugiés après 1945, puis des populations du Nord fuyant tout simplement les combats au gré de l’évolution de la ligne de front, et enfin des Coréens du nord anticommunistes venus après la fin de la guerre de Corée, parfois pour rejoindre leurs familles déjà présentes dans la ville.

Après cette visite, nous avons pris le TGV « made in France » reliant Séoul à Pusan pour nous rendre dans la ville de Daegu.
Cette ville est connue pour son caractère conservateur et ce sont en particulier des milices constituées par habitants de Daegu qui ont participé aux massacres de la population de Cheju dans les années 1948-1950. Il n’en reste pas moins que le PDP possède une organisation dans cette ville et que c’est à son invitation que j’ai donné une conférence ayant pour thème l’histoire du socialisme en Europe et la question de l’impérialisme.

J’y ai abordé la question des raisons qui ont empêché la victoire des révolutions socialistes dans les pays ouest-européens qui furent le berceau du socialisme scientifique et pourquoi, par contre, ce fut en Europe orientale que les révolutions furent victorieuses au départ.
J’ai ensuite analysé les aléas, les conflits internes, les pressions extérieures qui ont caractérisé le développement, la crise et le démantèlement du socialisme réel en Europe orientale et dans quelle mesure on peut essayer de mesurer l’importance des facteurs externes et internes dans la crise du socialisme réel en Europe.

Ce qui pose la question de l’impérialisme mais aussi des contradictions de classe au sein même des processus de tentatives de construction de sociétés socialistes. La question de mon opinion sur la Corée du nord est revenue dans le long débat qui a suivi mon intervention, ce qui m’a permis de souligner que le régime du nord avait survécu contrairement à ses homologues d’Europe orientale ce qui démontrait qu’il avait des racines plus solides et que, peut-être, c’est l’importance de la question nationale en Corée qui expliquait sa longévité, à côté des questions sociales qui ont été différemment traitées depuis 1945 au sud et au nord.

Premier Mai

Le premier mai est jour férié en Corée du sud, mais, en fait, seuls les travailleurs des entreprises publiques sont en congé car les entreprises privées ne sont pas tenues d’appliquer la réglementation sur les fêtes publiques.

L’après midi, un défilé était organisé par la centrale syndicale KCTU, de tendance centre-gauche avec en son sein des militants plus à gauche, parmi lesquels certains ont rejoint le PDP. Cette centrale syndicale a imposé sa naissance dans les années 1990 contre la vieille centrale syndicale officielle considérée par beaucoup comme une tentative d’embrigader les travailleurs dans une organisation favorable aux dictatures successives qu’a connue la Corée.

Le matin de la fête du travail, le PDP organisait, à côté de l’imposante ambassade des USA entourée de très hauts murs et où le PDP tient un poste de présence permanent, une conférence de presse-meeting à l’occasion du 1er mai et de la manifestation syndicale. Il s’agissait ici de prendre la parole sur la question de la solidarité internationale des travailleurs pour préserver la paix et conquérir des droits sociaux.
J’y ai pris la parole en tant que militant CGT politiquement actif. J’ai rappelé brièvement à cette occasion la lutte qui est menée en France depuis quatre mois sur la question des retraites et portant sur de nombreuses autres questions. Une passante a levé son pouce en criant en français « Vive la France ! A bas Macron ! ».
J’avais remarqué auparavant que les manifestations en France étaient relayées par les TV sud-coréennes.

L’après-midi, avant la manifestation du 1er mai, j’ai donné une conférence au Comité sud-coréen pour la Déclaration conjointe Nord-Sud de 2000, et portant elle-aussi sur l’histoire du socialisme en Europe et la question d’un front anti-impérialiste. Mon intervention a donné lieu à un débat vivant où j’ai pu remarquer la vitalité de la conscience nationale coréenne et une certaine fierté que la partie nord du pays échappe à l’occupation étrangère.

