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Quand le capitalisme tente de se réhabiliter par le vert

samedi 29 juillet 2023 par Francis Arzalier (ANC)

L’écologie est une discipline scientifique, elle étudie à partir de faits avérés les rapports entre les hommes, les animaux et la nature dans route sa complexité. Les évolutions des mécanismes climatiques ont toujours existé depuis le début de l’histoire humaine (l’Europe a vu se succéder glaciations et épisodes tropicaux) : en faire une simple conséquence de l’activité et des fautes humaines comme l’affirme le GIEC est une contre-vérité historique. Même si cela ne peut amener à nier la réalité des évolutions climatique actuelles, qui se traduisent en sécheresses, canicules, incendies, inondations, etc…, et s’il faut orienter l’économie vers un plus grand respect des mécanismes naturels décarbonés, ce qui contredit souvent la course aux profits spécifiques au capitalisme.

Car la logique du capitalisme restant la quête du profit, y compris au détriment des équilibres naturels, l’affirmer « vert » ne peut relever que de la manipulation.

En tout cas, s’il est totalement justifié d’intégrer à nos objectifs politiques un souci écologique qu’on avait parfois négligé au profit de la croissance industrielle, cela n’a rien à voir avec des partis écologistes, ou verts, qui sont des organisations politiques, portant des objectifs électoraux et de pouvoir, qui ne se limitent pas à l’écologie, mais l’utilisent en argument de recrutement.
Il est clair en tout cas que ces organisations, classées en France à « Gauche », par leur participation à la coalition électorale NUPES, n’ont pas toujours une analyse claire du Capitalisme et de ses conséquences néfastes (elles ont ainsi depuis deux décennies, facilité en France la destruction des industries nationales par les délocalisations). Et elles ne sont pas davantage anti-impérialistes (certains notables dirigeants des Verts en France comme en Allemagne sont de furieux partisans de la livraison d’armes aux Nationalistes Ukrainiens).

En tout cas, grâce au matraquage médiatique depuis des années, le verbiage « écologiste » est devenu le discours omniprésent, jusques et y compris au ridicule et à l’irrationnel. Dans nos télévisions, quel que soit le sujet abordé, « on sauve la nature », « on combat pour le climat » et « contre le réchauffement climatique ». Alors que des élus municipaux de « Gauche » aussi bien que de « Droite » ou du Centre, multiplient en lointaines banlieues de Paris comme la Vallée de Montmorency, la bétonnisation des derniers espaces maraîchers, en y faisant proliférer des immeubles-containers où logeront les besogneux chassés du centre de la Métropole, sous le nom frauduleux « d’Éco-quartiers », de « logements éco-financés » et autres vocables « verts » !

Ainsi les pires effets sociaux du Capitalisme spéculatif sont-ils sanctifiés au nom d’une écologie de pacotille.

Capitalisme, impérialisme et matières premières

L’économie mondiale à partir du 19éme siècle et les rapports de force entre grandes puissances se sont organisées en fonction des matières premières et énergétiques qui permettaient le développement industriel. En l’occurrence, charbon et minerai de fer locaux qui furent à la base des premières révolutions industrielles européennes au 19éme siècle (Grande Bretagne, France, Belgique, etc…) ont été peu à peu supplantées au 20éme par pétrole, gaz naturel et minerais divers, souvent situés en contrées exotiques extra-européennes.
Le contrôle politique et militaire de ces richesses nécessaires aux usines des grandes puissances a été le mobile essentiel des conquêtes d’Empires coloniaux et des guerres impérialistes, à commencer par celle mondiale de 1914-18.
Dans ce carrousel impérialiste meurtrier, le rapport de forces a évolué au fil du siècle, au détriment des métropoles européennes et au profit des USA, qui ont pu devenir le centre névralgique de l’Empire Occidental.

