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Trump, le Pentagone et l’establishment

vendredi 31 août 2018 par Workers

L’analyse marxiste est nécessaire pour démêler les relations politiques complexes au sein de l’administration Trump et celles avec le Congrès. Selon Marx, le gouvernement capitaliste est le comité exécutif de la classe dirigeante. Cette vérité tient toujours. Mais ce comité exécutif n’est en aucun cas politiquement homogène ou unifié. En fait, plus la crise de l’impérialisme et du capitalisme est grande, plus les divisions au sein du gouvernement et au sein même de l’État sont grandes.

La dernière série de sanctions US contre la Russie illustre comment le Pentagone et ses alliés au sein du gouvernement capitaliste agissent indépendamment du président étasunien pour saper sa propre diplomatie quand elle entre en conflit avec les objectifs de l’armée.

Pour des raisons qui font l’objet de spéculations, Trump a tenté de réaligner la politique étrangère de l’impérialisme US pour y inclure un rapprochement avec la Russie. Il l’a fait depuis le début de sa campagne électorale. Cette tentative de réalignement a été exprimée de manière spectaculaire lors du sommet entre Trump et Poutine à Helsinki en juillet.

Ne vous méprenez pas, Donald Trump n’est pas un partisan de la paix. Il est belliqueux, belliciste et bat les tambours de guerre de manière impulsive quand ça l’arrange. C’est une brute dans les relations internationales et un promoteur autoritaire du racisme, du sexisme et de la bigoterie sur la scène nationale.

Trump nourrit la machine de guerre

Trump a beaucoup fait pour alimenter la machine de guerre du Pentagone. Il a allongé le pognon pour des augmentations record, avec un budget militaire dépassant les 716 milliards de dollars pour 2019. Il a autorisé la modernisation des armes nucléaires. Il a débloqué des enveloppes pour augmenter les avions à réaction, les navires et les troupes. Bref, il a tout fait pour maintenir le complexe militaro-industriel satisfait et en accord avec son administration.

« L’augmentation des dépenses militaires est l’une des plus importantes de l’histoire moderne des États-Unis, avec une hausse de 9,3 % entre 2017 et 2019 », explique Todd Harrison, directeur de l’analyse budgétaire au Centre d’études stratégiques et internationales. (Washington Post, 10 juin)

Cela marque une augmentation de 136 milliards de dollars entre 2017 et 2019.

Pendant ce temps, des tas de gens perdent leurs soins de santé, leur garde d’enfants, leurs coupons alimentaires et leur logement tout en souffrant de la pauvreté, du chômage et du manque d’emplois. Mais Lockheed Martin, Boeing, Raytheon, United Technologies, Northrop Grumman et d’autres marchands de la mort se goinfrent des profits.

Le Pentagone domine toujours la politique US

Peut-être Trump pensait-il que sa générosité envers les généraux et les amiraux maintiendrait le Pentagone et le haut commandement en phase avec sa diplomatie personnalisée. Pas tant que ça.

Concernant l’adoucissement envers la Russie, le Pentagone ne l’a pas entendu de cette oreille. Les alliés conventionnels de droite sur lesquels l’armée peut compter au sein de l’administration – le conseiller à la sécurité nationale John Bolton et le secrétaire d’État Mike Pompeo – ont renversé la diplomatie personnelle de Trump.

Par exemple, Pompeo et le Département d’État ont récemment notifié au Congrès que l’administration considère la Russie derrière l’empoisonnement de deux anciens espions russes avec un agent chimique en Angleterre en mars dernier — il y a six mois !

Washington affirme que Moscou a violé la loi de 1991 sur le contrôle des armes chimiques et biologiques. Cette loi a été utilisée par l’impérialisme US contre la Syrie et la République populaire démocratique de Corée. Et elle est actuellement utilisée contre la Russie.

Les sanctions imposées à la Russie portent sur des centaines de millions de dollars pour des produits dits à « double usage » qui pourraient être utilisés à des fins militaires. Dans 90 jours, des sanctions plus draconiennes seront imposées, comme refuser les marchés US aux banques russes si la Russie ne prouve pas qu’elle n’utilise plus d’armes chimiques.

L’accord entre Trump et la Corée du Nord saboté

Trump a saisi les ouvertures diplomatiques de Kim Jong Un, chef de la République populaire démocratique de Corée et du Parti des travailleurs de Corée. Kim a tenté de désamorcer la crise dans la péninsule coréenne en proposant une rencontre sur la dénucléarisation. Trump accepta l’invitation et fit la promotion du sommet bilatéral tenu à Singapour le 12 juin.

Trump essayait d’atteindre un statut « historique » en mettant fin à la crise. Quand il est revenu, il a parlé de la fin de la guerre de Corée et a évoqué un éventuel traité de paix pour mettre fin à la guerre qui dure depuis juin 1950. Les combats avaient pris fin en août 1953, mais depuis, les États-Unis n’avaient jamais accepté de discuter d’un officiel traité de paix.

En fait, Trump a annulé les manœuvres militaires menées chaque année par les soldats étasuniens et sud-coréens ; ces manœuvres exerçaient une pression militaire visant à faire tomber la RPDC.