A la fin du défilé du 1er mai, j’ai pu remarquer que les militants du PDP se réunissaient pour faire le bilan de la manifestation, analyser l’humeur des manifestants et leurs réactions aux activités déployées par les militants du PDP lors de cette manifestation.
Plus largement, j’ai pu constater que, suite à chacune de mes interventions, qu’elles soient pour un public large ou pour un public plus militant et plus engagé politiquement, les militants du PDP engageaient la conversation avec les participants pour analyser quel avait été l’impact de l’événement sur la conscience des présents.
J’ai aussi appris que chaque membre du PDP fait partie d’un groupe d’action de leur parti et souvent d’une association spécialisée dans un domaine d’action particulier.

Zone « démilitarisée »

Le deux mai au matin, nous sommes allés en voiture sur une île de la côte coréenne située sur la ligne de démarcation entre le sud et le nord de la Corée. Zone en principe démilitarisée mais en fait ultra-surveillée des deux côtés. En raison de l’absence de grandes routes, d’activités économiques industrielles, de chasse et de pêche dans cette zone autre que la petite agriculture de subsistance pour les villageois locaux, cette zone est devenue de fait une immense réserve naturelle de plantes et d’animaux sauvages qui ne sont pas gênés par les activités humaines, au point où l’on y a vu réapparaître en nombre des espèces disparues ailleurs en Corée.

C’est un paradis pour les zoologues, les ornithologues et les botanistes. Les Coréens, du sud comme du nord, prévoient d’ailleurs de proclamer cette zone réserve protégée le jour de la réunification dans laquelle ils croient tous, même si c’est sous des formes différentes.

Le destin m’a fait rencontrer au cours de ma vie beaucoup de personnes formidables, de résistants, de révolutionnaires, de rebelles, d’artistes, de diplomates, etc, d’êtres humains « hors catégories », ce qui est particulièrement marquant et souvent douloureux. Mais cette fois le plat était particulièrement épicé !

En Corée, on s’immole encore aujourd’hui pour protester contre le pouvoir et on emprisonne aussi encore. C’est le poids du passé et du présent qui rend les choses lourdes de sens et d’humanité.
Dans le cas de ma visite, j’ai pu pénétrer dans la « zone interdite » car il est permis de rendre visite à des résidents locaux, ceux-ci ayant le droit d’inviter des extérieurs. C’est le cas d’un pasteur protestant qui s’est installé dans cette zone et que peuvent venir rencontrer les fidèles de son « Église de la paix ». C’est donc en principe une « visite religieuse » que nous avons effectué auprès d’un pasteur très particulier en Corée, car promoteur d’une « théologie de la libération » qui laisse peu de place à Dieu mais beaucoup à la lutte des hommes pour la justice.

Il nous a amené sur la ligne de démarcation elle-même où nous avons pu voir, derrière les barbelés, la Corée du nord. Les barbelés sont très hauts côté sud et très bas côté nord, mais ils n’ont en fait comme but que de la propagande, car il est évident que des barbelés n’arrêtent pas des armées et que personne ne passera ces barbelés de toute façon puisque même l’entrée dans la « zone démilitarisée » est contrôlée et interdite si l’on ne visite personne de résidant dans cette zone.
Et toute personne entrée dans cette zone est bien entendu surveillée de loin en permanence. Par rapport aux barbelés du sud, ceux du nord sont très bas pour montrer que le Nord ne craint pas le Sud, alors que ceux du Sud sont très hauts pour montrer que le Sud a peur d’une agression venant du Nord.
On a pris des photos sur la ligne de démarcation puis on est reparti très rapidement pour que les soldats ne viennent pas exiger la destruction des photos illégalement prises.

