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Divorce à l’anglaise : Brexit introuvable, Europe improbable...

lundi 3 décembre 2018 par Guillaume Berlat pour Proche&Moyen Orient

« Le mariage est la cause principale de divorce » nous rappelle Oscar Wilde. Le mariage contre-nature du Royaume-Uni avec la Communauté économique européenne (CEE) en 1973 (souvenons-nous des fortes réticences du général de Gaulle à l’encontre de ce projet auquel il avait mis son veto) débouche tout naturellement sur un divorce avec l’Union européenne (UE) en 2019 (conséquence du vote du peuple britannique en faveur du « Brexit » du 23 juin 2016) [1]. L’Histoire reprend le dessus après un intermède de moins d’un demi-siècle, 46 ans plus précisément. Un retour pur et simple à la normale, à la vocation insulaire de ce pays. Tout est bien qui finit bien, pourrait-on dire ! Sauf que cette plaisanterie lancée depuis deux ans ne pourrait être que les zakouskis d’un festin encore plus indigeste concocté par les peuples dans un avenir pas si éloigné. Qui sait ?

Les caves se rebiffent aux quatre coins de l’Europe contre les Diktats et autres Oukazes venus d’un monstre européen qui ne cesse de les mépriser. Revenons un instant sur ce tsunami, ce séisme de forte magnitude que représente le « Brexit ».

Alors qu’il remonte à juin 2016, aucune conséquence de ce signal fort n’a, semble-t-il, été tirée depuis. Au niveau européen, c’est « business as usual ». Or, pour prévenir la répétition de tels phénomènes – dont la survenance n’est pas exclue – l’on se contente de remèdes anodins, de remèdes de bonne femme qui ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Un éternel remake de la politique du chien crevé au fil de l’eau qui conduit naturellement aux prémices de « l’étrange défaite » (Marc Bloch).

Un séisme de forte magnitude

Le présent est souvent une préfiguration du futur même si les élites font semblant de ne rien voir et de moquer les Cassandre. Ils n’ont toujours rien compris à la claque anglaise administrée il y a plus de deux ans. Manifestement, ils ne semblent pas avoir compris que les prochaines élections au Parlement européen pourraient se transformer en magistrale fessée populaire, en grave déculottée des élites.

La claque anglaise présente

Une fois le divorce à l’amiable prononcé à Bruxelles dans une atmosphère morose, il reste – et ce n’est pas le moindre des problèmes – à déterminer les conditions concrètes de la séparation. Et, dans la diplomatie, comme dans d’autres domaines, le diable se cache dans les détails.

Le divorce est consommé. En ce dimanche 25 novembre 2018, les chefs d’État et de gouvernement des 28 actent les grandes lignes de l’acte de séparation entre Londres et ses Vingt-sept partenaires [2]. Deux documents (un pavé de presque 600 pages, assorti d’une déclaration politique esquissant la relation future entre le Royaume-Uni et l’UE) [3] scellent ce constat de désaccord, d’incompatibilité d’humeur entre la Perfide Albion (moins habile négociatrice que dans le passé) [4] et le continent européen [5]. En plus de l’adoption avec Londres de ces deux documents, les Vingt-Sept endossent en parallèle une autre déclaration soulignant leurs priorités pour la future négociation : la pêche, éviter le dumping économique, etc.

Cette nouvelle négociation, qui promet d’être aussi complexe et dure que celle du divorce, commencera formellement entre Londres et Bruxelles dès le 30 mars 2019 [6]. Ainsi, une nouvelle page dans la relation tumultueuse entre les deux parties s’ouvrira [7]. Nul ne peut encore dire à ce stade de quoi l’avenir sera fait ! Tony Blair se montre pessimiste sur l’avenir de l’accord, envisageant même la tenue d’un second referendum. [8] Faisons preuve d’un minimum de patience et nous verrons bien sur quoi débouche le Brexit pour le Royaume-Uni et pour ses Vingt-Sept partenaires !