Toutefois, depuis le sommet de Singapour, la quasi-totalité de la classe dirigeante, des médias et des militaires US ont tenté de saboter le processus visant à mettre fin à la guerre de Corée. Ils désignent les dirigeants de la RPDC comme des menteurs auxquels on ne peut pas faire confiance. Dernièrement, ils ont réclamé une augmentation des sanctions parce que la Corée du Nord n’allait pas dénucléariser maintenant.

Les États-Unis refusent de signer le traité de paix

Il y a une explication simple sur le fait que le processus de dénucléarisation n’a pas commencé.

David Sanger et William Broad, deux prestigieux reporters de l’impérialiste New York Times, ont admis dans un article du 10 août que Washington avait renié les engagements pris lors du sommet de Singapour et lors des pourparlers ultérieurs :
« Jeudi [9 août.], le journal officiel de la Corée du Nord, Rodong Sinmun, a qualifié la déclaration d’armistice comme “la grande demande de notre époque” et que ce serait la “première étape” pour accomplir l’accord conclu le 12 juin entre M. Trump et M. Kim. Pyongyang veut également que les négociations sur le traité de paix commencent avant de faire le détail de son arsenal. »

En d’autres termes, les faucons réactionnaires de l’administration Trump et les militaires sabotent délibérément la condition préalable à la dénucléarisation. Condition à laquelle Trump, et peut-être Pompeo, ont dû souscrire oralement. Ces discussions portaient d’abord sur un traité de paix destiné à mettre fin à la guerre menée par l’impérialisme US depuis 68 ans, pour qu’ensuite, la RPDC fasse l’inventaire de ses armes nucléaires. Ainsi, la droite essaie à présent de renverser la diplomatie de Trump à l’égard de la Corée.

L’OTAN et Bolton

Il y a encore un autre exemple de la manière dont les militaires contournent les décisions de Trump. Il y a quelques mois, lors du sommet de l’OTAN, son conseiller à la sécurité nationale, le militariste de droite John Bolton, a envoyé des instructions aux ministres de la Défense de l’Europe impérialiste. Bolton voulait qu’ils travaillent à une déclaration commune avant la réunion avec Trump. Son but était d’éviter que Trump ne fasse voler le sommet en éclats avec son hostilité contre l’OTAN.

Un article du New York Times du 9 août a décrit comment Washington travaillait avec Bruxelles pour mettre en place un accord par lequel l’Europe s’engageait à fournir 30 bataillons de soldats, 30 escadrilles d’avions et 30 navires prêts au combat. L’objectif de cet accord était de préparer l’OTAN à une guerre contre la Russie.

Un commandement nord-atlantique devait être mis en place à Norfolk, en Virginie, pour se préparer à une telle guerre. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a insisté sur la directive de Bolton lors d’un rassemblement des ambassadeurs, le 4 juillet. Lorsque Trump est arrivé à Bruxelles, tous les accords étaient conclus. Généralement, de tels accords se marchandent en toute fin de sommet.

Convergence contre la Chine

Le Pentagone mène des manœuvres de guerre provocatrices contre la République populaire de Chine. Les forces navales ont envoyé des navires de guerre à moins de 19 kilomètres des îles chinoises dans la Mer de Chine méridionale. Et le 10 août, un avion-espion envoyé par les États-Unis les a survolés. Une équipe de la CNN était à bord de l’avion, rapportant les événements :
« Pendant le vol, l’équipage a reçu six avertissements distincts de l’armée chinoise, leur disant qu’ils se trouvaient à l’intérieur du territoire chinois. … “Partez immédiatement et restez à l’écart pour éviter tout malentendu”, a déclaré une voix. Et chaque fois, la Marine a envoyé le même message : “Je suis un avion de la marine des États-Unis disposant d’une immunité souveraine qui mène des activités militaires licites au-delà de l’espace aérien national de tout État côtier.”

Cela signifie que le Pentagone revendique une “immunité souveraine” à quelque 9600 kilomètres des États-Unis et à moins de 16 kilomètres de la Chine.

Le fait est que cette provocation intervient alors que Trump a lancé une guerre commerciale contre la Chine. Dans ce cas, sa politique économique agressive est en phase avec la politique militaire du Pentagone. Il n’y a donc pas de sabotage de la part des deux factions.

Trump, le marxisme et l’État

L’analyse marxiste est nécessaire pour démêler les relations politiques complexes au sein de l’administration Trump et celles avec le Congrès. Selon Marx, le gouvernement capitaliste est le comité exécutif de la classe dirigeante.

Cette vérité tient toujours. Mais ce comité exécutif n’est en aucun cas politiquement homogène ou unifié. En fait, plus la crise de l’impérialisme et du capitalisme est grande, plus les divisions au sein du gouvernement et au sein même de l’État sont grandes.