Le pasteur était accompagné au cours de notre visite d’un voisin et d’un ex journaliste. Lui-même s’est politisé quand, après avoir suivi des cours pour être enrôlé dans la marine sud-coréenne, il a été refusé d’embauche sur la base d’une loi secrète non publiée qui interdisait à tous les membres d’une famille ayant eu un membre communiste ou jugé comme tel d’être embauché dans la fonction publique, de mener une activité commerciale avec l’étranger ou de voyager à l’étranger.

Il ne savait même pas à ce moment là que cette loi existait ni que dans sa famille quelqu’un avait été considéré comme communiste. Du coup, il s’est politisé à ce moment là et, à cause de cette loi, il a découvert que la seule faculté dans laquelle il pouvait étudier légalement était celle de théologie. Il a donc étudié la théologie, ce qui lui a permis de devenir pasteur et de se servir de Jésus comme d’un argument contre la présence US en Corée puisque grosso modo sa thèse est que Jésus était un patriote palestinien qui s’opposait à la présence de l’armée d’occupation romaine dans son pays et qu’il prônait la justice, comme lui le fait en s’opposant à la présence de l’armée US en Corée et aux pressions tyranniques du pouvoir sud-coréen.

Étant légalement pasteur, il s’est établi dans un village de la zone « démilitarisée » ce qu’on ne peut lui interdire puisqu’il a une paroisse et le droit de l’établir où il veut selon la législation sud-coréenne sur les religions. Il a néanmoins arrosé d’essence le monument au général Mac Arthur, ce qui lui a valu une condamnation à deux ans de "camp de rééducation", pendant lesquels, l’été, on les attachait nus dans une forêt pour qu’ils se fassent manger par les moustiques très nombreux à cette époque en Corée, et l’hiver, à moins 20 degrés parfois, on les attachait nus à des blocs de glace ...
Après quoi ils étaient détachés et envoyés aux travaux forcés. Libéré, il s’est installé là où il est aujourd’hui. Pour plus d’informations sur les personnes rencontrées au cours de cette visite, voir les sites suivant :

http://www.hanjak.or.kr/2008_html/7_etc/sub_eng.html et https://en.m.wikipedia.org/wiki/Samchung_re-education_camp , pour le pasteur et, pour l’ancien soldat de l’armée nord-coréenne : https://www.liberationschool.org/interview-with-ahn-hak-sop/

Quand Kim Dae Jong est arrivé au pouvoir en 1987, les prisonniers ayant combattu pour l’armée nord-coréenne ont été progressivement libérés avec la permission d’émigrer en Corée du Nord où ils ont été accueillis en héros et ont souvent obtenu des fonctions dirigeantes ...sauf la personne que j’ai rencontrée chez le pasteur qui était originaire d’un village situé justement dans les environs, près de la ligne de démarcation donc.
Lui, a estimé qu’il devait rester au Sud tant que la tache de la réunification n’était pas accomplie. Il est rentré dans son village mais sa famille l’avait renié et ne l’a pas laissé récupérer sa maison, le tribunal ayant jugé que sa maison avait été confisquée et remise à ses neveux. Il s’est donc retrouvé seul, sans famille, sans soutien, sans rien, et c’est le pasteur qui, informé de sa situation, est venu le chercher pour l’abriter à côté de chez lui.
Cet homme a fait 43 ans de prison, il a aujourd’hui 94 ans. Il est resté fidèle au communisme et à la Corée du Nord car il avait combattu enfant les Japonais puis s’était engagé dans l’armée communiste et il a finalement été arrêté en 1952, lors de la guerre de Corée, dans le sud de la Corée du Sud. N’ayant pas accepté de se soumettre, il été torturé pratiquement tous les jours pendant sa détention ...mais une fois un de ceux qui le torturait lui a dit "Je déteste l’idéologie que tu sers mais je respecte la force de ta conviction" ...pour continuer à la torturer.

