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Quand la propagande tue l’information

mercredi 8 novembre 2023 par Philippe Arnaud

Hier, au journal télévisé de 20 h de France 2, était présenté un sujet sur la guerre de Gaza. Ce sujet était commenté ainsi :

"Ce soir, l’armée israélienne montre sa progression. Avec ces dernières images de faubourgs, où pour avancer, elle détruit à peu près tous les immeubles. Un champ de ruines, dans lequel elle découvre de l’armement du Hamas, comme dans un club de jeunes scouts. "Vous voyez ces belles images de scouts, et puis là, il y a une rampe de lancement de roquettes", indique un soldat. Et le soldat d’emmener la caméra militaire et de préciser que la rampe est pointée vers Israël. Ce soir l’armée confirme surtout avoir avancé dans trois axes. Ici en bleu, sur la carte, pour isoler la ville de Gaza."

Puis on voit le colonel Daniel Hagari, porte-parole de l’armée israélienne (bien vêtu, propre sur lui), derrière un pupitre et devant des drapeaux israéliens, qui fait la point de la situation : "Nos forces ont coupé en deux la ville de Gaza. Il y a aujourd’hui Gaza-Nord et Gaza-Sud."

Puis la journaliste reprend la parole : "Gaza-Nord, en fait Gaza-City, la partie la plus dense, la plus urbaine du territoire. Un bastion du Hamas, dans lequel les Israéliens vont multiplier les raids, mais en laissant l’essentiel des troupes à l’extérieur."

Puis le général Dominique Trinquand, consultant militaire de France 2, commente : "En lançant des raids, vous offrez moins de vulnérabilité à l’a... au défenseur. Le Hamas ne vous prend pas dans les rets d’un filet dans lequel vous vous engluez et sur lequel vous avez des objectifs fixes, qui, pour lui, sont beaucoup plus faciles à détruire".

"Des incursions dans dans la ville pour détruire les tunnels, dont le Hamas a fourni aujourd’hui quelques images dans sa propagande. Enfin, l’armée israélienne a largué des tracts sur Gaza-Ville, pour inciter les civils à quitter le nord. Elle leur a garanti un couloir. Sur cette route, des hommes et des femmes à pied, épuisés, et dans un immense désarroi."

Remarque 1.
La quasi-totalité des 2 min 01 s du sujet est vue du côté israélien. Certes, pour des raisons de commodité, on se doute que les images du Hamas sont rares, mais cette prédominance incline inévitablement le téléspectateur à se placer du côté israélien.

Remarque 2.
Les vues du côté israélien sont dans les rues de Gaza, à l’extérieur, c’est-à-dire au-dessus. Ces vues surplombantes sont confortées par celles des tracts israéliens largués par avion, prises à la fois depuis l’avion et depuis le sol. Ces feuilles de papier blanc (qui, vues du sol, donnent l’impression d’oiseaux) procurent une fallacieuse impression de paix. En outre, on voit une carte de Gaza, avec les zones occupées par l’armée israélienne. Or, une carte est encore plus en hauteur, elle manifeste la domination de celui qui la manipule - domination sur le terrain, domination intellectuelle et morale et domination de l’adversaire.

Remarque 3.
A l’inverse, les images en provenance du Hamas sont d’à peine deux secondes, floues et dans un souterrain. Le souterrain évoque le monde chthonien, le monde d’en-dessous, le monde des enfers, le monde des morts, des prisonniers des basses-fosses. Mais aussi le monde des rats, des égouts. Et aussi, socialement, le monde des classes inférieures. Insidieusement, la guerre entre Palestiniens et Israéliens, est suggérée comme une guerre sociale, une guerre de classes. Une guerre des classes bourgeoises, installées, sédentaires contre les classes dangereuses, les gueux, les errants, les nomades, les déclassés.

Remarque 4.
La journaliste, pour parler des (rares) images en provenance du Hamas, parle d’images de propagande. Mais pourquoi n’emploie-t-elle pas le même qualificatif pour parler des images israéliennes ? Car si la journaliste parle d’une caméra militaire, c’est que le soldat a été accompagné d’un opérateur de l’équivalent israélien du SIRPA (service de communication des armées), qui fait autant de propagande que le Hamas.

Remarque 5.
Les propos du général Trinquand sont révélateurs. Il lâche d’abord un lapsus en manquant de dire "l’assaillant" (il prononce juste la première syllabe, "l’a", puis se reprend et dit "le défenseur". Or, à strictement parler (stratégiquement et tactiquement), à Gaza, c’est le soldat israélien qui est l’assaillant et celui du Hamas qui est le défenseur. Mais, dans l’idéologie des médias français, il est inconvenant, depuis le 7 octobre, de présenter Israël comme un attaquant ou un assaillant. [1] De plus, le général Trinquand parle de "engluer" et de "rets d’un filet", ce qui ne peut renvoyer qu’à l’araignée et à sa toile, dont l’image - au moins en France - est chargée de connotations négatives. Le général Trinquand dit aussi "vous" (au lieu de "on"), pour que le spectateur français se place bien, carrément, dans la peau du soldat israélien.

Remarque 6.
Au début la journaliste dit "l’armée", sans plus de qualificatif, comme s’il allait de soi qu’il ne pouvait s’agir que de l’armée israélienne, comme si le Hamas n’avait pas d’armée - à l’instar des jacqueries de jadis, que les armées royales ou seigneuriales traitaient de piétaille, de ribaudaille ou de valetaille, qu’on pouvait massacrer à sa guise, par milliers, comme le duc de Lorraine le fit en 1525, près de Saverne, en trucidant les Paysans allemands révoltés.

Cette dissymétrie se révèle dans ma Remarque 7, que je tire du journal de 13 h de France Inter de ce 7 novembre. En effet, en parlant des tués des deux côtés, le journaliste qui présentait le journal a dit :
"Du côté israélien, 1400 morts, des milliers de morts du côté palestinien".
La différence de traitement des pertes de chaque belligérant est frappante. D’un côté, 1400, soit un chiffre précis - car chaque vie israélienne compte. De l’autre côté, plusieurs milliers, comme si "pour ces gens-là", mille de plus ou de moins, c’était tout comme - de la même façon que les racistes disent, avec mépris : "Tous les Noirs se ressemblent".

Remarque 8.
Le siège de la bande de Gaza est celui d’un tout petit territoire (360 km², 17 fois plus petit que celui de l’Indre-et-Loire) complètement encerclé et bombardé sans merci par une armée disposant d’une force disproportionnée. Cela ne fait-il pas penser à quelque chose ?
En 1943, soit il y a 80 ans tout rond, (la durée de vie d’un homme aujourd’hui) à Varsovie, la Wehrmacht assiégea et bombarda pendant un mois le ghetto de Varsovie. Tous les habitants du ghetto furent soit tués soit déportés. La seule différence est que les descendants des victimes de jadis, au lieu d’être dedans, sont dehors. Ils ne font, en cela, que suivre un triste précédent : en 1871, les Communards qui n’avaient pas été massacrés par le général de Galliffet, furent envoyés au bagne de Nouvelle-Calédonie.
A l’issue de leur peine, certains restèrent dans l’île. Et quelques années plus tard, en 1878, ils aidèrent à écraser la grande révolte des Kanaks...

   

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