Le pire est à venir. En principe, les futures discussions devraient en principe aboutir à un accord de libre-échange, assorti d’une série de conventions bilatérales (sécurité, pêche, etc…) au plus tôt d’ici fin 2020. Ou fin 2022, si les Britanniques décident de prolonger la période de transition [9]. Ce sommet du 25 novembre 2018 pend acte en effet une étape essentielle d’un processus désormais difficilement réversible : le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne. « Ce n’est pas une victoire, c’est un divorce. Et un dimanche matin, personne n’a envie de s’attarder à Bruxelles » glissait un diplomate ces derniers jours [10].

Petit à petit, la page d’une communauté réduite aux acquêts se tourne. Si le Parlement de Westminster accepte les termes de l’accord conclu le 25 novembre 2018, le Royaume-Uni verra dans les prochaines années si la séparation est plus profitable ou non que le maintien de la coexistence conjugale. Theresa May semble, aujourd’hui, avoir plus de fil à retordre avec son Parlement britannique – au sein duquel la démocratie est particulièrement vivace – qu’avec les Vingt-Sept – au sein desquels le mot démocratie est un gros mot, une incongruité. Telle est la réalité d’une construction qui était faite pour les peuples et par les peuples et qui l’est en réalité par les élites et une technostructure incontrôlée et incontrôlable.

La claque populaire future

La défaite des élites. L’Union européenne sort groggy de cet épisode britannique, elle qui se pensait solide comme le roc. Elle se prépare – elle ne se prépare pas, pour être plus exact – à un nouvel Uppercut que risquent de lui envoyer les peuples européens à l’occasion des prochaines élections au Parlement européen du 26 mai 2019, la mettant ainsi au tapis.

Au château, Jupiter et ses serviles courtisans commencent tout juste à percevoir les risques d’un vote protestataire qui verrait le Rassemblement national arrivait en tête du scrutin en France et les partis euro-sceptiques l’emporter chez nos partenaires [11]. Un soufflet diplomatique cru 2019. Une Berezina de la bienpensance, du prêt-à-penser face aux populistes (terme vague et difficile à définir) [12], nationalistes et autres souverainistes honnis.

« Le populisme a quelque chose à voir avec la mémoire des peuples : c’est une manière de faire appel à leur inconscient, chargé de souvenirs déposés par l’Histoire » [13]. Or, nos élites ne semblent pas vouloir comprendre qu’elles sont les représentants du peuple qui est souverain quoi qu’elles puissent dire (« la peste brune », la « peste jaune » … en parlant du mouvement de protestation des « gilets jaunes » que les petits marquis de Bercy n’avaient pas anticipé, eux qui disposent de la Vérité révélée).

Force est de constater que les élites sont fatiguées en Europe et, en particulier, des deux côtés du Rhin (Cf. l’inexistence du couple franco-allemand). L’Union européenne n’a plus les faveurs de ses citoyens auxquels elle était censée apporter bonheur et prospérité dans un havre de paix à l’abri des multiples convulsions d’un monde sans maître et sans règles. Or, les peuples ne sont pas écoutés. Ils sont tenus à longueur de gaffe tels des benêts incultes et incapables de comprendre le monde et ses spasmes.

La revanche des peuples. Imagine-t-on un seul instant que les peuples incultes se rebellent contre les technocrates arrogants pour leur infliger une déculottée mémorable ? À trop les mépriser, les peuples finissent toujours par se rebiffer.

Le Brexit fut leur premier geste de mécontentement face au monstre enfanté par les membres de l’Union européenne au fil des ans. Il y en aura vraisemblablement beaucoup d’autres dans les mois, les années à venir. Quelques piqûres de rappel pour nos amnésiques et autres somnambules qui se prétendent hommes et femmes d’État alors qu’ils ne sont que de vulgaires hommes et femmes politiques, terme pris dans son acceptation la plus péjorative.

Cela crève les yeux pour celui qui prend la peine de mesurer le déficit de confiance entre les citoyens et leurs dirigeants. Et si rien ne change, c’est un gouffre qui risque de s’installer partout en Europe, voire déboucher sur un retour de l’Histoire des années 1930. À quand un discours de la méthode pour sortir du chaos dans lequel elle se trouve ?