Je lui ai demandé pourquoi il n’écrivait pas ses mémoires, il m’a répondu que c’était parce qu’il se sentait indigne de parler de lui-même alors que beaucoup de ses camarades étaient morts sous la torture ou s’étaient suicidés pour ne pas avoir à signer une déclaration de renoncement à leurs idées. Lui a "simplement" refusé de signer une telle déclaration, il a pensé au suicide mais il ne l’a pas fait et il n’a pas non plus été tué pendant la torture, il ne va donc pas écrire sur lui-même alors que ceux qui valaient mieux que lui à son avis n’ont rien pu écrire...
Le pasteur m’a dit qu’il conversait beaucoup avec lui et qu’il allait, lui, écrire un livre sur lui après sa mort.

Le troisième interlocuteur présent lors de cette rencontre était un journaliste sud-coréen qui a refusé de publier ce qu’il considérait comme des mensonges avérés sur la Corée du Nord et qui a été licencié du coup. Comme réaction, il a fait comme le pasteur, il a mis de l’essence sur le monument à Mac Arthur qu’il a enflammé. Il a été jugé pour cela, mais la période ayant changé, le juge a simplement exigé de lui qu’il paie une très grosse amende ...qu’il a décidé de ne pas payer et il va donc devoir faire « des travaux d’intérêts général » et, pour cela, entrer en prison d’ici deux semaines pour effectuer ces travaux tout en étant emprisonné.

Impression d’irréel de parler à un ex-détenu qui a passé la moitié de sa vie en prison, qui est abrité dans la zone militaire spéciale par un pasteur qui a fait deux ans de prison, à côté de quelqu’un qui va entrer en prison dans deux prochaines semaines !

Des personnages « irréels » dans notre société où la masse n’est censée ne devoir souhaiter que consommer, vivre le plus longtemps possible sans se soucier de l’intérêt général ou d’une cause suprême ...Et nous avons beaucoup ri et fait des blagues, même si celui qui a « perdu » plus de quarante ans de sa vie a écrasé très discrètement une larme après avoir parlé de ses camarades morts sous la torture et dont même les corps ont disparu. Ces chocs sont difficilement explicables par des mots. D’ailleurs l’ex-prisonnier lui-même disait qu’il ne trouvait pas de mots pour expliquer ce qu’il avait vécu, ce qu’il avait vu et pourquoi il avait fait le choix qu’il avait fait, « par simple soucis de dignité » m’a-t-il dit.

Vous comprenez qu’on ne sort pas d’une visite en Corée, si on n’y fait pas du tourisme à quat’sous, comme on y est venu. Comme en plus, j’étais en Indonésie quelques mois auparavant, autre pays de massacres et de répression de masse « non confessées » depuis 1965, je ne peux traduire tous les sentiments que j’ai éprouvés et qui prolongent tout ce que j’ai pu entendre depuis mon enfance, au Québec, en Pologne, en Union soviétique, en France ou ailleurs de la part de personnes qui croient que, au-dessus de leurs besoins humains et animaux, il y a quelque chose de bien supérieur, qui mérite de vivre à « un autre rythme », pour une cause sublime dépassant celle de l’individu.

Comme j’avais déjà rencontré à Gwangju un autre ex-prisonnier politique, qu’au cimetière des martyrs de Gwangju on m’a montré, entre autres tombes, celle d’une jeune étudiante qui s’est immolée par le feu pour protester contre les répressions et que, lors de la manifestation du premier mai, on a annoncé qu’un ouvrier coréen venait justement de s’immoler le matin même devant le bâtiment du gouvernement pour protester contre sa politique sociale rendant la vie des pauvres impossible, et qu’il était décédé à l’hôpital peu après son immolation ...vous comprendrez que j’ai vécu en une semaine des chocs successifs qui rendent ma vision du monde sans doute encore plus acérée.

Quand, d’un côté, on voit un pays qui mène une vie « normale », celle d’un pays « à succès », un « tigre asiatique », alors que tant de choses dramatiques s’y sont déroulées ou s’y déroulent encore, et qui sont intraduisibles en terme de « croissance » ou de « décroissance ».

