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Disparition de Jean Ortiz : l’internationalisme perd une grande figure

lundi 24 juillet 2023

Spécialiste de l’Espagne républicaine et de l’Amérique latine, l’ancien correspondant de l’Humanité à Cuba s’est éteint, samedi, à l’âge de 74 ans.

« L’ennemi s’est infiltré », disait-il de sa maladie et de ce « diable de scanner qui a marqué un avant et un après », rendant plus épisodiques ses textes sur son blog de l’humanite.fr. Mais, bien conscient de la « défaite à venir », Jean Ortiz était de ces « insomniaques qui guettent angoissés l’aurore afin de reprendre la marche, chaque jour plus claudicante ».

Pour ce « rojo, fils de rojo », une retirada n’interrompait pas le combat. Il s’est éteint, samedi, à l’âge de 74 ans.

De l’histoire tragique de l’Espagne qui avait marqué sa famille, comme de la Résistance dans laquelle son père avait combattu dans l’Aveyron, Jean Ortiz tirait une leçon de courage et se faisait un devoir par ses livres d’enquêtes historiques et ses documentaires de rétablir l’ampleur du crime franquiste avec ses massacres, ses enfants volés, ses tombes effacées.

En 2010, il avait vigoureusement appuyé le juge Garzon qui voulait que les crimes des partisans du Caudillo soient jugés, malgré la loi d’amnistie de 1977.

« Je suis du pays de Jaurès, disait aussi Jean Ortiz, du pays des prolétaires du textile, de la sidérurgie, de la mine. » Cet enracinement de classe l’avait naturellement conduit à l’engagement communiste. Il fut même candidat du PCF à deux reprises, lors d’élections législatives dans ses terres tarnaises à Castres (1973), puis en 9 e position dans le Sud-Ouest lors des élections européennes de 2009.

« Être révolutionnaire, affirmait-il, c’est contribuer à faire de l’humanité le moteur d’une vie. » Il tissait son militantisme de tout ce qui faisait son être singulier – pouvait-il faire autrement ? –, de ses passions, de ses « provocations jamais gratuites », de son verbe enfiévré, de ses colères parfois injustes sur lesquelles il savait revenir, de ce sentiment d’urgence qui ne le quittait pas et qui le conduisait à téléphoner au beau milieu de la nuit au directeur de la rédaction de l’Humanité.

Comment lui en vouloir de partager ses insomnies ? Sa sensibilité à vif mettait souvent le doigt sur une arête de l’actualité, sur le revers d’un fait ou une information incomplète.

Devenu correspondant de l’Humanité à Cuba de 1977 à 1981 – il succédait à José Fort et précédait Maité Pineiro –, Jean Ortiz réalise aussi de grands reportages en Amérique latine. Il est ainsi au cœur de la révolution au Nicaragua et accompagne une colonne de guérilleros sandinistes jusqu’à la prise de Managua. Épopée inoubliable.

Après un bref passage parisien comme collaborateur du comité central du PCF sur l’Amérique latine, il quitte le journalisme pour une carrière d’enseignant, même si l’écriture d’un « papier » le démangeait toujours et qu’il y revenait comme à une féconde addiction.

En 1982, Jean Ortiz soutient une thèse de troisième cycle et le jeune agrégé d’espagnol devient maître de conférences à l’université de Pau.

Ses passions l’y accompagnent et il crée un festival, CulturAmerica, dont il fait un pont avec l’Amérique latine, accueillant les personnalités progressistes et les intellectuels du continent, questionnant les expériences citoyennes qui y naissent et nouant des amitiés, avec Evo Morales notamment.

Le rendez-vous devient vite incontournable pour les chercheurs comme pour les amoureux de cette région du monde. Devenu un spécialiste reconnu de l’Amérique centrale et du Sud, il produit plusieurs ouvrages – dont l’un consacré à Che Guevara [1] – et secoue les consciences sur les crimes de Pinochet avec l’avocat chilien, son ami, Eduardo Contreras.

Producteur d’articles universitaires, Jean Ortiz touche à de multiples domaines, scénariste et metteur en scène avec son ami Dominique Gautier (3), mais également aficionado averti. Dans l’Humanité, il rédige plusieurs articles de défense de la corrida et publie un ouvrage de référence, Tauromachie et représentation du monde en Amérique latine (éditions Atlantica, 2005).
Les équipes de l’Humanité expriment leurs condoléances et leur amitié à la famille de Jean et à ses proches.

Patrick Apel-Muller/l’Humanité

(1) Lire notamment chez Atlantica : Mi guerra civil (2005) ; Rouges. Maquis de France et d’Espagne. les guérilleros (2006) ; Guérilleros en Béarn. Étranges « terroristes » étrangers (2007) ; chez la Librairie des territoires : Franco n’est pas mort culo al sol ! (2019). (2) Le Socialisme à la cubaine, avec Georges Fournial (Éditons sociales, 1983) ; Fulgencio Batista et les communistes. Qui a trompé le diable ? (l’Harmattan, 1998) ; Vive le Che ! (Arcane 17, 2017) ; Julio Antonio Mella, l’ange rebelle. Aux origines du communisme cubain (l’Harmattan, 1999). (3) Rouge miroir (2005) ; Le Cri du silence (2007) ; Confidences cubaines (2007) ; Paroles d’anciens (2008) ; Fils de rojo (2009).

La France pleure la mort de Jean Ortiz, un ami de Cuba.