Mais encore à la fin du 20ème siècle, le partage du monde entre puissances impérialistes développés industriellement et pays périphériques du Sud exportateurs de matières brutes vers le centre impérialiste est toujours la norme : les centrales nucléaires de France vivent du minerai d’uranium du Niger, dont l’électrification est encore embryonnaire.
Et ce mécanisme impérialiste a depuis un siècle modelé l’histoire du Moyen-Orient, qui fut d’autant plus disputé que son sous-sol regorgeait du pétrole et du gaz nécessaires aux métropoles industrielles impérialistes.
Plus que les volontés des peuples dominés, ce fut l’aliment essentiel des guerres qui ont ensanglanté la région, de l’Iran à l’Irak, de la Palestine aux Émirats Arabes.

Révolution mondiale des matières premières au XXI ème siècle ?

Cet équilibre mouvant est aujourd’hui bousculé, par la prise de conscience des mutations climatiques, y compris le réchauffement global indéniable de l’atmosphère et des océans.
Les changements climatiques ne sont certes pas une nouveauté, les habitants de l’Europe, durant leur courte histoire de quelques millénaires, ont vu se succéder glaciations et réchauffements. Les scientifiques, contrairement aux affirmations péremptoires de nos communicants médiatiques, n’attribuent cependant pas les évolutions contemporaines aux seules activités ou « culpabilités » de l’homme.
Il reste néanmoins évident que les industrialisations contemporaines et la croissance exponentielle des populations humaines ont joué un rôle, en ajoutant du CO2 dans l’atmosphère, par le règne actuel de l’automobile et la destruction massive des forêts. D’où la volonté unanime mondialement exprimée dans les déclarations, sinon dans les acres, de « décarboner » l’économie, d’abolir progressivement l’usage des énergies fossiles, houille, pétrole et gaz naturel.

Bien sûr, ces objectifs d’une soi-disant « révolution industrielle verte » s’accompagnent de beaucoup d’hypocrisie dans le contexte guerrier actuel : les USA profitent au maximum des sanctions contre la Russie pour accroître encore leurs exploitations pétrolières et gazières, grâce à des procédés de « fragmentation » encore plus néfastes pour l’environnement, et leurs exportations. Et dans le cadre de l’OTAN et l’UE, même la petite Norvège accroît ses forages et ses ventes pour remplacer le gaz russe interdit !

Il n’en reste pas moins que le chemin est pris vers l’objectif consensuel d’une inévitable
« Mutation industrielle » du XXIème siècle, dans un monde « décarboné » : ce qui se traduit pour les citoyens français et européens par l’engagement d’électrifier en une génération le parc automobile. Si on en croit nos médias libéraux, à la différence de la première basée sur la mise en valeur par le travail humain des ressources fossiles énergétiques et minières, celle-ci serait « vertueuse », nourrie d’énergies renouvelables et respectueuse des écosystèmes.

La réalité est bien différentes tout en incluant un profond bouleversement économique et géopolitique mondial. Certes, le déclin prévisible des énergies fossiles, charbon, pétrole et gaz, va réduire l’importance dans les échanges mondiaux de régions fortement pourvues comme le Moyen-Orient : l’Impérialisme dominant, celui des USA, s’en est déjà détourné en partie au profit de l’espace pacifique.

Mais cette « mutation industrielle », supposée « verte » et « décarbonée », devra bien elle aussi, se nourrir de richesses naturelles, extraites du sous-sol et transformées par le travail humain. C’est ce que l’on désigne sous le nom de « métaux rares » ou « critiques », nécessaires à toutes les technologies « décarbonées », des portables aux véhicules électriques et leurs batteries, en passant par les éoliennes et les panneaux solaires.
Selon certaines prévisions des plus sérieuses d’organismes comme l’Agence Internationale de l’Énergie ou la Banque Mondiale, l’objectif de « neutralité carbone en 2050 impliquera la multiplication par 4 ou 6 de la production et du traitement de ces métaux rares (lithium, coltan, nickel, cuivre, aluminium, etc…) ».
Des chiffres variables selon les auteurs, mais tous exponentiels !

