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1er mai, qui cultive les provocations ?

Ou le jardin des complices

jeudi 3 mai 2018 par Jean Penichon

Beaucoup vont apporter des éclairages souvent pertinents sur les tenants et aboutissants de la provocation généralisée autour des manifestations du 1er mai 2018, singulièrement à Paris.

Il va falloir faire le point des évolutions des obstacles et autres diversions policières devant l’exigence d’enquête pour savoir comment plus de 280 interpellations ne conduisent qu’à 109 mises en garde à vue  ? Au passage peut-être faudra-t-il demander au préfet de police les numéros de matricule de nombre des plus de 180 évaporés dans une nature fort clémente pour quelques fonctionnaires "désuniformisés" à fortes attaches Collombophiles.

Comme expert en la matière, Barre ayant défuncté ne pouvant confirmer, en trinquant à la réussite de l’opération, Giscard pourrait le dire," ce Collomb, c’est du Bonnet". Les sidérurgistes et métallos, les manifestants parisiens de 1979 s’en souviennent à coup sûr.

Reste que l’urgence pour qui veut peser pour modifier le cours d’une histoire qui s’écrit de plus en plus à l’encre brune est de bien caractériser l’espace politique actuel. Canaille le Rouge va tenter d’amener sa pierre à cette réflexion.

Pour ce faire Canaille le rouge va tirer un peu le fil de la littérature tissé avec un peu de rappel historique.

Tiré d‘un superbe bouquin (à lire – ou à relire pour qui ne l’aurait pas déjà dévoré) de Laurent Binet « la septième fonction du langage », cette idée d‘une si pertinente actualité :

« " ...Le fascisme n’est plus la conséquence catastrophique d’un État en crise et d’une classe dominante qui a perdu le contrôle des masses."

La fascisation est ce moment où les condottieres du capital voient que la situation qu’ils pensaient maîtriser peut leur échapper. Il produit ce que Gramsci dans son analyse du fascisme annonce comme portant « Les phénomènes morbides les plus variés "

L. Binet avançant sa réflexion, Canaille le Rouge la partage, poursuivant :

« Le fascisme ne représente plus la menace qui plane au-dessus d’une crise qui s’éternise mais la condition même de la crise. ».

Dans ce paysage, il y a un cocu magnifique : le peuple. Celui à qui on (il faudra revenir sur les identités à facettes de ce « on ») a fait croire qu’il avait à voter blanc-bleu pour chasser le brun alors qu’il s‘agit dans les mains du jardinier de ce jardin des complices des deux branches d‘un sécateur qui sert à tronçonner et supprimer toute contestation.

Ces mains étant une sorte de bras séculier au service du capital financier et de ses assistants industriels et fonciers.

Dans un sécateur il y a la branche inférieure où la lame est socle et la supérieure qui tranche. les deux donnent l’efficacité de l’outil.

Pour la France, Mitterrand le francisqué étant à l’enclume, l’inférieure forgée par le Parti socialiste, se nomme f-Haine. La supérieure, nommée Macron, forgée à l’ENA et trempée par le grand capital financier sera affûtée et assemblée par un autre ex- premier secrétaire du PS, Hollande, persuadé qu’il s’assurerait la maîtrise de l’outil.

L’expérience montre qu’en tout lieu, c‘est la main et le cerveau qui la pilote qui décide de l’outil et comment il s’en sert. Soit les forgerons sont complices soit leur candeur confinerait à de la bêtise. Penser en termes de candeurs des deux sus-nommés, au regard de leur parcours, leur apporterait un alibi injustifié.

Une fois cela avancé comme théorie du chaos prémédité, retournons y voir clair dans le mécanisme et donc revenons sur ce que Gramsci, Dimitrov et Togliatti ont su si bien analyser et exposer sur la nature réelle du fascisme, parce que c’est de cela qu’il s’agit. Encore faut-il en démonter les raisons

Celui-ci, pour raser les murs, bénéficie toujours d‘un des plus horrible paravent de l’histoire pour se protéger : le nazisme. Ce fascisme hitlérien qui dans sa dimension raciste exterminatrice, en condensant sur lui toute les légitimes révulsions et condamnations, permet une diversion qui fait obstacle à la claire compréhension de la nature de classe du fascisme en général.

Le nazisme, fascisme accomplie avec la barbarie au bout de la logique masque combien des systèmes intégrant plus ou moins de cette barbarie s‘en tirent à bon compte parce que si tout aussi criminel ou meurtrier, le crime de masse ne comportait pas la dimension génocidaire propre au fascisme hitlérien.

Un des exemples les plus criant étant le franquisme que l’idéologie dominante travaille à muter en guerre civile alors qu’il s’agit bien pour la classe dominante en Espagne de maintenir à tout prix, y compris par le massacre de son peuple, son emprise pour sauver son capital foncier, industriel et financier.

