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Cameroun : Après 40ans de pouvoir de Paul Biya, l’impasse politique se perpétue. Comment L’UPC-MANIDEM entend contribuer à sortir le pays de cette situation.

dimanche 2 octobre 2022 par Augusta Epanya

Le vendredi 30 septembre, le Cercle Manouchian Paris accueillait nos camarades camerounais de l’UPC-MANIDEM pour une conférence intitulée "Cameroun / Kamerun : après 40 ans de pouvoir de Paul Biya, l’impasse politique se perpétue"

Après la projection du film "Du piment sur les lèvres" et une présentation de la situation politique actuelle du Cameroun par Augusta Epanya, membre de la section France de l’upc-manidem, de riches échanges ont eu lieu, renforçant les liens entre nos organisations.
Que vive la solidarité internationale des peuples !(VB-ANC)


1. Esquisse d’un bilan de 40ans, 60ans de néoclonialisme

Le Cameroun est un pays complètement bloqué sur le plan politique, économique, institutionnel, social, culturel. L’installation d’Amadou Ahidjo par le colonialisme français puis l’accaparement du pouvoir par un parti/état RDPC réparti en castes/clans qui rivalisent pour la succession de Paul Biya (avec un âge oscillant entre 89 et 92ans et une santé vacillante depuis plus d’une décennie) en est la cause.
L’armée est jusqu’à maintenant totalement soumise au pouvoir politique. Cette armée (qui continue à être formée par des instructeurs militaires français) reste ancrée dans une tradition coloniale de grande violence, habituée qu’elle a été à assassiner les patriotes qui luttaient pour l’indépendance. L’ensemble des pouvoirs exécutif, législatif, judicaire sont soumis au parti/état RDPC. La répression systématique et l’achat des consciences sont des marques de fabrique de ce pouvoir.

Le contexte national est en grande tension (ce qui sert d’ailleurs de prétexte au pouvoir pour accroitre la répression).
A l’extrême nord, les attaques régulières de Boko-Haram qui terrorise les populations, les assassine, utilise les petites filles comme bombes humaines dans les marchés. Tout cela donne lieu à des exactions militaires au nom de la lutte contre Boko Haram. La plus emblématique est celle où des militaires tirent dans le dos d’une femme portant son bébé au dos. Les populations fuient les villages.

Au Nord-Ouest, Sud-Ouest (anciennes régions sous colonisation britannique) c’est une guerre qui ne dit pas son nom qui se poursuit depuis 2016. Elle a commencé par de nombreuses manifestations des avocats, des enseignants, étudiants considérant que l’état central « francophone » les traitaient comme des citoyens de seconde zone ne prenant pas en considération leurs particularités, leurs revendications. Cette mobilisation s’est soldée, pour toute réponse de la part du pouvoir, par une féroce répression avec de nombreuses arrestations arbitraires, des assassinats après de nombreuses tentatives de négociation.

Une frange de la jeunesse du NoSo s’est organisée en écho avec l’histoire de ces deux régions en contribuant à la renaissance du mouvement Ambazonien dont la revendication était à l’époque coloniale la sécession d’avec le reste du Cameroun. Ce mouvement s’est radicalisé au fil du temps prenant les armes contre le pouvoir central et s’en prenant également à la population. A ce jour, les organisations humanitaires estiment à près un million cinq cent mille (1,5 million) le nombre de réfugiés internes et externes (principalement au Nigéria), à plus de six milles (6000) le nombre de morts, à plus de deux cent cinquante (250) le nombre de villages rasés.

Plusieurs milliers de personnes restent arbitrairement emprisonnées, souvent sans jugement ou condamnées à des peines allant de 10 à 15ans ou à perpétuité (Ayuk Tabe et son groupe).

A l’est, le Cameroun qui possède une frontière commune de 797km avec la république centrafricaine subit les contre coups des tensions qui existent dans ce pays, accueillant un nombre important de réfugiés et servant parfois de bases arrière aux différents belligérants.
Le pays est donc aux prises avec de nombreux conflits qui dépassent, pour certains, le cadre national.

2. Un pays prisonnier d’une économie d’extraction tournée essentiellement vers les multinationales

Malgré les multiples atermoiements des pouvoirs successifs français et de Macron tout récemment, la France demeure le pays maitre, dominant au Cameroun. Certes elle n’est plus hégémonique mais demeure le plus puissant. Tout d’abord de par les accords dits de coopération, qui couvrent l’ensemble des secteurs de la vie nationale. Un système construit autour d’accords coloniaux présentés comme des accords de coopération. En 1960, lors de l’accès des colonies françaises d’Afrique centrale et de l’ouest aux « indépendances » la France met en place ce système. Ce traité de coopération douane, culture, militaire. Ces accords prévoient un accès privilégié aux marchés africains pour la France.