Des conséquences mondiales majeures

Elles seront d’abord d’ordre géopolitique, la localisation de ces richesses minérales étant géographiquement différentes des anciens « paradis fossiles » pétroliers et gaziers. Ainsi, parallèlement au désamour des grandes puissances industrielles pour le Moyen-Orient, se dessine un rush mondial pour les « pays du Sud » pourvus de métaux rares, comme l’Afrique qui dispose notamment dans sa partie subsaharienne des plus grandes réserves mondiales de cobalt, cuivre, tantale et coltan : la RDC deviendrait ainsi peu à peu une « nouvelle Arabie Saoudite » pour les optimistes, un objet majeur de convoitises en tout cas, nourrissant les sanglantes guerres du Kivu.

Même engouement prévisible (et entamé) pour les gisements en Asie du Sud Est (Philippines, Papouasie-Nouvelle Guinée, Indonésie). Et en Amérique latine, le « triangle du lithium » (entre Argentine, Bolivie, et Chili co-possédants des plus grandes ressources mondiales) à des chances de supplanter les précédentes zones minières du Pérou et des Andes.

Ce rush mondial pour accéder aux métaux rares indispensables à la « révolution industrielle verte » est le fait aussi bien des États impérialistes, de leurs multinationales privées, que d’autres « puissances émergentes » dont l’économie est généralement capitaliste, mais l’État plus ou moins national (Inde, Russie, etc… ) ou de la Chine qui se réclame du Socialisme, et de ses entreprises publiques et privées. Cette dernière, grâce à son poids démographique, économique et monétaire, mais plus encore à son volontarisme politique, a pris en la matière une considérable avance, que décrit ainsi Laurent Delcourt, du CETRI :

  • « Leader mondial des technologies vertes, assurant à elle seul le raffinage de 90 pour cent des terres rares, de 70 pour cent du cobalt et de 60 pour cent du lithium dans le monde, contrôlant d’un bout à l’autre plusieurs des chaînes d’approvisionnement et de transformation des batteries et des industries bas-carbone, à la faveur d’une politique volontariste, elle tend depuis une vingtaine d’années à délocaliser son industrie minière, vers des gisements en Afrique, Amérique latine, Asie et Océanie…….Ayant en grande partie cessé d’en extraire chez elle, pour des raisons essentiellement écologiques, la Chine, ultra dominante sur ce marché, a d’ores et déjà délocalisé l’exploitation des terres rares, au Myanmar, au Brésil, et en Asie centrale, tandis que se dessinent plusieurs projets à Madagascar, au Vietnam, et en Inde. » [1]

Contextes socio-politiques de la nouvelle économie mondiale

Cette mutation entamée vers de nouvelles ressources minières semble bien irréversible, et il ne servira pas à grand-chose de la condamner sous le nom de « nouvel extractivisme ». Par contre, il faut rappeler qu’elle va s’accomplir dans des contextes politiques divers, qui peuvent en varier totalement les conséquences, selon le cas positives ou négatives pour les peuples concernés.

On ne saurait négliger si on veut comprendre la révolution industrielle basée sur la houille au dix-neuvième siècle, qu’elle s’est accomplie dans un système capitaliste, qui divise les hommes entre possédants bourgeois du capital, et une majorité de prolétaires et ouvriers qui ne le possèdent pas et n’ont que le salaire versé par le Capitaliste pour vivre.

Mieux, quand, au XXème siècle, cette révolution industrielle s’est accélérée grâce au pétrole, des USA aux puissances de l’Europe Occidentale, c’est sous la forme de l’Impérialisme, ce système qui permet aux grands États capitalistes industrialisés de dominer militairement, politiquement et économiquement la majorité des peuples d’Asie, Afrique et Amérique, condamnés au pillage de leurs richesses naturelles, au non-développement et à la pauvreté.

C’est encore aujourd’hui la réalité pour la majorité d’entre eux, comme le démontrent les flots de migrants contraints de fuir au péril de leur vie chômage et misère vers le mirage occidental. Et le « verdissement » de ces mécanismes inégalitaires ne peut que les perpétuer, y compris au détriment de peuples pourvus de « métaux rares », si ces richesses sont exportées comme autrefois vers les métropoles impérialistes sans amener un développement autonome local.

