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Iran/Etats-Unis : sanctions, chantages et extorsions de fonds (ou comment le voyou fait appliquer sa "loi")

vendredi 11 mai 2018 par Viktor Dedaj

« Celui qui contrôle le vocabulaire contrôle les termes du débat »

Une amende, selon le Larousse, est « une sanction pécuniaire édictée par la loi en matières civile, fiscale, douanière ou pénale, consistant en une somme d’argent payable à l’État. »

L’État, ici, n’est pas n’importe quel État, mais bien l’État sous la juridiction duquel se trouve l’enfreignant. Je paie une amende à l’État français lorsque j’enfreins une loi ou une réglementation édictée par l’État français ou une autorité française et lorsque je me trouve dans un état de subordination à, ou sous la juridiction de, l’autorité en question.

En clair : je peux rouler à 200km/h sur une autoroute allemande sans risquer une « amende » lors de mon retour en France. A contrario, ce n’est pas parce que j’ai le droit de rouler à 200km sur une autoroute allemande que je pourrais me permettre de le faire sur une autoroute française.

Un autre élément fondamental en droit pénal est que la sanction ne s’applique qu’aux actes commis après la date d’application de la loi.

En clair (bis) : si la vitesse sur une l’autoroute en France est limitée à 130 depuis ce matin, je ne peux pas être condamné à une amende pour avoir roulé à 140 hier.

Si tout ceci vous paraît évident, et juste, c’est que vous n’êtes ni un de ces psychopathes qui gouvernent le monde, ni un états-unien.

A l’annonce de la rupture unilatérale par les États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien – accord apparemment respecté à la lettre par l’Iran, les États-Unis ont annoncé le retour des « sanctions » et des « amendes », contre l’Iran mais aussi contre les entreprises étrangères (dont des françaises).

Ce matin, à l’antenne de France Culture, le ministre français de l’Économie, Bruno Lemaire, a eu ce cri du cœur : les mesures punitives vont « poser des difficultés à toutes les entreprises européennes (..), des difficultés économiques considérables, mais plus important encore que le problème économique, c’est le problème de principe, d’avoir des sanctions extraterritoriales ».

Un problème de principe ? C’est ça le problème avec les principes : lorsqu’on commence à les violer soi-même, ou que l’on accepte sans trop broncher que d’autres les violent (y compris à son propre détriment) peut-on, ou a-t-on le droit, de s’étonner ?

Sanctions extraterritoriales ? Sans être un spécialiste du droit international, il me semble que l’alerte aurait du être donnée en 1996, lorsque les États-Unis adoptèrent une loi pénale qui devrait figurer dans tous les cours de droit international (ou de droit tout court) : la loi dite Helms-Burton. Cette loi, votée par le Congrès US et ratifiée par Bill Clinton, présentait déjà deux étonnantes « innovations ».

La première « innovation » fut la retro-activité. En effet, la loi déclare « illégaux » et punit des actes commis avant son entrée en vigueur.

La deuxième « innovation » fut, justement, l’extraterritorialité ce qui signifie que, dans l’esprit des ses auteurs, cette loi s’applique à tous et partout dans le monde.

La retro-activité d’une loi pénale est par définition une horreur sur laquelle il ne me paraît pas nécessaire d’insister. Les psychopathes ont leur logique, qu’il suffit de connaître.

Quant à l’extraterritorialité, il convient de préciser qu’il s’agit d’une notion avant tout politique. Admettre l’inverse, c’est admettre la possibilité que des Français vivant en France et menant une activité totalement légale en France pourrait se voir infliger des « amendes » (et plus, pourquoi pas ?) par des entités étrangères pour ces mêmes activités. Ce serait admettre que quelqu’un pourrait être poursuivi devant un tribunal français pour la violation d’une loi... états-unienne.

En poussant le raisonnement, on pourrait se promener dans la rue en France avec un fusil d’assaut sous prétexte que la loi états-unienne m’y autorise... pour peu que la notion d’extraterritorialité soit légèrement étendue et que je fasse preuve de la même mauvaise foi. (Après tout, il n’y a pas de raison que l’extraterritorialité ne s’applique que dans un sens restrictif.)

Ou qu’une Française en vacances au États-Unis dans l’état de l’Idaho se retrouve en prison pour avoir pratiqué en France un avortement au-delà de la limite autorisée dans cet État des États-Unis.

Plus drôle encore : vous-vous imaginez devant un juge US en train de vous défendre pour un délit commis là-bas, en invoquant une loi française ?

Alors, comment ça marche, l’extraterritorialité ? Simple : si l’entreprise en question ne se soumet pas au caractère prétendument « extraterritorial » de la loi US, l’administration américaine procédera à des mesures de représailles, soit directement contre l’entreprise en question, soit (dans certains cas) en s’en prenant à ses filiales ou intérêts aux États-Unis.

Les entreprises n’ayant aucun intérêt économique aux États-Unis pourraient donc se croire à l’abri. Pas tout à fait. Encore faut-il que l’entreprise n’ait pas de compte dans une banque US ni dans une banque qui aurait des intérêts aux États-Unis et qui elle-même se rendrait « complice » aux yeux du Département du Trésor US. (On a vu la Société Générale, par exemple, fermer tous les comptes, sans préavis, d’un ami vivant en France qui effectuait des virements réguliers à sa famille à Cuba. Motif invoqué : l’embargo US contre Cuba. Des cas similaires sont nombreux.)

Bref, dans un tel contexte, il ne reste plus grand monde pour prétendre échapper aux « sanctions » états-uniennes.

La prétention à l’extraterritorialité d’une loi – punir quelqu’un qui n’a commis aucune infraction chez lui – n’est qu’un vernis posé sur un acte qui s’apparente au chantage, et la menace de s’en prendre aux filiales et aux intérêts est l’équivalent du mafieux qui vous réclame de l’argent après avoir susurré qu’il sait où vos enfants vont à l’école.

On pourrait imaginer les effets - et la situation qui se créerait – si l’extraterritorialité de leurs lois était revendiquée par tous les pays, et pas seulement les États-Unis.

(Notons au passage que l’application de sanctions extraterritoriales - et retro-actives en ce qui concerne le blocus contre Cuba - sont l’œuvre des mêmes qui tentent de criminaliser de simples appels au boycott.)

M. Lemaire a dit aussi qu’il n’est « pas acceptable » que les États-Unis se placent en « gendarme économique de la planète ». Gendarme ou Voyou, M. Lemaire ?

Mais voilà, la loi Helms-Burton de 1996, précurseur en la matière, ne visait « que » la petite Cuba. Le pro-américanisme bêlant combiné avec l’anticommunisme primaire a fait le reste. Les principes furent violés. L’exemple donné. L’habitude prise.

Les années passèrent et les « amendes » tombèrent. Et il ne reste au ministre français de l’économie d’aujourd’hui qu’à exprimer une sorte de désaccord boudeur dont les États-Unis sauront certainement lui dire ce qu’il peut en faire.

   

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