La présidence de Trump elle-même est le reflet de la crise du capitalisme. Certes, il a perdu le vote populaire de 3 millions d’électeurs. Mais toute son ascension politique était basée sur la démoralisation politique d’une partie des masses ainsi que la banqueroute des représentants de l’establishment au sein du Parti Démocrate. Après avoir voté pour Obama en 2012, des millions de personnes ont voté pour Trump en 2016. Parmi ces électeurs, nombreux étaient ceux qui avaient soutenu la tentative infructueuse de Bernie Sanders lors des primaires, avant de passer à Trump.

Une guerre civile fait maintenant rage au sein de la direction du Parti Démocrate sur la manière de surmonter cette faillite. Mais dans tous les cas, les dirigeants démocrates ne peuvent rien faire pour éliminer la crise du capitalisme, qui est à la base du problème.

Trump canalise la colère après des années de baisse des salaires et de fragilisation des syndicats. Dans le même temps, il a attaqué les défaites de l’impérialisme à l’étranger, notamment la tentative ratée de conquérir complètement l’Ukraine en 2014. Son élection s’inscrit dans une vague raciste et anti-im/migrants généralisée dans le monde capitaliste, y compris en Europe.

Les nominations de droite ont rompu la coalition de Trump

Trump était un parfait outsider qui a triomphé de l’establishment républicain. Au début, son gouvernement était une coalition entre cet establishment et la droite. Au fil du temps, Trump a évincé les personnalités de l’establishment qui pouvaient lui dire non : Rex Tillerson, ancien PDG d’ExxonMobil, qui avait été son secrétaire d’État ; Gary Cohn, ancien PDG de Goldman Sachs, son principal conseiller économique ; et le général H.R. McMaster, son conseiller à la sécurité nationale.

Il les a remplacés par des militants de droite opposés à l’establishment : John Bolton, conseiller à la sécurité nationale ; Mike Pompeo, secrétaire d’État ; et Larry Kudlow, conseiller économique en chef.

Trump pensait alors qu’il était libre de poursuivre son programme pour raviver les chances de l’impérialisme. Son programme était de sortir de l’Accord de Paris sur l’environnement ; se retirer du partenariat transpacifique ; intimider l’OTAN jusqu’à la soumission ; lancer une guerre raciste contre les travailleurs immigrés ; s’aligner sur les forces anti-immigrés en Europe ; faire sauter le traité nucléaire iranien ; mener une guerre commerciale contre la Chine et d’autres pays ; démanteler et renégocier l’ALENA, etc.

Bien sûr, son programme est en contradiction avec la politique traditionnelle de la classe dirigeante qui consiste à maintenir des alliances avec l’impérialisme européen, tout en entretenant la subordination de ces alliés. L’establishment est largement hostile à la République populaire de Chine et à l’Iran, il est aussi uni dans son opposition à la Russie. Mais même ses conseillers de droite sont intervenus pour sauver l’OTAN des griffes de Trump.

Deux faux programmes pour ranimer l’impérialisme

De toute évidence, les politiques de Trump sont complètement néfastes aux stratégies que menait depuis longtemps l’establishment capitaliste US pour dominer le monde. En réalité, l’establishment a une analyse totalement erronée de sa propre crise, si bien qu’il ne pourrait pas la résoudre avec son approche habituelle. Mais tant le point de vue de l’establishment que celui de Trump sur la crise sont faux.

Seule une compréhension révolutionnaire marxiste de la crise correspond à la réalité objective. Et seule une telle vision peut conduire à une résolution de la crise qui sera favorable aux travailleurs et aux opprimés.

La crise de l’impérialisme et du capitalisme étasuniens découle du besoin insatiable et agressif qu’ont Washington et Wall Street de reconquérir et de recoloniser les vastes territoires qu’ils ont perdus au cours de la période soviétique au XXe siècle. C’est une tentative ratée.

Ils ne peuvent pas faire à nouveau du Pacifique un “lac américain” parce que la Chine a émergé. Ils peuvent faire des dégâts terribles, mais ils ne peuvent pas recoloniser le Moyen-Orient ou l’Iran parce que les opprimés de la région ne laisseront pas cela se produire. Ils ne peuvent pas faire de l’Amérique latine une “arrière-cour” étasunienne malgré toutes leurs aspirations à des “changements de régime”. Leur traitement brutal envers Porto Rico et les migrants/immigrés latinos fait voler en éclats leurs fausses promesses. Et le Cuba socialiste entrave toujours leur chemin.

La crise découle de la soif de profit insatiable de la classe dirigeante d’une part, et des inégalités croissantes ainsi que de la pauvreté extrême des masses qui en résultent d’autre part. Ces masses constituent la base sociale ultime de l’impérialisme, une base érodée à chaque réduction d’impôt pour les riches, à chaque attaque contre les services sociaux, à chaque acte de brutalité policière raciste par l’incarcération de masse. Les parasites de la classe dirigeante cherchent désespérément à presser les masses jusqu’au dernier cent lorsque leur système se détériore.

Ainsi, les deux points de vue sur la crise, celui de Trump et celui de la classe dirigeante capitaliste au sens large, sont faux. Le capitalisme n’a pas de solution à sa propre crise systémique.

Source originale : Workers

Traduit de l’anglais par Investig’Action

Source : Investig’Action


Voir en ligne : https://www.workers.org/2018/08/15/...

   

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