Preuve de cette nature de classe, l’obstination permanente de la grande bourgeoisie espagnole liée de façon incestueuse à l’aristocratie pour interdire le travail d’histoire sur un demi de siècle de la partie la plus brutale de la contre-révolution fasciste espagnole et ses remugles dans ses pratiques aujourd’hui dans sa façon de traiter ses opposants politiques.

Une première piste pour identifier les outils du fascisme est dès lors lisible et L. Binet le dit excellemment ainsi :

" ...Le fascisme n’est plus la conséquence catastrophique d’un État en crise et d’une classe dominante qui a perdu le contrôle des masses. Il est, non plus la sanction, mais le recours sournois de l’auxiliaire de la classe dirigeante pour contenir la poussée des forces progressiste...un fascisme d’officine douteuse et clandestines à la solde de patrons racistes qui veulent que tout change pour que rien ne change "

Le prix Goncourt 2017, "L’ordre du jour", de Patrick Vuillard, expression littéraire ciselée époustouflante qui illumine le travail d’entomologiste des travaux de l’historienne Annie Lacroix-Riz sur ce haut-patronage par le capital des pratiques fascistes confirme avec quel éclat cette nature de classe.

Dans ces conditions, en France, l’enjeu pour le capital aujourd’hui est limpide : tout faire pour résister au poids des contradictions qui font craquer la maison dont le pacte républicain est une pièce majeure la charpente. Charpente toujours robuste qui interdit au capital de l’ajuster à ses exigences.

Donc créer des points de rupture pour accompagner la casse, permettant de passer en force au nom du besoin de réforme pour sortir le capital de son impasse, obtenir la légitimation des besoins de répression face à ceux qui s’y opposent. Casseurs et théofascistes étant l’un ou (et) l’autre pain béni pour engager ces opérations répressives indispensable au capital pour reconstruire un environnement politique lui permettant de se sauver la mise.

Les provocations contre le mouvement populaire font partie historiquement de la panoplie de la bourgeoisie française. Elle a toujours su en user sous tous les régimes.

Il s’agit pour la bourgeoisie française de se mettre en résonance avec la fameuse stratégie du Guépard : « faire que tout change pour que rien ne change " où Macron théâtreux raté mais politicard affûté veut se faire passer pour Tancrède-Delon pour mieux reprendre en main les leviers pour sa classe.

D’où, pour qui veut changer la société et sa situation de crise permanente, l’impératif de s’affranchir non seulement de Macron Tancrède, mais de s’affranchir du rapport social d’exploitation qui le structure et conforte.

Et pour l’instant avant ou après le 5 mai, d’autant que ce jour là, vu les parrains du factotum logé à l’Élysée, c’est plutôt profil bas du point de vue des objectifs.

Dès lors, pour ceux qui se veulent communistes, il y a une urgence impérative pour supprimer la tête qui conduit la main tenant le sécateur, et pour bien la cibler, de fouiller un peu plus sur cette nature de classe du fascisme et la forme qu’il peut prendre dans notre pays.

Cela demande pour ne pas se tromper sur sa nature de ne pas oublier qu’il n’est en aucune façon une sinistre denrée d ‘importation mais non seulement dispose d’un enracinement et donc d‘un mycélium propre lui offrant les conditions de son propre développement, la répression depuis la Commune, l’affaire Dreyfus et le massacre de Fourmies étant la couche ayant permis la mise en culture de ce mycélium.

Les conditions de ce fascisme ne sont plus des menaces extérieures aux institutions, dont le second tour d‘une élection présidentielle pourrait nous préserver, mais le moyen lors de ce second tour, en braquant les projecteurs sur le danger d’une des branches du sécateur de faire croire que la seconde y serait étrangère voir préserverait des risques portés par la première.

Pour autant et pour citer L Binet :

"La crise dans laquelle s’enlise l’Italie depuis des années ne se résoudra que quand le fascisme aura été extirpé de l’État ".

Il place le moment de son intrigue en Italie, mais en mettant « France » à la place tout devient limpide.

A ce moment, il est plus que temps de revenir aux propos de Dimitrov quand dans les années 30 l’hégémonie des fascismes se répand sur la planète.

« Dans les conditions de la crise économique extrêmement profonde, de l’aggravation marquée de la crise générale du capitalisme, du développement de l’esprit révolutionnaire dans les masses travailleuses, le fascisme est passé à une vaste offensive.

La bourgeoisie dominante cherche de plus en plus le salut dans le fascisme, afin de prendre contre les travailleurs des mesures extraordinaires de spoliation, de préparer une guerre de brigandage impérialiste, une agression contre l’Union Soviétique, l’asservissement et le partage de la Chine et sur la base de tout cela de conjurer la révolution.

Les milieux impérialistes tentent de faire retomber tout le poids de la crise sur les épaules des travailleurs. C’est pour cela qu’ils ont besoin du fascisme."