J’ai trouvé les étudiants de Gwangju et de Seoul ou les syndicalistes et les professeurs devant lesquels je suis intervenus, très réceptifs à ce que je disais, et plusieurs personnes m’ont dit qu’elles étaient « d’accord avec chaque mot que j’ai dit » ...Les Coréens sont des gens très polis certes mais ça fait quand même plaisir de se dire qu’ils semblent réfléchir de façon très critique, même si je suppose que c’est une minorité de la population. Mais, dans l’histoire, c’est toujours une minorité qui se met en mouvement pour réfléchir puis faire réfléchir la majorité sur ce qui est son intérêt et les objectifs sociaux et collectifs souhaitables à atteindre.

J’ai été étonné de la popularité de la Corée du Nord affichée ici ou là sans hésitation par une partie sans doute minoritaire de la population, même si c’est dit rapidement et discrètement. Les dénonciations du régime de la Corée du nord que nous connaissons en Occident et qui sont martelées encore plus fortement en Corée du sud semblent inaudibles pour beaucoup de Sud-Coréens ayant traversé les épreuves que j’ai décrites ou qui trouvent simplement indigne de vivre dans un pays sous occupation militaire étrangère et avec un appareil d’État bâti par les deux occupants successifs du pays, les Japonais toujours honnis car n’ayant pas fait acte de repentance, et les Américains qui n’ont jamais fait l’effort de vouloir comprendre la blessure de la division imposée à un pays qui reste unifié dans son cœur.

Les Coréens du sud qui manifestent de la sympathie pour le Nord savent que cette partie de leur pays est appauvrie depuis la fin de l’URSS et du « camp de la paix », mais ils considèrent que cette situation est due au blocus imposé par les États-Unis, et donc que ce n’est pas le régime existant qui en serait responsable.
Ils pensent aussi que la situation de siège et les menaces de guerre rendent compréhensibles le côté martial du régime nordiste. Quant à la question de la pauvreté, j’ai entendu que les pauvres en Corée du Sud vivent plus mal que n’importe quel Coréen du nord. Plus généralement, y compris pour les gens qui sont moins favorables au régime du nord, j’ai ressenti qu’il existait une certaine fierté nationale dans le fait qu’il n’y a pas d’armées étrangères dans la partie nord du "sol sacré de la patrie", et aussi que le "génie coréen" a permis de produire un bombe atomique tenant la dragée haute face à deux puissances, le Japon et les USA.

C’est sans doute cette approche aussi qui permet de comprendre que, devant l’ambassade du Japon entourée d’une barrière d’une hauteur à proprement parler extra-ordinaire, des activistes ont érigé un monument consacré aux esclaves sexuelles coréennes des militaires japonais. Un militant de l’association consacrée à ces esclaves se relaie 24 h. sur 24 h. pour monter la garde et défendre ce monument, car l’extrême droite coréenne pro-japonaise a essayé de le détruire.

Cette question continue de toucher profondément les Coréens mais, en Corée du sud, il existe encore une extrême droite qui, à l’image de toute situation post-coloniale, soutient l’existence d’« un bilan positif de la colonisation japonaise », chose compréhensible si l’on prend en compte le fait que les USA n’ont jamais permis une analyse critique de cette période et qu’ils ont gardé aux postes de commandes ceux là même qui avaient collaboré avec les colonisateurs.

On comprend dès lors la profondeur de la coupure de la Corée en deux, non pas tant entre le Nord et le Sud, mais entre les héritiers de la lutte anticoloniale et les héritiers de ceux qui s’y sont opposés. Visiblement dans ce contexte, il existe un sentiment pro-nord au sud et, depuis la démocratisation, on peut même le dire discrètement, à condition de ne pas dépasser les limites de « la loi sur la sécurité nationale » (discours strictement privé et allusif, pas de discours public présentant un point de vue de près ou de loin « pro-nord », pas de diffusion des médias nord-coréens, pas de citation de quoi et de qui que ce soit provenant du nord, et bien sûr pas de contact avec des gens du nord sans autorisation des autorités) ...car si on dépasse ces limites, c’est la répression.

