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Mai, un espoir d’océan

samedi 28 avril 2018 par Serge Halimi pour le Monde Diplomatique

Dans la vie d’un peuple, c’est un moment précieux. Le couvercle des lois sociales se soulève. Soudain, la résignation, les habitudes deviennent des sujets de réflexion, puis sont remises en question. Le « fleuve des villes grises, et sans espoir d’océan [1] » en rencontre d’autres, s’illumine ; et tous rejoignent la mer.

Le « pourquoi pas ? » succède au « c’est comme ça ! ». Une contagion des soulèvements — il y a cinquante ans, on ne parlait pas encore de « convergence des luttes » — rappelle que l’histoire n’est pas finie, que les réformes et les révolutions qui l’ont façonnée voulaient souvent abolir l’obligation d’obéir et de subir.

En mai 1968, la répétition générale ne fut pas suivie d’une première. Un soulèvement marqué par l’une des plus grandes grèves ouvrières de l’histoire de l’humanité eut même sa postérité entachée parce que ses incarnations les plus médiatisées furent aussi celles qui avaient le plus mal tourné.

Fauché en octobre dernier, le dirigeant étudiant Jacques Sauvageot fut au contraire l’un des visages lumineux, et par conséquent irrécupérables, du mouvement de Mai. Il avait vu dans celui-ci le « produit de collectifs œuvrant dans une optique dépassant les individualités [2] ». Il avait rappelé que les insurgés d’alors réfléchissaient à l’abolition du capitalisme, question qui, regrettait-il, « n’est plus posée par grand monde ».

Ses camarades et lui refusaient une « modernité » fondée sur la rationalisation du travail plutôt que sur son partage ou sur celui des richesses. La mondialisation à laquelle ils aspiraient visait au « développement nécessaire de la solidarité internationale », pas à la circulation toujours plus rapide des marchandises. Enfin, en mai 1968, il s’agissait pour eux de combattre un pouvoir qui entendait, déjà, « faire de l’université une entreprise rentable [3] ».

De tels rappels relativisent le nouveau discours dominant qui aimerait constituer en marqueur de tous les affrontements politiques l’opposition entre un progressisme culturel mâtiné de Mai 68 — qu’incarneraient M. Emmanuel Macron, Mme Angela Merkel ou M. Justin Trudeau — et une « démocratie illibérale » à la hongroise.

Car, au-delà de leurs différences, le pluralisme des sociétés ouvertes et l’autoritarisme nationaliste se rejoignent pour préserver le système économique et les rapports de domination qui en découlent [4]. Camper le président français en symbole international de la modération démocratique face aux « extrêmes », voilà au demeurant un singulier paradoxe au moment où il affronte les syndicats, met en péril le droit d’asile et semble avoir pour principale ambition que « des jeunes Français aient envie de devenir milliardaires ».

M. Macron avait prévu de commémorer Mai 68. Une telle fête aurait un sens, mais contre le « vieux monde » qu’il représente. Celui qui, cinquante ans plus tard, se souvient encore de sa peur et entend compléter sa revanche.


[1René Crevel, Détours, La Nouvelle Revue française, Paris, 1924.

[2« Mémoire combattante : quelques écrits de Jacques Sauvageot », Contretemps, no 37, Paris, avril 2018.

[3Selon les mots du recteur Jean Capelle analysant un plan gouvernemental de 1966 sur l’enseignement supérieur.

[4Lire Pierre Rimbert, « De Varsovie à Washington, un Mai 68 à l’envers », Le Monde diplomatique, janvier 2018.

   

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