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Propositions de l’ANC 13 pour le logement à Marseille

lundi 19 novembre 2018 par A.N.C

Quelques jours après la catastrophe de la rue d’Aubagne et l’évacuation de nombre d’immeubles dont le délitement commence enfin à être pris en compte (1010 personnes, pour 106 immeubles évacués à ce jour), des propositions pour l’avenir commencent à (ré)apparaître de la part d’organisations et d’associations diverses. Nous ne doutons évidemment pas de la bonne volonté de celles et ceux qui les formulent dans ce climat d’émotion et de colère que nous partageons toutes et tous. Pour autant si plusieurs experts (en particulier l’architecte André JOLLIVET et le géologue Michel VILLENEUVE) soulèvent des questions pertinentes, si nombre de demandes apparaissent légitimes et si les propositions associatives sont une base de travail sur laquelle on peut s’appuyer, il nous semble que nombre des mesures préconisées en particulier pour la rénovation/reconstruction, ne résolvent globalement rien parce qu’elles ne s’attaquent pas à la racine du problème, quand elles ne font pas tout simplement la preuve d’une méconnaissance grave du sujet. Retour ligne automatique
Il nous semble naturel que l’ANC 13 s’inscrive dans le débat

Nos propositions

Elles sont de 4 niveaux :
1. La réponse immédiate à l’urgence sociale.
2. La mise à plat et la prévention des risques.
3. La mise en œuvre de la démolition (re)construction.
4. La condamnation des coupables.

1) Sur la réponse à l’urgence sociale :

Il y a lieu selon nous de s’inspirer grandement de la déclaration commune des associationsparue le 9 novembre. Nous y rajoutons simplement trois éléments :
- L’instauration pour les habitant-e-s et leurs collectifs et associations, d’un droit de contrôle et d’intervention dans les décisions qui les concerne et ce à tous les niveaux.
- La mobilisation coordonnée des services sociaux (CCAS, CAF, MDS…) afin que ceux-ci puissent aller à la rencontre des familles et intervenir en urgence en mobilisant des fonds exceptionnels. Cette mobilisation ne doit pas être qu’un guichet unique mais donner les moyens aux travailleurs sociaux de se rendre sur place dans les lieux d’hébergement provisoire ou dans les appartements dégradés. Cela est particulièrement important quand on voit le peu de sollicitations des services sociaux jusqu’à présent alors que nombre de familles sont dans le désarroi et le dénuement le plus total.
- La mise en place d’un système d’indemnisation (par le biais de la déclaration de catastrophe naturelle et la saisie de la CIVI, Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions) qui permette le versement immédiat à titre provisionnel d’indemnités aux propriétaires occupants et aux locataires qui ont tout perdu et/ou qui sont empêchés de travailler et se retrouvent sans indemnités.

En préalable des deux parties qui suivent, nous voulons dire que pour l’ANC 13, la ville de Marseille doit être dessaisie de la question du logement et suspendue de sa gestion de ce dossier. Elle s’est discréditée, bien qu’alertée a fait des choix aux conséquences assassines et même devant la catastrophe a eu une réaction collective indigne et insultante pour tous les mal-logés et en premier pour les habitant-e-s de Noailles. C’est à l’Etat, sous le contrôle des habitant-e-s, à reprendre les questions de l’urbanisme et de l’habitat à Marseille.

2) Les mesures à prendre pour la prévention des risques

L’incurie de plus de 30 ans est mise à nu aujourd’hui où on apprend quotidiennement que des immeubles sont évacués dans le même temps où des habitant-e-s continuent à signaler en vain une insécurité liée à leur logement.
Ne nous rassurons pas à bon compte, il y a des centaines de logements à démolir impérativement et donc à reconstruire : une grande partie de la rue d’Aubagne et des environs, du boulevard National, du secteur de la Porte d’Aix, du boulevard ODDO, de la rue Zoccola…des quartiers comme Maison Blanche ou le Parc Corot…C’est donc à une immense opération qu’il faut s’attaquer, un plan d’urbanisme hors du commun qui ne pourra pas être le fait de bailleurs privés, semi-privés ou même publics sans programme exceptionnel des pouvoirs publics (plusieurs professionnels parlant de plus de 20 ans de travaux).
Dans le secteur du centre-ville se rajoute le problème que nombre d’immeubles ont été construits sur un fond marécageux [1] souvent avec pas ou peu de fondations et que donc, sans entretien ce qui est le cas, ils arrivent aujourd’hui en fin de vie…

Il convient en tout premier lieu que soit ordonné :
- Un audit indépendant de grande ampleur sur toute la ville et que soient prises des dispositions exceptionnelles pour répondre par l’enquête sur place à tous les appels que les pouvoirs publics (ville, département, état) reçoivent et à tous les cas qui leur sont signalés.
- Une intervention de la puissance publique allant bien plus loin que le seul permis de louer prévu par la loi ALUR afin de garantir les droits des locataires soumis à l’urgence du logement.
- Une expropriation des propriétaires défaillants au profit de la puissance publique (comme le prévoit la loi et ce à quoi la ville a été condamnée plusieurs fois en particulier à la rue d’Aubagne),
- La levée de l’autorisation de délivrance de permis de construire au profit de l’état et sous contrôle des locataires, mesure qui peut être prise pour toutes les communes carencées en offre de logement à caractère social.