Par ailleurs, la France possède 200 multinationales au Cameroun réparties dans les domaines les plus divers : pétrole avec Perenco, agro-industrie avec la Compagnie fruitière, Bollore avec huile de palme, Somdiaa avec le sucre et la farine, Castel avec les boissons, Pallisco avec le bois, BTP avec Vinci, Bouygues avec le BTP/terrassement, industrie avec Air liquide, transport et logistique avec Bolloré, activités financières avec Société générale et AXA, les télécommunications avec Orange, la distribution avec CFAO/Laborex pour les véhicules, produits pharmaceutiques, Total énergie pour les produits pétroliers raffinés, Super U, Casino, Carrefour, But.

Plusieurs entreprises françaises sont également positionnées sur des projets d’envergure. Le plan de financement du barrage de Nachtigal dont l’actionnaire principal et opérateur est EDF a été bouclé en 2018. Le groupe ERAMET a remporté un titre d’exploitation pour un gisement de rutile à Akonolinga (centre) dont les travaux d’exploration, de développement, et l’étude de faisabilité devraient être achevés en fin 2022.

L’économie camerounaise est la plus importante de la région, elle représente 45% du PIB de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC) qui comprend la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée Équatoriale et le Tchad. L’agriculture représente 17% du PIB. Les cultures de rentes sont très variées café, cacao, palmier à huile, canne, à sucre, caoutchouc. L’agriculture vivrière est également riche avec la banane plantain, maïs, manioc, patate douce, igname et immense variété de fruits. Les minerais précieux y sont nombreux tels que la bauxite, le rutile, diamant, or, uranium, zinc…de nombreux sites sont encore peu exploités.

L’exploitation du gaz est en plein essor. Enfin le secteur des services qui représente 52% du PIB en 2020 dominé par les transports, le commerce, l’hôtellerie, la restauration, les services financiers.

60 ans après « l’indépendance » la France n’est plus hégémonique au Cameroun ni dans son pré carré même si elle demeure dominante. Le Cameroun, comme l’essentiel des pays africains est le terrain de jeu de l’impérialisme international où les multinationales font la pluie et le beau temps. On y retrouve les États-Unis, la Chine, la Canada, l’Allemagne, la Turquie, l’Italie, Israël (très présente dans le domaine de la sécurité).

3. Malgré les multiples atouts dont dispose le pays, pourquoi en sommes-nous la ?

Au regard de ces multiples atouts rien ne justifie que le pays soit dans cette situation et que la paupérisation des populations atteigne ce niveau. Seule la nature profonde du régime, qui ne doit jamais être oubliée, au risque de ne pas comprendre la situation, explique cela.

En effet, l’indépendance obtenue de haute lutte par l’Union des Populations du Cameroun, aux prix de sacrifices immenses de la part des militants et des populations avec plusieurs centaines de milliers de morts (entre 500.000 et 800.000) et l’assassinat systématique des dirigeants de l’UPC ainsi que de nombreux militants par les forces coloniales.

La violence utilisée contre les populations reste graver à tout jamais dans la mémoire collective de toutes les familles. Toutes ont vécu cette période de terreur 1956 à 1971 et demeurent traumatiser. L’indépendance conquise, a été détournée par l’administration coloniale française qui a installé Amadou Ahidjo, serviteur zélé, ayant toujours lutté contre l’indépendance, à la tête du pays.
La matrice perpétuée par Ahidjo est restée la même que celle existant durant la colonisation. Les institutions intégralement calquées sur celles de la France, et rappelons-nous l’ensemble des secteurs phagocytés par des accords qui maintiennent le pays sous domination totale dont les premiers ont été signés en 1959.

La répression contre l’UPC est à son comble, la lutte se poursuit malgré l’indépendance détournée. La lutte armée démarrée par l’UPC en 1955 et se termine en 1970. Jusqu’à 1982, date de la passation du pouvoir à son dauphin P. Biya, Ahidjo va traquer les militants de l’UPC. On dénombre une dizaine de camps de concentration disséminés à travers tout le pays durant son pouvoir.
Une économie totalement extravertie, complétement tournée vers l’extérieur dont l’objectif n’est pas de répondre aux besoins de la population, de construire le pays mais d’enrichir une caste à milliards et perpétuer la corruption, les pots de vin pour négocier les marchés.

Les deniers publics sont systématiquement tout ou partie détournés. Pour chaque infrastructure programmée il y a détournement, les routes, les stades (des milliards ont été détournés et n’ont pas permis la construction des stades prévus pour la coupe d’Afrique ce qui a nécessité son report à l’année suivante), les milliards décaissés par la banque mondiale pour le COVID ont été détournés. Ce qui n’a pas empêché le versement de la deuxième tranche par la banque mondiale qui avait pourtant été interpellée par des associations citoyennes.