Certes la question de l’URSS n’est plus d’actualité (encore que l’impérialisme occidental garde un œil plus qu’intéressé sur les richesses convoitées du continent Russie, tente de prendre la main sur l’eau de l’Himalaya, vise les terres rares de Chine et les gisements pétrolifères de tous le moyen orient ). Rappelons le contexte du propos. Il s’agit du 7e congrès de la 3e internationale moment où le fascisme italien a déjà 10 ans, l’impérialisme japonais et le nazisme sont en pleine croissance.

Moment aussi où le neutralisme des USA se fait pour préserver l’Allemagne et l’Italie et les intérêts du capital US, où la grande propriété agrarienne des USA cherche à maintenir les traditions esclavagistes au travers de la ségrégation, moins d’un siècle après le plein déroulement à la fois du génocide des peuples de ce qui s’appelle depuis l’Amérique et la traite négrière fourbissant les outils de production humain pour les plantations.

Un moment où la classe ouvrière des états unis s’organise et va être matée avec la plus extrême brutalité dès la fin des années quarante.

En France le mouvement populaire qui a mis en échec les ligues factieuses cherche une issue politique, moment où le capital industriel et financier structure son assistance puis son pilotage du fascisme français.

De ces expériences, Dimitrov soutiendra la stratégie de Front Populaire du PCF et du PCE en France et en Espagne, stratégie qui en France trouvera confirmation dans la Résistance et qui sera dès lors modélisée au point d’être ossifiée par un PCF lequel, malgré 1938, puis 1947, les guerres coloniale, refusera de voir la transformation de la SFIO entamée dès 1914, sanctionnée à Tours en 1920 comme auxiliaire zélé du capital.

Cette proposition de Dimitrov s’appuie sur une analyse du fascisme qui demande maintenant à être ajustée aux conditions de 2018 mais qui sur le fond reste d ‘une actualité brûlante et, toute pratique étant pratique d’une théorie, éclaire la réalité des provocations policières de ce premier mai (tout en mesurant que le poids de la crise et les violences du système sont aussi générateurs de colère pouvant donner un espace-réservoir d’auxiliaires aux provocations policières qui peuvent expliquer le différentiel des plus de 280 interpellations suivie de 109 mises en garde à vue ».

Dimitrov il y a 80 ans donne une définition qui installe la fascisation des institutions dans le processus de l’affrontement de classe, définition qui est d’une étonnante modernité :

.... Le fascisme, ce n’est pas une forme du pouvoir d’état qui, prétendument, "se place au-dessus des deux classes, du prolétariat et de la bourgeoisie", ainsi que l’affirmait, par exemple, Otto Bauer.

Ce n’est pas "la petite bourgeoisie en révolte qui s’est emparée de la machine d’état", comme le déclarait le socialiste anglais Brailsford.

Non. Le fascisme, ce n’est pas un pouvoir au-dessus des classes, ni le pouvoir de la petite bourgeoisie ou des éléments déclassées du prolétariat sur le capital financier.

Le fascisme, c’est le pouvoir du capital financier lui-même. C’est l’organisation de la répression terroriste contre la classe ouvrière et la partie révolutionnaire de la paysannerie et des intellectuels. »

Les théoriciens du capital pour former leurs cadres dirigeants disposent du temps, des moyens et des outils de leur sélection. Pour expliquer pour partie comment le fascisme dispose d’espace, ne pas faire l’impasse sur une des raisons de la défaite idéologique actuelle.

Moins les organisations dont péniblement la classe ouvrière s’est dotée pour s ‘affranchir du capital ont étudié ceux de ses militants qui ont pensé la société et l’émancipation, plus le capital les a théoriquement étudiés au plan économique (Marx en particulier) politique (Bakounine comme Lénine, Trotski, Mao, Gramsci) militaire (Mao encore, Giap) laissant Herbert, Blum ou Kautsky mener leur barque tant ils servaient aussi loyalement que bien les intérêts du capital, au prix de trahison et répression sanglante de ceux qu nom de qui ils prétendent parler .

En politique, on ne prend jamais de retard. Soit on ne dispose pas des éléments de réflexion et on ne pense pas le problème soit dès lors que ces éléments sont disponibles : ou on a raison, ou on se trompe.

Sur le fascisme, comme sur l’impérialisme l’abandon de la réflexion au regard des capacités d‘ajustement permanent dont le capital fait preuve conduit ceux qui se sont auto-proclamés avant-gardes titulaires du savoir, en se trompant à tromper le peuple. Ils laissent ainsi un espace dévasté alors que la colère grandit.

Un espace politique qui dès lors est libre pour toutes les aventures dont le capital est porteur pour imposer le talon de fer de son hégémonie.

Légende photo : Quand Luchino Visconti éclaire le fond de ce débat. Qui finance le fascisme ?


Voir en ligne : http://amers-cap.com/2018/05/1er-ma...

   

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