3) Sur la (re)construction/réhabilitation

Il y a lieu de prendre des mesures radicales au vu de l’état de négligence délibérée et la politique clientélaire en place depuis avant les années 1980 (et non 95 comme d’aucuns l’écrivent, la question du logement étant déjà au cœur de la campagne des municipales à Marseille en 1983) [2] . Il faut donc tout à la fois prévoir des interventions urgentes « légères » sur toute la ville mais aussi des opérations tiroirs pour permettre des démolitions/reconstructions ou des réhabilitations lourdes. Cela ne peut se faire au profit des habitant-e-s sans l’instauration d’une aide à la pierre.

L’aide à la pierre

Avant la loi BARRE de 1976, il existait en France une aide à la pierre [3] qui prévoyait une intervention de l’état différente selon que le logement construit ou à construire était à caractère social ou pas. Autrement dit à qualité égale un locataire éligible au logement social payait moins cher qu’un autre. Cette disposition supprimée (que la gauche avait promis de rétablir en 1981), elle fut remplacée par l’aide à la personne (APL) qui a eu pour conséquence de voir s’envoler le prix des constructions et donc des loyers. Tant que l’on ne reviendra pas nationalement à ce dispositif, le terme de logement social sera un mot creux.

Dans l’attente et dans l’urgence et d’ici qu’une nouvelle loi soit votée que peut-on faire à Marseille ? A situation exceptionnelle il faut un programme exceptionnel et donc instaurer dans le cadre du programme de reconstruction/réhabilitation la mise en place d’une aide locale à la pierre qui prévoit, l’activation de mesures possibles y compris dans le cadre juridique existant et non employées :

-  La préemption par l’état et la ville des immeubles insalubres ou en péril et de tous les appartements dans ce cas.
- Un plan d’urbanisation qui prévoit non la création de quartiers réservés aux pauvres, ni même un quota de logements pour gens modestes par arrondissement, mais un plan qui substitue à la loi SRU [4] (qui de fait n’empêche ni les ghettos, ni ne résout les problèmes de cherté du logement dit « social »), la recréation de quartiers où la mixité sociale se fait dans la rue ou la cité, comme cela était d’ailleurs le cas dans la rue d’Aubagne malgré les dégradations.
- Une fiscalisation spécifique et une aide à la construction pour tous les logements destinés aux personnes aux revenus les plus faibles.
- La mise en place de financements bancaires à taux réglementés et privilégiés.
- Le programme doit permettre que le montant des loyers n’excède pas 20% du revenu des locataires occupants.
- Il doit inclure une priorité à la formation et à l’embauche des familles des secteurs concernés.

4) La condamnation des coupables.

Ce qui vient de se produire à Marseille est un acte criminel pas seulement par négligence ou incompétence mais par choix politique, celui de privilégier l’immobilier de luxe afin de faire partir les pauvres de la ville et particulièrement de son centre. C’est le même choix que celui qui a présidé au projet Euroméditerranée, à la mise en place des PRI [5] ou autres projets si dispendieux pour le contribuable et ne répondant nullement à des priorités ou des besoins de la population [6]. Les coupables doivent être poursuivis, condamnés et doivent payer pour ce qu’ils ont fait. Il ne convient d’en oublier aucun et que la justice fasse la part des responsabilités : agences, syndics, propriétaires, ville, département, région, état.
Nous ne sommes d’ailleurs pas dupes de la manœuvre de Renaud Muselier qui vient de suspendre deux élus du Conseil Régional, institution qui vient de supprimer les aides de la région au logement et qui déclarait en 1992 « Moi, je pense qu’il y a un problème. On le sent bien ici à Marseille, il suffit de se balader dans le centre-ville...pour se rendre compte que là où le Front National fait ses meilleurs scores, et on va parler simplement en termes électoraux, c’est l’endroit de la ville qui est le plus pourri, c’est-à-dire c’est tous les alentours de la Canebière où vous vous retrouvez avec 60% des appartements qui sont insalubres et qui sont donc habités par des clochards, des marginaux, des immigrés, par toute une faune qui est insupportable. » [7]

En ce qui la concerne, l’ANC 13 mettra tout en œuvre pour que les coupables soient punis et que soit répondu correctement aux familles qui réclamaient ce 14 novembre « justice et dignité ».

ANC 13
Marseille le 18 11 2018


[1Lire Le fond du Vieux-Port à Marseille, des marécages à la place Général-de-Gaulle, https://www.persee.fr/docAsPDF/medit_0025-8296_1995_num_82_3_2902.pdf

[2Lire entre autres à ce sujet
- Rapport Cesare Mattina 2001 « Pratiques clientélaires et politiques d’attribution des logements sociaux à Marseille dans les années 1970 - 80 »,
- Rapport Nicol 2015 http://www.centrevillepourtous.asso.fr/IMG/Files/Rapport%20Mission%20Nicol%20pt%C3%A9%20priv%C3%A9%20et%20copro%20Marseille%2027%20mai%202015.pdf
- Mediapart, Le Ravi 2014 : Comment JC GAUDIN a vendu Marseille aux promoteurs
- Rouge Midi 2007/2018 Rue d’Aubagne ça devait arriver http://rougemidi.fr/spip.php?article10099

[4loi qui oblige les communes à créer 25 de logements dits sociaux

[5Périmètres de Restauration Immobilière que nous contestons

[6Voir sur Rouge Midi, la série IL Y A UN PROJET POUR MARSEILLE ou la rubrique EST-CE AINSI QUE LES HOMMES HABITENT ?

[7Renaud Muselier, dans La Campagne de Provence, film de Jean-Louis Comolli et Michel Samson, 1992 cité dans le livre Psychogéographie d’Antoine d’Agata et Bruno Le Dantec

   

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