Les coups de boutoir de Donald Trump contre l’Union européenne (technique du croc-en-jambe) [14] ne lui fournissent-ils pas une occasion rêvée pour repenser sa nature, son périmètre, son fonctionnement ? [15] Toutes questions auxquelles il serait urgent de répondre si l’Union européenne ne veut pas subir le sort de feu la SDN en 1940. Mais, nous n’en sommes pas là. En effet, Emmanuel Macron commence seulement à découvrir aujourd’hui ce qu’est véritablement une Europe sans cap, sans objectifs précis et sans moyens de lutter contre ses concurrents directs (États-Unis, Chine) [16].
Une Europe qui ne sait pas où elle va !

Une Europe à la dérive. Une Europe qui fonce dans le mur en accélérant et en faisant usage de son avertisseur sonore et lumineux. Telle est, une fois de plus, la dure réalité d’une construction européenne sur des sables mouvants. L’édifice se fissure au fil des mois, au fil des ans mais l’architecte ne se précipite pas pour éviter que l’immeuble bruxellois ne s’effondre comme les immeubles de Marseille, il y a peu.

En raison de la gravité du mal qui frappe le continent européen, il aurait été utile si ce n’est indispensable, de se pencher sérieusement sur les raisons de la colère des peuples (symptômes du mal européen) afin d’y apporter les réponses indispensables.
Or, à ce jour, nous sommes encore loin du compte.

Suite de l’article Ici .


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Nous vous proposons cet article afin d’élargir notre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s’arrête aux propos que nous reportons ici.


[1Kevin O’Rourke, Une brève histoire du Brexit, Odile Jacob, 2018.

[2Ludovic Lamant, Brexit : les 27 assurent qu’il n’y a pas d’alternative au projet d’accord, www.mediapart.fr , 25 novembre 2018.

[3Cécile Ducourtieux/Jean-Pierre Stroobants, Accord sur le Brexit : mode d’emploi, Le Monde, 23 novembre 2018, pp. 14-15.

[4Charles Jaigu, Londres ne sait plus diviser pour régner, Le Figaro, 15 novembre 2018, p. 15.

[5Cécile Ducourtieux/Jean-Pierre Stroobants, Brexit : un accord historique sur le divorce, Le Monde, 27 novembre 2018, pp. 1-2-3.

[6Florentin Collomp, L’UE donne son accord au départ du Royaume-Uni, Le Figaro, 24-25 novembre 2018, pp. 1-2-3.

[7Florentin Collomp, Brexit : feu vert du gouvernement britannique, Le Figaro, 15 novembre 2018, pp. 1-2.

[8Tony Blair, « L’accord sur le Brexit ne tiendra pas », Le Monde, 20 novembre 2018, p. 21.

[9Amandine Alexandre, Ce que prévoit le projet d’accord sur le Brexit, www.mediapart.fr , 23 novembre 2018.

[10Cécile Ducourtieux, Brexit : à Bruxelles, un sommet symbolique pour acter le divorce, www.lemonde.fr , 24 novembre 2018.

[11François-Xavier Bourmaud, Alerte verte sur le scrutin européen pour Macron, Le Figaro, 22 novembre 2018, p. 2.

[12Henri Pena-Ruiz, Populiste, le gros mot à tout faire, Marianne, 9-15 novembre 2018, p. 40.

[13Jean-Christophe Rufin, Voyage dans l’Europe qui a peur, Paris Match, 22-28 novembre 2018, pp. 85 à 89.

[14Philippe Bernard, Brexit : Trump complique la tâche de Theresa May, Le Monde, 29 novembre 2018, p. 3.

[15Jacques Julliard, L’Union de l’Europe démontrée par Donald Trump, Marianne, 16-22 novembre 2018, p. 6.

[16Natacha Polony, Quand Macron découvre enfin l’Europe, Marianne, 16-22 novembre 2018, p. 4.

   

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