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La tension monte aux Comores

jeudi 25 janvier 2024 par Mohamed Moussa AlComorya

L’élection du nouveau président mal élu (moins de 17% d’électeurs) Azali Assoumani a déclenchée une série de manifestations réprimée très brutalement. À tel point que le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a exhorté mercredi les autorités à garantir la liberté d’expression et le droit de manifester pacifiquement. Il a également lancé un appel à la retenue. L’opposition dénonce des fraudes massives et réclame l’annulation du scrutin. À Moroni, un jeune homme de 21 ans a perdu la vie, probablement suite à des tirs de balles, tandis que six autres ont été blessés. L’un d’entre eux se trouve dans un état critique. Les affrontements entre des groupes de jeunes et les forces de l’ordre persistent, avec des actes de vandalisme, incendies de bâtiments officiels. Des barrages improvisés ont été dressés sur les routes.
À Marseille (deuxième ville comorienne du monde) pour soutenir les comoriens en lutte contre un état despotique soutenu par la France (se souvenir de Bob Denard) [1], une manifestation aura lieue dimanche prochain. Rendez-vous 14 h devant l’Église des Réformés.
Ci-dessous un article personnel d’un comorien de Marseille, qui remonte le temps… (JP-ANC)

« une junte militaire qui ne dit pas son nom ?

A première vue, cette question peut paraître aberrante et saugrenue. Après tout, certes Azali Assoumani est bien un colonel ayant pris le pouvoir par un putsch, mais c’était d’il y a cela 24 ans. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et il a ôté son uniforme de militaire pour revêtir celui de politicien élu président en 2002 et en 2016.

Où est le rapport entre le putsch du 30 avril 1999 et le pouvoir actuel ?
Peut-on s’interroger ?

On dit qu’une image vaut mieux que mille mots. Si l’on regarde de plus près la photo de la première conférence de presse des militaires putschistes de 1999, des visages bien familiers y apparaissent.

Les hauts gradés de l’Armée ayant perpétré le putsch de l’époque, occupent des postes clés du régime autoritaire qui tient actuellement les Comores sous une chape de plomb.

Azali Assoumani est président de la République, l’homme assis derrière lui, Youssouf Idjihadi est Chef d’État-major de l’armée et le jeune militaire à ses côtés, Fakridine Mahamoud Mradabi est aujourd’hui le premier flic des Comores, occupant le poste stratégique de Ministre de l’Intérieur.

Les trois militaires putschistes de 1999 tiennent les rênes du pouvoir en 2023. La boucle est bouclée. Ont-ils réellement jamais quitté le pouvoir ? Il semble que la junte de 1999 n’a jamais réellement lâché le pouvoir en 2006 si ce n’est en apparence.

Conscient que l’armée comorienne était entre les mains de militaires du réseau Azali, L’ancien président Ahmed Abdallah Sambi fit venir des libyens pour assurer sa sécurité. Durant cette période certaines pièces maîtresses du dispositif Azali sont neutralisées. L’armée comorienne est au bord de l’implosion.

Mais le génie du Réseau Azali est qu’il ne repose pas uniquement sur des militaires, il a aussi une vitrine politique du nom de CRC, qui étend ses tentacules dans l’administration comorienne et l’appareil d’Etat et ce peu importe qui est élu président.

C’est ce qu’on appelle un « État Profond », Deep State disent les anglophones. Un État dans l’Etat, qui détient le pouvoir peu importe le verdict des urnes.

La parfaite illustration de cette infiltration de l’Etat par le Réseau Azali, est flagrante sous la présidence Ikililou Dhoinine. En 2012, le Président originaire de Moheli, décide de s’affranchir du Sambisme qui l’a pourtant emmené au pouvoir. Il commence la désambisation en limogeant son Directeur de Cabinet Chargé de La Défense, Mmadi Ali, un fidèle de Sambi pour le remplacer par Hamada Madi Bolero de la CRC.

C’est ce dernier qui proposera à Ikililou Dhoinine de nommer Youssouf Idjihadi comme Chef d’Etat Major en remplacement d’Abdallah Gamil, un autre proche de Sambi.

Doucement les hommes d’Azali s’installent au cœur du pouvoir alors que la CRC est supposée être dans l’opposition.

Houmed Msaidie, ancien secrétaire général de la CRC est ministre de l’Intérieur. Un autre ténor de la CRC, Hamada Madi Boléro est Chargé de La Défense. Quant aux deux anciens compagnons de putsch d’Azali, Fakridine Mahamoud est chef des Renseignements et Youssouf Idjihadi est Chef D’Etat Major grâce à l’intervention de Boléro auprès d’Ikililou.

Tous ont contribué en coulisses d’une manière ou d’une autre, au retour d’Azali au pouvoir en 2016. C’est Houmed Msaidie qui était le ministre chargé de l’organisation des élections et qui a écarté la candidature de Sambi à cette présidentielle.

C’est Boléro qui était à la manœuvre à Beit Salam, lors des négociations et pourparlers avec les candidats.

C’est Youssouf Idjihadi qui intimera l’ordre au président de la CENI Feu Ahmed Djaza de déclarer Azali Assoumani comme vainqueur de la présidentielle de 2016, alors que ce dernier était dans l’hésitation. Face au tollé suscité par cette intervention, l’armée a dû publier un communiqué pour rappeler sa neutralité politique expliquant que cet acte n’était motivé que par la préservation de la paix.

C’est tout ce contexte que les azalistes oublient de rappeler lorsqu’ils affirment qu’ils étaient dans l’opposition et qu’ils ont réussi à battre le candidat du pouvoir en 2016.

Azali Assoumani n’était certes pas au pouvoir, mais ses réseaux avaient infiltré le pouvoir politique et militaire du pays. Il est aisé de vaincre la CRC et venir à bout de la branche politique du système Azali. Mais la tâche la plus ardue pour ses adversaires sera de vaincre la branche militaire de ce réseau, et démanteler l’Etat Profond azaliste, qui s’est enraciné à tous les niveaux de l’administration depuis plus de deux décennies.

On peut penser ce que l’on veut, mais tout politicien s’il le pouvait, rêverait de faire ce qu’Azali Assoumani a réalisé. Aussi machiavélique que soit cette stratégie, cela n’a rien de choquant en politique, qui est un milieu sans éthique ni morale et où tous les coups sont permis pour conserver le pouvoir.

C’est à l’opposition d’enfin comprendre contre qui elle se bat, car face à la pieuvre du Réseau Azali, les opposants apparaissent désorganisés, sans stratégie et défendant des intérêts divergents.

Démanteler les réseaux Azali, revient à nettoyer les écuries d’Augias. Ce n’est pas impossible, mais cela demandera à ses adversaires, des manœuvres politiques beaucoup plus complexes que celles auxquelles ils nous ont habitué.

Le régime Azali est-il une junte militaire qui ne dit pas son nom ?
Chacun tirera ses propres conclusions, après ce simple rappel de quelques faits historiques.
Une chose est certaine, ce sont les militaires putschistes d’avril 1999 qui sont bel et bien au pouvoir aujourd’hui aux Comores. »

   

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