Mais, vu que la Corée du Sud a désormais des relations avec la Chine et le Vietnam, elle ne peut plus interdire toute mention du communisme et du marxisme, et, du coup, certains jouent là-dessus pour parler d’autres communistes ...hormis ceux de Corée du Nord.

Faculté de droit de l’Université de Corée à Séoul

Le dernier soir de ma présence, j’ai donné une conférence à l’université de Corée à Séoul, la plus prestigieuse du pays, celle d’où sont issus les cadres de l’administration du pays et dont les étudiants sont souvent, tarifs d’inscription oblige, issus des familles elles-mêmes privilégiées et souvent liées aux milieux qui tenaient la dragée haute à l’époque japonaise, puis après 1945.
Pourtant, c’est aussi dans cette université que le vent de contestation s’est épisodiquement levé dans les années de la dictature ou lors des moments de menace d’un retour de la dictature ouverte. Ma conférence portait sur la situation en France et les conséquences de la guerre en Ukraine.

Comme à Gwandju et ailleurs, les étudiants étaient particulièrement concentrés et réceptifs à ce que je disais et ils ont posé plusieurs questions pertinentes qui laissaient d’ailleurs entendre un certain désarroi devant le fait que les enseignants coréens ne sortent presque jamais selon eux du cadre mental autorisé « par consensus », alors qu’ils éprouvent face à ce que je disais le sentiment qu’en France il est possible de sortir de l’auto-censure imposée par le système dominant.
Ils idéalisent sans doute la liberté de ton que je me suis autorisé et qui n’est pas forcément massivement pratiquée en France. D’une façon générale, dans toute mes interventions, j’ai voulu leur expliquer en quoi la première tentative de créer une société alternative au capitalisme, le socialisme, ne pouvait pas déboucher automatiquement sur « des lendemains qui chantent », car on n’a jamais vu naître un nouveau système social dans l’histoire de l’humanité sans aller-retours entre un point de départ et un point d’arrivée, donc sans hésitations, sans désarrois et sans persistances ou retours d’habitudes archaïques enracinées.

Et j’ai voulu leur expliquer aussi que l’impérialisme n’est pas une réalité « morale » mais le résultat d’un système économique et social bien concret qui mène vers la guerre comme seule issue à un système capitaliste désormais incapable de prolonger sa créativité originelle. Et qu’un pays comme la Corée reste l’objet d’une domination extérieure qui se joue de contradictions internes à sa société, comme il en va dans le reste du « Sud global » et de l’Europe périphérique, orientale.

Mais en France, et c’est là la différence fondamentale avec la Corée, il y a une domination extérieure venue d’outre-Atlantique, mais celle-ci coexiste avec des « avantages acquis » provenant du pillage de néo-colonies par les impérialismes français et occidentaux, ce qui explique pourquoi, si en France, il existe une contradiction au sein du peuple travailleur entre tentatives réformistes et poussées révolutionnaires, en Corée, la contradiction est plus crue, elle se situe entre révolte contre l’ordre existant, social et néocolonial, et collaboration avec lui. D’où le fait que c’est le Sud de la Corée qui est fermé face au Nord, bien plus que le contraire, puisque, indépendamment de ce que les uns ou les autres pensent du régime du nord, on ne peut lui enlever une chose, c’est que c’est un régime issu de la lutte anticoloniale et qu’il ne dépend d’aucun pouvoir étranger, ennemi bien sûr mais ami aussi, l’Occident n’ayant du coup pas pu trouver d’autres termes pour essayer de le dénigrer que celui de « royaume ermite » ...ce qui, pour beaucoup de patriotes coréens du nord comme du sud, n’est qu’un compliment.

   

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