En revanche, le basculement progressif des rapports de forces mondiaux entamé depuis le début du 21éme siècle peut être une chance pour les peuples exploités dits « périphériques » , qui supportent de plus en plus impatiemment la férule occidentale, en voyant le développement extraordinaire de la Chine socialiste en une génération, mais aussi d’États nationaux certes capitalistes, mais concurrents de la coalition impérialiste occidentale, Russie, Inde, Brésil, Afrique du Sud ( ceux dits les BRICS ).

Il est normal et sain que les États indépendants d’Afrique ou d’ailleurs s’adressent toujours plus à des financements venus de Chine ou des BRICS, pour des accords gagnant-gagnant, l’exploitation de richesses naturelles contre infrastructures seules capables d’amorcer une industrialisation autochtone. C’est ce que lancent de nombreux états africains comme la République Démocratique du Congo, où bien d’autres encore, comme la dictature Camerounaise, qui se détache de l’ex-parrain français sans pour autant afficher des affinités particulières pour le modèle socialiste de développement.

Car cette diversification des partenaires pour les peuples du Sud n’est pas une voie royale débouchant obligatoirement sur le développement industriel et agricole indépendant et vertueux. Encore faut-il pour qu’il en soit ainsi, que les exigences populaires en ce sens soient fortes et structurées en organisations anti-impérialistes influentes, jusqu’au niveau de l’État.
Les investisseurs extérieurs, y compris ceux des entreprises privées et publiques chinoises, sont des négociateurs redoutables, pas des philanthropes : ils sauront toujours en profiter si leurs partenaires locaux relèvent d’un État déficient, gangrené par la corruption.
Comme ce fut le cas quand les représentants d’un État malgache corrompu acceptèrent de vendre à une entreprise chinoise des terres cultivables, volées aux communautés paysannes qui y faisaient paître leur bétail, comme aux plus beaux temps de la colonisation.

Ce qui sera déterminant en fin de compte quant à l’issue de la « mutation industrielle » en Afrique par exemple, sera la capacité de chaque peuple à construire un mouvement politique national et progressiste, capable d’en faire un outil de progrès économiques et sociaux, de rupture avec l’Impérialisme, et y compris d’industrialiser en respectant l’environnement, le patrimoine national des générations présentes et futures.

Pour en finir avec le chômage et la misère, l’émigration forcée, et la délinquance djihadiste et les divers trafics qui l’alimentent.

.
Juillet 2023


[1Cette analyse doit beaucoup au numéro 30/2023/1 de la revue « Alternatives Sud », du CETRI de l’Université de Louvain la Neuve en Belgique. Le CETRI, initié par le défunt François Houtard, il y a plusieurs décennies, a toujours su combiner recherche universitaire et dialogue nord-sud engagé, quelque part entre altermondialisme et anti-impérialisme. Même si les diatribes contre « l’extractivisme » présentes dans ce numéro peuvent irriter et être jugées trop proches des poncifs « écologistes » à la mode par nombre d’entre nous, il rassemble sous le titré » Transition verte et métaux critiques » des analyses stimulantes, d’une grande qualité scientifique, et sa lecture est nécessaire aux militants anti-impérialistes. Les auteurs fournissent de nombreux exemples de ce « colonialisme vert » qui permet aux grandes sociétés capitalistes de multiplier grâce à l’extraction minière de « métaux rares » leurs profits et les ravages environnementaux. Cette moisson de faits est utile, à condition de ne pas renverser la perspective de lecture. Ainsi, la gigantesque mine de cuivre d’Oyu Tolgoî en Mongolie, proche du Désert de Gobi, s’est révélée désastreux pour les nappes phréatiques et les espaces de vie nomade. Encore faut-il préciser que les responsables essentiels en sont les dirigeants libéraux du pays, qui ont multiplié les privatisations, détruit l’héritage du passé socialiste, et laissé faire n’importe quoi aux sociétés minières capitalistes.

   

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