La France a déploré aujourd’hui la mort à l’âge de 75 ans du professeur d’université et militant politique Jean Ortiz, qu’elle considère comme un ami de la révolution cubaine.
Jean Ortiz, professeur d’université et militant politique, dont ils se souviennent comme d’un ami de l’île et d’un militant communiste dynamique.
Un ami de l’île et un militant communiste dynamique.

Dans les réseaux sociaux ou dans le dialogue avec Prensa Latina, ils ont souligné la vie engagée dans les causes des peuples latino-américains de ce syndicaliste et écrivain, dont la vie s’est éteinte la veille, sans que l’on puisse parler de mort, en paraphrasant le chanteur vénézuélien Alí Primera.

Anti-impérialiste, anticolonialiste et républicain, comme le définissent María Teresa Anton, membre de l’association de solidarité France Cuba, et Virgilio Ponce, résident cubain, qui ont tous deux décrit sa mort comme un coup dur.

Je l’ai connu à La Havane comme correspondant du journal L’Humanité dans les années 1970, toujours très au fait de la situation en Amérique latine, des luttes contre les dictatures et des combats de la révolution cubaine face aux agressions impérialistes", a commenté Mme Anton, ancienne journaliste de l’agence de presse Prensa Latina.

Pour sa part, M. Ponce a souligné la force des idées de Mme Ortiz et sa capacité à attirer l’attention et le respect de ses étudiants et de ses interlocuteurs en général.

Sur son compte Facebook, Maite Pinero, également ancienne correspondante du journal L’Humanité dans les Grandes Antilles, a dédié des mots sincères au créateur du festival CulturAmérica de Pau en 1992, lui signifiant ses profondes convictions.

Caractérisé par son charisme et sa propre pensée critique, combative et guérillera, il défendait ses idées avec courage et une grande argumentation politique, a écrit l’ambassadrice de Cuba en Serbie, Leyde Rodríguez, sur le même réseau social.

Prensa Latina.cu


Annie Lacroix-Riz rend hommage à son collègue et camarade, Jean Ortiz.

Jean Ortiz, longtemps en poste à l’université de Pau, fils de républicain espagnol, vaillant syndicaliste opposé sans répit à la dégradation de l’enseignement supérieur et de la recherche, fidèle jusqu’au bout à la République espagnole et à l’Amérique latine anti-impérialiste – Fidel Castro et Cuba en tête –, vient de mourir d’une longue maladie invalidante. Il appartient à la catégorie, devenue rarissime dans l’Université française, fidèle à ses choix progressistes initiaux.

L’introduction faite à son ouvrage de 2011, Guerrilleros et mineurs, rappelle sa contribution à la connaissance de l’Espagne républicaine, indissociable de son attachement au marxisme.

Jean Ortiz rend un bel hommage aux ouvriers républicains et révolutionnaires espagnols, qui ont tout sacrifié à l’espoir de construire dans une Espagne ravagée par les privilèges et la misère une société plus vivable. L’espérance en a été ruinée par la « guerre civile extérieure », livrée, via Franco, par le Reich nazi et l’Italie fasciste, et activement soutenue par la prétendue « non-intervention » franco-anglaise.

Accueillis en « indésirables » par les chefs de la République française qui avaient tant contribué à étrangler la République, entassés dans les « camps de concentration » (c’est leur vrai nom) du Sud-Ouest, certains furent remis à Franco ou, en France, à l’occupant allemand, et voués à la mort. Les autres consacrèrent leur énergie, intacte, à la résistance inlassable, armée ou pas, à l’occupation allemande qu’ils avaient, par leur combat en Espagne, tenté d’éviter à la France.

Puis ils se vouèrent aux luttes politiques et sociales d’un après-Libération qui vit sombrer l’espoir, tué dans l’œuf par les soutiens « occidentaux » acquis à Franco dès la guerre (de Gaulle compris), d’établir enfin une république progressiste en Espagne ; le sort des deux pays continuant d’être lié, l’avenir français de ces combattants ne ressembla pas non plus aux promesses du programme du Conseil national de la Résistance.

Tel « l’éternel guérillero » Enrique Ortiz Milla, celui qui avait « passé la frontière le 13 février 1939, les pieds gelés, par les Pyrénées enneigées, à Prats-de-Molho », ces vaillants ont immergé l’auteur depuis l’enfance dans leurs espérances et leurs combats, espagnols et français.
Beaucoup d’historiens français ont au cours de ces dernières décennies rallié et servi, le plus souvent sans l’avouer, la classe des puissants.

Jean Ortiz avoue sans fard les origines familiales et de classe de sa passion pour l’histoire, la vraie, puisée aux sources originales. Celles-ci ont toute leur place ici, auprès des témoignages de parents et amis, Espagnols d’origine devenus français, et Français de plus longue date, « communistes du Bassin de Decazeville et de l’Aveyron » : archives et récits se font écho avec bonheur.

On peut donc simultanément faire de l’histoire scientifique et juger pertinente la « 11e thèse [de Marx] sur Feuerbach » (« Les philosophes [et les historiens] n’ont fait qu’interpréter le monde de façon dissemblable, il s’agit maintenant de le transformer »).
Il est juste et bon que les enfants et petits-enfants d’« indésirables » y tiennent toute leur part.

Salut, Ami.

Annie Lacroix-Riz, sa collègue et camarade


[1Le Socialisme à la cubaine, avec Georges Fournial (Éditons sociales, 1983) ; Fulgencio Batista et les communistes. Qui a trompé le diable ? (l’Harmattan, 1998) ; Vive le Che ! (Arcane 17, 2017) ; Julio Antonio Mella, l’ange rebelle. Aux origines du communisme cubain (l’Harmattan, 1999)

   

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