Ces derniers mois ont connu un nouveau scandale avec Glencore, groupe anglo-suisse, spécialisé dans le négoce de matières premières déclare avoir versé 7 milliards de francs CFA (environ 10,5millions d’euros) à la Société nationale d’hydrocarbures et à la Sonara, deux sociétés publiques.
Enfin il y a la répression, arme fatale pour tuer dans l’œuf toute velléité de construire des alternatives à ce pouvoir impopulaire, toute contestation, toute manifestation (pourtant garantie par la Constitution) sont réprimés systématiquement.

La violence, la brutalité ne cesse d’aller crescendo. Toute contestation de quelque nature qu’elle soit est passible d’arrestation et de passage devant un tribunal militaire. Tout acte de contestation étant désormais associé à une volonté d’insurrection et de déstabilisation de l’état (s’appuyant sur la loi de 2014 dite loi contre le terrorisme).

Les forces de défense et de sécurité, des groupes armés non gouvernementaux sont impliqués dans de nombreuses violations de droits humains. On estime à plus de 10.000 personnes incarcérées arbitrairement et/ou en raison de leurs opinions si l’on inclut les victimes du NoSo et celles de l’extrême nord, accusées injustement d’être proches de Boko Haram.

Ce contexte particulièrement difficile n’empêche pas les luttes des partis politiques, syndicats, défenseurs des droits humains.

4. Comment L’UPC-MANIDEM entend contribuer à sortir le pays de cette situation ?

Le premier des éléments est la persévérance, la continuité et la poursuite de la lutte quelques soit les obstacles, les menaces, l’adversité, les persécutions, l’UPC-MANIDEM poursuit la lutte et maintient le cap selon les orientations originelles, construire un pouvoir au service du peuple. Les femmes et les hommes doivent être incorruptibles, ne pas trahir leurs engagements. Ce point est essentiel dans un pays où la corruption est généralisée, et les tentatives de détournement des luttes tellement fréquents.

Le second élément est d’organiser en continu le parti sur l’ensemble du territoire, en rassemblant les citoyens qui produisent les richesses, les plus démunis, les plus exploités. En les incitant à s’organiser au sein du parti, dans les syndicats, dans les associations, dans toutes les structures qui permettent de mener des combats collectifs. L’UPC-MANIDEM fait au quotidien un travail de conscientisation, de mobilisation, d’organisation en s’adaptant au contexte répressif, en contournant tous les risques, menaces, en soutenant les luttes syndicales, en faveur des droits humains et tout autre lutte contre la dictature. De combattre la fatalité et la peur.

L’UPC-MANIDEM doit mener de front la bataille pour faire reconnaitre sa légalité et mener le travail de clarification face aux UPC gouvernementales fomentées par le régime.

L’UPC-MANIDEM s’associe à toutes les forces prêtes à mener des combats communs y compris sur une base minimale, libertés publiques, code électoral, constitution etc…nous faisons partie d’une coalition Stand up for Cameroon qui mène des actions diverses de sensibilisation, mobilisation.

L’UPC-MANIDEM doit, malgré les embuches, gagner en visibilité, faire entendre sa voix, celle qui doit permettre au pays de sortir du néocolonialisme, des griffes de l’impérialisme, du capitalisme.

Nous investissons les associations, les syndicats pour élever le niveau de conscience, et montrer la responsabilité de l’état dans la situation du pays dans tous les secteurs et sur la nécessité de mener des luttes en convergence pour obtenir une masse critique susceptible de faire basculer le rapport de forces.
Nous créons des comités citoyens dans les quartiers pour inciter les populations à agir, à ne plus accepter l’inacceptable. Il faut impérativement créer la mobilisation d’une masse critique qui imposera la transition politique et ne permettra pas à la répression de s’abattre sur quelques-uns. Construire de la solidarité systématiquement dès l’instant que l’arbitraire s’abat.
L’objectif est également de créer des structures de survie pour éviter que les citoyens démunis cèdent aux pressions de l’état.

Pour la diaspora, il s’agit d’informer largement sur la situation du Cameroun, de sensibiliser l’opinion et de trouver des moyens financiers pour mener la lutte.

L’UPC-MANIDEM essaie de convaincre les forces se réclamant du changement de se rassembler sur la base d’une plate-forme minimale pour mettre fin à la dictature et construire une transition politique permettant au peuple de choisir ses dirigeants en fonction de ses intérêts.

Il s’agit de la première étape avant que nous puissions réaliser notre propre programme politique.

   

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